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Mon prochain voyage

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Début 2015 – à peine remis du nouvel an, un soir – ou une nuit, comme vous voulez… – avant de tomber dans les bras de Morphée j’erre et je pagaie pénard dans mon lit king-size. Je me dis que ça fait un bail que j’ai pas pris de vacances. Des vraies vacances, je veux dire, ce qui veut dire partir loin – si possible à l’étranger – quitter la routine du quotidien et vagabonder dans les ailleurs aux sonorités différentes.

Bon, d’accord… C’est pas que je commence à tourner en rond, hein, mais… Où aller ? En plus les nuits sont longues, il fait froid – moi j’ai besoin de SOLEIL ! – Histoire de me rafraîchir les idées… Et si je partais, disons en février, disons dans le sud de l’Espagne ? L’Andalousie !

Arf, j’imagine déjà Cordou, Grenade, l’Alhambra – et les doux rayons du soleil qui tapent sur ma peau… – car j’imagine que le soleil pointe le bout de son nez, là-bas, hiver ou pas, contrairement à ce qui s’est passé dans ce putain de désert où je me suis retrouvé, gelé de la tête aux pieds, avec les vêtements d’été que j’avais emportés parce que j’avais cru bien faire.

Et je m’endors, enthousiaste à mort.

Le jour d’après le réveil sonne, j’ouvre les yeux – et alors que mes paupières sont à demi-ouvertes – ou encore à demi-closes, comme vous voulez – une vision m’apparaît. Une vision – un peu comme celle que j’ai eue avec mon ukulélé. Une vision – juste un nom, en neuf lettres majuscules : LJUBLJANA.

Ljubljana, une vision… – il en faut pas beaucoup plus pour me dire que c’est là que le destin veut que je vienne passer mes prochaines vacances.

Ljubljana – la « Petite Venise » : pourquoi ce nom, cette ville m’apparaissent et résonnent en moi de bon matin ? C’est vrai qu’il y a quelques mois, j’ai accueilli chez moi deux nanas, des Slovènes, pendant deux nuits – bien sympa au demeurant – elles m’ont parlé de Ljubljana, bien sûr, elles m’ont parlé de ses charmes et de la nature environnante – mais à part ça, j’ai strictement AUCUNE IDÉE de la raison pour laquelle cette ville m’apparaît en flash ce matin là.

C’est écrit, c’est tout.

Le soir même au café je bois un verre pénard avec Camille. Les voyages, ça nous connaît, avec nos 4000 Km parcourus en stop ! Je lui expose tout de go mon idée de partir pour la Slovénie et de visiter sans savoir trop pourquoi Ljubljana. « Ah c’est super », elle me fait, « tu pourras prendre un vol direct et passer un gros week-end là-bas ! »

Ouais, ouais, c’est super, mais moi, un gros week-end ça suffit pas, j’ai besoin de partir une semaine minimum. Je sais que la ville en elle-même, elle est pas trop grande et deux trois jours suffisent pour y faire le tour et bien l’explorer.

Et là tout s’enchaîne dans ma tête – comme si c’était écrit : les lettres du mot Ljubljana qui sont apparues devant mes yeux matinaux, le fait d’être assis avec Camille, avec qui j’ai partagé tant de lifts…

Ljubljana, c’est en AUTO-STOP que je vais y aller.

L’année dernière, j’étais pourtant parti en stop à Łódź en me disant sincèrement que ce serait ma dernière fois, que je m’étais prouvé ce que j’avais à me prouver, que j’avais désormais tourné la page et qu’il était temps que je passe à autre chose.

Mais à chaque fois que je suis en voiture sur l’autoroute, quand ma tête est collée au carreau embué et que je contemple les paysages qui défilent, ou dès que je passe à côté d’une aire d’autoroute, je peux pas m’empêcher de me souvenir de tout ça, de la route, et je ressens comme un appel.

C’est pas fini.

Alors que je discute avec Camille, cet enchaînement se fait très vite dans mon esprit – bien plus vite que le temps qu’il vous a fallu pour lire les trois derniers paragraphes – ça fuse dans tous les sens, mais l’idée de l’auto-stop est lancée comme une évidence, comme si c’était prévu depuis le début.

