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Le jour où la nuit brûle – partie 2

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Et là sans transition nous voilà Bill et moi en chemin direction le canal où la nuit s’offre à nous pour de nouvelles aventures. En marchant je reçois un SMS de Camille – ravie d’avoir vue Bill et de lui avoir parlé. J’avais pas remarqué qu’ils s’étaient échangés quelques mots – à ce moment là j’étais sûrement en train de mettre nos quelques déchets dans une poubelle. « Vous avez discuté de quoi Camille et toi ? » je demande. « De ses études », il me répond. Camille est en stage de fin d’études – une période charnière – et elle traîne des tas de questions derrière elle – la plus importante devant être « Qu’est-ce que je fais APRÈS ? » . Camille… – elle se pose toujours beaucoup de questions. Et Bill aussi – et il écoute aussi. Au canal y’a plein de monde sur les berges – à tel point que je sais pas on va se mettre pour continuer notre délicieux délire nocturne. On marche on avance parmi les gens – et on se fait accoster par deux gars. Y’en a un qui s’appelle « Double » – surnom trop chelou – parce que de multiples déformations de son nom – que j’ai pas du tout retenu – ont donné au fil des âges « Brou » puis « Brou Brou » puis « Double Brou » et enfin « Double ». Hyper-logique et encore plus compliqué que les pirouettes pyrotechno-lexicales qui ont donné « B.Howl ». Son compagnon de fortune s’appelle Merlu – parce que son prénom à lui c’est Colin. Ils traînent là avec leur bande de potes – ils picolent de la vodka dans des bouteilles de Volvic avec leur BMX et leur radio ils écoutent du reggae et du dubstep. Ça me rappelle une nuit de grand n’importe quoi avec Camille justement où on a fini au Batofar sur les bords de Seine – pour une grosse soirée dubstep jusqu’au petit matin avec du son qui pulsait pulsait des basses qui bourrinaient bourrinaient – à en faire trembler le navire ! L’eau sombre du canal luit – les lampadaires. Ronds incandescents feux immobiles dans le noir de l’eau et du monde tout autour. On parle de barbes mal rasées. « La mienne », je fais, « c’est un ACCIDENT, OK ??!! » – pas le temps de me raser ça pousse tellement vite ces trucs là – et surtout pas de lumière dans ma salle de bain depuis quelques mois maintenant.

Merlu : « Je viens bientôt rejoindre ma copine. »

Bill : « Elle s’appelle comment ? »

Merlu : « Mina. »

Bill : « La mienne aussi ! »

Votre aimable serviteur : « C’est peut-être la même… »

Vérification faîte – non.

Avec Double on parle tags. Ce mec tague partout. « Des beaux trucs ou des graffitis ? » je demande un peu connement. « De tout » il me répond. « Mais je fais gaffe à pas faire chier les gens. Tu comprends – la ville est à nous et y’a des types qui nous imposent à tout bout de champ leurs merdes architecturales qui enlaidissent le paysage urbain. Alors je me permets tout modestement de remettre un peu de désordre de chaos dans tout ça. Je me réapproprie la ville. Je marque mon territoire. »

Montrer à la ville que tu existes… Flash – je me retrouve l’histoire d’un instant à Five Pointz – NYC.

Je sens encore qu’il nous faut partir – j’ai du mal à rester sur place – et j’ai tellement de trucs à voir à vivre à montrer à Bill. On rejoint la bande de potes de Double et Merlu qu’on avait pas approchée jusque là pour leur dire au revoir. Ils sont chargés – et pas qu’à blanc. Ils s’enregistrent en faisant du rap avec une GoPro. On écoute un gars qui crache son slam – vas-y vas-y – mais à la fin on s’aperçoit que c’est pas une impro – dommage… En deux temps trois mouvements la vidéo se retrouve sur Youtube. À toi de la trouver si tu veux, mec. Si t’es brave tu pourras même me filer le lien du clip dans les commentaires. Merci d’avance. Ces zozios de la nuit me font penser à Stupeflip – vite ! En concert un grand pogo – pire que ça – une vraie boucherie. J’étais avec Candy au premier rang c’était hardcore le public était déchaîné j’ai failli être écartelé-écrabouillé sur les barrières qui séparaient la scène du public. Je sais pas comment Nana a fait pour supporter tout ça. J’ai failli aussi perdre mes lunettes plusieurs fois – et quand j’en ai eu marre – c’est à dire assez vite et que j’ai voulu m’extirper de tout ce bordel j’ai marché sur un truc dur – ça a fait « Crouic ». Je crois que ma Dr Marten’s a écrasé une main.