Le pire, c’est qu’à l’instant où j’en parle à Camille, je sais même pas la distance qui me sépare de Ljubljana, ni quel chemin prendre pour y arriver.

La réponse à cette question, je l’ai quand je rentre chez moi et que je squatte fiévreusement Google Maps. 1400 Km, même pas. Du gâteau après Łódź. En plus, aucune ville m’intéresse sur le trajet. Une fois que je serai lancé sur l’autoroute, j’irai gaiement de station-service en station-service, et ce sera relativement facile d’accoster les véhicules pour demander à leur conducteur/conductrice s’il/si elle accepte un lift. Car, comme tout auto-stoppeur le sait – ou le découvre, les deux trucs les plus difficiles en stop, c’est 1) sortir d’une ville, et 2) rentrer dans une ville.

Bref, je pense qu’il faudra compter deux jours pour y aller.

Pour des tas de raisons, je dois décaler mes congés. Moi qui pensais prendre une semaine en février pour aller profiter d’un temps clément en Europe du Sud, j’ai finalement la possibilité de partir la première semaine d’avril – et ça m’arrange doublement : les jours rallongent de plus en plus, et il fera de moins en moins froid. Traduire: lever le pouce sera plus facile, et je serai visible plus longtemps.

Les jours passent, et j’imagine la pancarte que je vais fabriquer pour le trajet. Est-ce que je vais faire la liste de tous les endroits par lesquels je vais passer pour atteindre Ljubljana – comme j’avais fait pour Łódź – ou est-ce que je vais seulement afficher SLOVENIJA – LJUBLJANA et ensuite, advienne que pourra et vogue, vogue la galère ?

Il y a quelques jours je discute avec un collègue – je lui raconte mes plans pour Ljubljana – car forcément, plus les jours passent, et plus je suis fébrile à l’approche du départ. Je m’aperçois alors que même si j’y arrive en stop, je passerai là-bas beaucoup plus de temps que les deux trois jours qui seraient selon moi nécessaires pour visiter la ville. Ok, je peux bien sûr explorer Ljubljana en profondeur, aller dans les faubourgs, dans la campagne ou dans la forêt slovènes – et en profiter un peu aussi pour me reposer. Mais je peux aussi – pourquoi pas soyons fous ! – pousser le stop plus loin… 600 Km plus au sud – Jusqu’à SARAJEVO !

J’ai toujours rêvé de poser le pied à Sarajevo. Me demandez pas pourquoi… Simplement, pour moi il y a deux villes en Europe qui symbolisent le XXème ciel : Berlin et Sarajevo. Ces deux villes ont connu la folie et l’horreur des hommes, tous les courants, tous les tourments. Elles ont été bousculées, tiraillées, défigurées, mais aussi unies… l’Europe…

Berlin, j’y suis déjà allé quelques fois.

Alors ce sera Sarajevo.

En passant par Ljubljana.

En auto-stop.

On verra bien.

Contemplation

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-«  Ce qui est important, c’est de s’effacer. Tu dois y arriver pour t’imprégner des choses autour de toi et vivre pleinement l’instant. C’est ce que je fais chaque fois que je viens ici depuis 22 ans. Essaie à ton tour… Ne fais plus aucun bruit, plus aucun mouvement et mets tout tes sens en éveil…

Fred m’apparaît comme un prophète porteur d’un message sacré. Dans les secondes qui suivent, je m’exécute. Je me fige et concentre mon regard et ma pensée vers l’horizon.

contemplation1

Dans le désert des Bardenas, le silence règne.

J’ai 26 ans au moment où j’écris ces lignes. C’est le temps qu’il m’a fallu pour découvrir de quoi il s’agit. Le silence…

Pas un brin de vent, pas un battement d’ailes d’oiseau ni d’échos d’activité humaine dans le lointain.

Le silence.

Ce fameux «  rien » que recherchent les ermites.

S’il m’a fallu attendre un quart de siècle pour le trouver, c’est parce qu’il a disparu de nos contrées. A moins que cela ne soit tout simplement nous qui l’ayons chassé de nos vies. Nous n’en voulons pas. Nous ne l’aimons pas parce qu’il nous renvoie à notre solitude et que cette dernière nous angoisse. Etre seul, à écouter nombre de nos congénères, est synonyme d’ennui, de tristesse et même pire : de vide. Qu’est-ce-que le vide ? Et pourquoi nous fait-il tant peur ? Et si, au contraire, le vide et le silence étaient essentiels pour prendre conscience de la beauté du monde ?

A bien y réfléchir, la seule expérience de silence que j’ai connue jusqu’à ce jour, c’est dans ma chambre que je l’ai vécue, à l’ occasion de ces soirées solitaires ou je me laisse embarquer vers des horizons inconnus au rythme de mes lectures.

Ici, le silence est étendu à une zone bien plus vaste que les 15 mètres carrés de ma chambre. Il est question de 42 000 hectares d’espaces naturels protégés sous l’appellation de Réserve de la Biosphère.

contemplation2

Nous nous trouvons dans la partie des Bardenas appelée «  la Blanca » en raison de l’argile de couleur claire qui compose ses paysages : une plaine longue d’une vingtaine de kilomètres, striée de ravins et entourée de falaises et de collines tabulaires – des «  inselbergs  » dans le jargon des géomorphologues.

Il y a des millions d’années, l’endroit était un golfe marin. Puis, quand les Pyrénées ont émergé de l’océan Atlantique, il n’est resté dudit golfe qu’une zone marécageuse isolée dans les terres qui s’est progressivement asséchée et transformée en désert. De nos jours, c’est une curiosité géologique pour les spécialistes et une merveille de la nature pour les amateurs de paysages.

« Des fois, j’aime me rappeler qu’il y a 700 ans, ce territoire était aux mains des Maures et qu’il s’appelait «  Al Andalus  ». Tu imagines ? Du nord au sud, le pays était musulman. C’était une autre Espagne…

Instantanément, des visions me viennent… Je repense aux lieux que j’ai visités lors de mes précédents voyages. Je revois la ville de Tolède, perchée sur son rocher, ou les musulmans, les juifs et les chrétiens ont vécu en harmonie jusqu’à la Reconquête organisée par ces derniers. Je me revois déambuler dans les jardins orientaux du palais de l’Alhambra à Grenade, dans la Grande Mosquée de Cordoue ou dans de petits villages ayant conservé leur apparence mauresque.

Enchevêtrement d’arcs «  en fer à cheval » à la Grande Mosquée de Cordoue.

Enchevêtrement d’arcs «  en fer à cheval » à la Grande Mosquée de Cordoue.

Casarabonela (Province de Malaga). «  Qasr Bunayra » du temps des Maures…

Casarabonela (Province de Malaga). «  Qasr Bunayra » du temps des Maures…

Bien avant que les chrétiens ne s’imposent, on érigeait des minarets au sud des Pyrénées. On buvait du thé à la menthe, on vivait dans de petites maisons taillées à même la roche qu’on blanchissait à la chaux et qu’on ornait de patios fleuris.

Comment puis-je être nostalgique d’un monde que je n’ai pas connu ?

Fred me tire de ma rêverie orientale et pointe du doigt un mont solitaire au loin.

-Ce soir, nous dormirons là-bas. On ne va plus tarder à se mettre en route. On va s’arrêter dans une bergerie ou on pourra prendre du bois pour faire un feu de camp. En principe, il en reste toujours…

-Charmant programme, Fred.

Nous nous levons et observons le paysage autour de nous. Nous pourrions aussi bien être sur un autre continent, ou sur une autre planète qu’en Navarre…

Ce lieu est unique.

Les reliefs de la Bardena Blanca.

Les reliefs de la Bardena Blanca.

Je scrute ces imposantes et énigmatiques falaises : quel âge ont-elles ? A combien de couchers de soleils ont-elles pu assister ? Combien d’hommes nous ont précédés en ce même endroit où nous nous sommes assis en se posant les mêmes questions ? Combien nous suivront ? A quoi ressemblera cette contrée dans 1 million d’années ?

Je n’ai pas les réponses à ces questions et ne les aurai jamais. Face à ce décor et à l’immensité du ciel qui l’entoure, je réalise l’insignifiance de mon être et le caractère vain de mes questions.

Un jour, j’ai lu un proverbe qui disait : «  nous ne vivons que pour découvrir la beauté, tout le reste n’est qu’attente. »

Je suis tout à fait d’accord avec cette conception de la vie. D’ailleurs, c’est cette même façon de penser qui m’a mené ici.