On finit en aparté avec Merlu à parler communisme/marxisme, les extrêmes, fondamentalisme religieux, Palestine, communautarisme vs. œcuménisme.

La nuit est noire – l’air est chaud – brûlant.

Bill et moi on se tire avant d’évoquer la paix dans le monde et dans les ménages.

 

Suite et fin la semaine prochaine…

Le jour où la nuit brûle – partie 1

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Bill squatte chez moi depuis quelques jours. Ce matin petit-déj’ fissa fissa et métro pour aller au boulot. Dans les souterrains je pense à ce soir – la fin de la journée, la fin de la semaine et sa dernière soirée ici. Faudra bien se la faire – vivre à fond la nuit la ville sans fond. Cette perspective me réjouit – hop je dégaine mon portable et lui envoie un SMS : « Ugh ! Comment ça se passe en la casa ? Beatbox ce soir au bord du canal ? Avec harmonica ukulélé et deux illustres troubadours distingués à l’air vespéral ? ». Ouais du beatbox – comme la fois où on en a improvisé sur le belvédère qui dominait la ville et ça a duré des heures des heures on savait parler toutes les langues de Babel après la tour et d’outre-Quiévrain. Anglais-Français-Allemand-Russe-Esperanto- des « Mmmm » et de « Tsss » et des « Bop » aussi. Et la fois où on en a fait aussi – en plein jour cette fois – et en public parmi les hautes herbes pas folles dans les jardins de ce château.

Bill – sa réponse : « Hell yeah ! » – rock’n’roll.

Je suis de bonne humeur énergique et joyeux toute la journée. En rentrant chez moi Bill a déjà fait les courses. Repas simple frugal mais bon – du pain de la sauce provençale qu’on tartine dessus et qu’on saupoudre de comté râpé. Une idée de recette qui vient de Mina, la copine de Bill – Serbe, pianiste, belle comme une déesse et intelligente en plus. Comme dessert des yaourts à la rhubarbe délicieux – Bill en est devenu fan.

On prend nos affaires Bill prend ma guitare qui me sert pas je compte la revendre bientôt je pense et peut-être m’en prendre une autre.

J’embarque:

– mon ukulélé fruit d’une de mes visions il y a plus d’un an qui m’a happé alors que je rentrais chez moi après une soirée sous le soleil au zénith

– mon harmonica qui date de mon séjour assez récent en Bretagne fruit de ma frustration de pas avoir pu embarquer le uké – pas assez de place dans mon sac de bidasse

– un « tssi-tssi » vu que je sais pas comment ça s’appelle fruit de mon week-end à Hambourg en décembre dernier rejoindre dans le froid Anna la Russe – quelle beauté – qui m’avait invité à voir un concert – mais moi c’était pour la voir elle que je me tapais dix-neuf heures de trajet – l’aller ! – et une nuit dehors.

Et c’est bon on part.

Deux grands dadais dadaïstes en bermuda pantalon japonais sandales Converses chemise en lin – ou c’est du chanvre, Bill ? – t-shirt rock’n’roll et chapeau à plume – des pèlerins le regard qui se perd au loin tellement il est à l’affût. B.Howl votre bien dévoué serviteur ici présent – et Bill Burroughs/Graham/ce-que-tu-veux. C’est toi qui voit mec ! B.Howl et Bill. J’en suis particulièrement fier, de celle là…

Et ce parc dans lequel on arrive et qu’on a tellement vu – la dernière fois déguisés intérieurement en peaux-rouges ou en Sioux. Ou en Navajos hi ho hi ho. On pose nos culs et notre attirail sur l’herbe humide. « Tu verras », Bill me dit « les gens vont venir ! ». Devant moi on voit Camille assise à flan d’arbre qui lit je crois – son vélo posé près d’elle. On s’approche d’elle – ça fait un bail qu’on s’est pas vus je suis ravi de la voir. Elle me regarde « Je suis en train de t’écrire une lettre B.Howl » elle me fait. Elle a reconnu Bill – elle l’a vu une ou deux fois – mais pas moi. J’ai tant changé que ça depuis la dernière fois ? On lui propose de se joindre à nous mais elle vient pas c’est pas le moment. Je comprends et on retourne s’asseoir dans notre coin. Les lumières tournoient autour de nous le soir tombe maintenant c’est les dompteurs de feu qui jouent à la flamme des dompteurs de feu des tournicoteurs. Plus loin des zombies aussi des allumés des gens à la coule. Pour s’échauffer on se fait à deux « Le lion est mort ce soir » puis Bill m’apprend « Little Boxes » la chanson du générique de Weeds. Mais c’est pas évident et ça finit par me gonfler.

Je lève la tête – les feux barbares bardent dardent dans la nuit – chantent s’envolent et crépitent. Ne s’épuisent jamais. Là-bas auprès de son arbre Camille écrit – jeux d’ombre et de lumière je me souviens de ses yeux de ses yeux de ses yeux – oniriques – à la lumière des bougies. Me demande si la lettre qu’elle est en train d’écrire je la lirai un jour… Bref j’essaie de pas y penser. J’attrape mon ukulélé et montre à l’habille Bill – je l’assume moins celle là – « Take a walk on the wild side ». Ensuite on se la refait – comme il y a deux ans quasiment jour pour jour. « Mais le matou revient ». Et puis on se tape un délire sur « Mais non mais non ce n’est pas une chanson monotone » – je te la ferai quand tu veux si on se voit un jour, mec. Puis Bill à la gratte accompagné par moi au tssi-tssi enchaîne sur des chants en espéranto en sanskrit en beatbox en n’importe quoi qui monte dans la nuit et disperse et brûle les ombres du ciel – qui finit comme au commencement par un « om »

OOOOOmmmmmmmmmMMMMMmmmmmmm

omni-tout.

Allez on se reprend sur « Armstrong je ne suis pas noir » et je me dis que c’est con que j’ai pas pris mon kazoo au cas où… – qui vient de Hambourg aussi pour ceux que ça intéresse, le magasin de musique presqu’en en face du musée des Beatles qui a fermé pour de bon genre quatre mois avant que dans cette ville je débarque tonitruant.

Un groupe deux filles deux gars passent : « Jouez nous quelque chose » Ah ouais Bill ça marche. On distingue pas trop leur visage il fait sombre maintenant. Une des nanas a sur son t-shirt la même photo que moi – les quatre garçons dans le vent traversant le passage piéton d’Abbey Road.

J’ai traversé ce même passage piéton il y a quatre ans. Comme la plupart des touristes qui passent par cet endroit je suppose. Sauf que j’ai aucune photo qui fête l’événement – y’avait personne d’autre que moi et je pouvais pas me prendre en photo tout seul – par contre j’ai signé sur le mur du studio – là aussi comme pas mal de touriste – les murs ont dû être repeints depuis – plusieurs fois.

Bill nous joue un truc qui selon lui « mettra tout le monde d’accord : « Les amants de Saint-Jean » et il se tape même une envolée lyrique à la fin. Le groupe nous quitte. Je sens que pour nous aussi il est temps de bouger. On s’ankylose à force de rester au même endroit. On remballe nos instruments – un dernier regard sur Camille et on prend congé de ce parc on disparaît on s’enveloppe dans le manteau de la nuit.

 

La suite la semaine prochaine…