Tel un croyant qui se prosterne devant son idole, je m’incline devant ces paysages sublimes.

La nature est mon dieu.

Ton désert, Simon…

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« Le vrai voyage, ce n’est pas de chercher de nouveaux paysages, mais un nouveau regard »

– Marcel Proust

Teraz jest teraz…

Maintenant c’est maintenant

Ahora es ahora comme on dit ici,

sur la route.

La route jusqu'aux Bardenas

La route espagnole

Ahora es ahora, Simon,

et c’est dans ton désert qu’on arrive.

Nous revoilà en escapade Camille et moi quelques mois après notre périple polonais – téléportés en Espagne cette fois-ci – tenter de trouver un peu de chaleur en plein hiver.

J’y ai cru moi ! J’ai pris mon blouson de mi-saison – mon blouson noir totalement délavé décoloré à force de passer mes nuits dehors – mon blouson de bourlingueur. J’ai aussi pris mes lunettes de soleil et j’ai même hésité à embarquer de la crème solaire –  complètement givré, olé !

Du coup le bilan est laconique. Sans appel. Je me les gèle grave.

Destination l’Espagne donc, et plus précisément les Bardenas Reales.

Ton désert Simon – celui où tu es déjà allé pas mal de fois.

Celui dont tu me parles souvent.

Tu m’as envoyé une flopée de cartes postales. Tu m’as montré des dizaines et des dizaines de – très belles – photos.

Ahora es ahora – et on y va – là, maintenant.

On est parti vers 13h de Tudela. Si on est parti si tard, c’est parce qu’on a fait la java hier soir jusqu’à pas d’heure avec les gens qui nous ont hébergés. On a eu du mal à se lever ce matin, on a beaucoup traîné – du coup on a raté les rares bus qui font la route jusqu’aux Bardenas mais nos hôtes nous ont filé leurs vélos.

Un des vélos a pas de vitesse, la selle de l’autre défonce l’entrejambe – tu devrais nous voir commencer à pédaler sur les hauteurs de Tudela Simon, tu te serais marré – des amateurs, je te dis !

Après le petit pont à l’entrée de Tudela, on sent vraiment le vent. Le vent glacial, 50-60 Km/h, en pleine face. Et ça sur toute la route, 15 Km jusqu’à l’entrée du désert, près d’Arguedas. Tu m’as pas vendu les choses comme ça Simon, tu m’as jamais dit qu’on pouvait se les peler autant. Et crois moi Cow-Boy, on en chie déjà. Surtout Camille, qui est obligée de pédaler comme un rat avec ses vitesses pétées. Je passe devant – j’essaie tant bien que mal de la couvrir du vent.

On parle pas, tout occupés à lutter contre les forces de la nature. Je cogite pas mal – et la question qui me reste en mémoire c’est « Qu’est-ce que je fous là ? ».

Il pleut et je pleure je sais pas pourquoi.

Bardenas

Bardenas

Autour de nous déjà les paysages du déserts, les collines, les plateaux et les inselbergs. On arrive à distinguer les différentes couches de roches superposées l’une sur l’autre, des sédiments. C’était quoi avant ? Une mer ? Une forêt ou une jungle ? On est rien par rapport au passage du Temps.

Éoliennes. Falaises. Panneaux solaires – et plus loin, à une distance en trompe-l’œil, vagues chemins seules traces de l’Homme ici.

En face la route continue jusqu’à Arguedas – on bifurque sur la droite, un petit sentier qui sent le bousin – des champs où les taureaux paissent – en suivant le chemin on tombe sur le panneau « Bardenas Reales » – et j’ai l’impression de rentrer chez toi par effraction.

Tu m’en as tellement parlé Simon que j’ai fini par m’y voir dans ton désert – avec Camille – tous deux néophytes de ces paysages – à dos de cheval – oui je nous ai vu à l’aventure, au trot, matant ces inselbergs de front et galopant sur les sentiers d’argile.

Bardenas

Bardenas

C’est pas encore fini. Il nous reste une forte montée à attaquer et ensuite, ensuite c’est l’entrée du désert. On pédale on pédale on pédale il pleut il pleut il fait froid froid. Il est 15h30, on est seulement aux portes du désert. En haut de la montée, enfin. Je pose mon vélo et je m’assois par terre, il est temps d’entamer nos sandwichs. Le froid. La pluie. Le vent – le Cierzo qu’on connaissait pas, maintenant on en a plein la gueule. Sec et glacé.

Bardenas Reales

Mes mains sont passées par toutes les couleurs de l’arc en ciel, maintenant elles sont vert pale et je commence à ne plus les sentir. Et ce paysage magnifique de désolation qui nous enterrera tous… Et si on rebroussait chemin ? Camille : « On aura roulé deux heures pour rien. »…

Elle a raison. Yalla !

Je pleure de froid et mes larmes secouées par le vent glacent mes joues. Je lève la tête – les nuages déchiquettent le ciel de façon quasi-chirurgicale. Je comprends que ça sert à rien à de pleurer – les garçons pleurent pas et surtout pas les Cow-boys comme nous pas vrai ?

On enfourche nos vélos à nouveau. On monte encore un peu, puis la descente – faible et venteuse – s’amorce. En bas on prend à gauche – un petit chemin en argile trempé et boueux. Nos vélos s’engluent par endroits, on en est presque aspirés – poussière tu retourneras à la poussière.

Sillons

Sillons

Des ruisseaux vides creusent des sillons. La pluie fine glaciale et pénétrante laisse la place au soleil – bien maigre, le soleil, mais il fait soudain dix degrés de plus, malgré le Cierzo. On s’arrête à côté d’une baraque désertée au beau milieu de nulle part.

Vélo

Vélo

Devant nous s’élève le fameux rocher – celui dont Simon m’a tant parlé – celui qui figure sur les cartes postales qu’il m’a envoyées, les photos qu’il m’a montrées. J’arrive pas à évaluer la distance qui nous sépare de lui. Camille veut rebrousser chemin : « C’est à cinq minutes d’ici. Tu peux y aller, moi je t’attends ici.

– Jamais de la vie. Pas sûr que ce soit si proche, et puis je ne te laisse pas là. Soit on y va ensemble, soit on y va pas. »

Le vent laisse le champ libre aux grandes déclarations. Yalla – Camille reprend son vélo en main et part devant. Putain sans elle je serais même pas arrivé là, et maintenant elle veut baisser les bras ?

Cinq minutes plus tard, on y est. Devant le rocher. Le Castildetierra. La Cheminée de fée. Le truc du désert, ce qu’on doit obligatoirement prendre en photo. Une pancarte explique comment ce rocher si particulier s’est formé au cours du temps. Et elle nous montre son futur : avec l’érosion le haut du rocher va un jour dégringoler et se désintégrer. Poussière… On se prend en photo devant le Castildetierra et on admire le panorama qui s’offre à nous. Aucun bruit sauf celui de la nature, quasiment aucun signe de l’activité humaine.

Castildetierra

Castildetierra

Maintenant qu’on a fini de faire nos touristes on range nos appareils photo et on fait demi-tour.

17h30. Je suis très branché sur l’heure, là, j’ai peur que la nuit s’abatte sur nous tout à coup. Dès que le chemin monte un peu, on descend de nos bécanes et on les pousse à pied. « On sera à Tudela à 19h », je fais à Camille. Pour la motiver. Je ne sais pas si je dois croire ou non à ce que je dis. Et on se remet en selle – une intersection – une montée tortueuse – et à partir de là réjouissance gracieuse – une descente vertigineuse. Et sans vent de face.

C’est parti ! Sur mon vélo je suis un apache, j’existe et j’exulte, je crie à pleins poumons, à 35 Km/Heure

« Waaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaoooooooooooooooooooooooooooooooooooooooouuuuuuuuuuuuuuuuuuuu » et mon cri fait écho – ultime trace dans ce désert qu’on quitte. Puis le panneau « Bardenas Reales » qu’on dépasse dans l’autre sens, et la route qui sent le bousin.

Ahora es ahora et maintenant il est 18h à peine – on arrive à la bifurcation de la grande route. Si tout va bien si on trace on trace on sera de retour à Tudela avant la nuit. Je me retourne et jette un dernier regard sur ces paysages magnifiquement désolés.

Tes paysages Simon – les paysages que tu magnifies et dans lesquels toi tu te perds pas.