Archives par étiquette : capotes usagées

Consolação

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Rua Augusta

Consolação

Ses cheveux

bleus décolorés sur mon épaule

Ces yeux

magiques dont j’arrive pas à deviner la couleur

carpe noctem

Cette chanson en

fond sonore

J’ai 15 ans, 16 à nouveau

15 ans que t’as 15 ans

Elle – la peau crème

allongée

nos corps mélangés

Ses chats jumeaux

noirs

nous contemplent

nus sur la couette

Consolação

15 ans que t’as 15 ans

la femme piège

et tous ses tattoos

innombrables et

sans queue ni tête

sempre no meu sempre

et tous ses piercings

partout –

en vérité

plutôt l’allure de

Tank Girl

 J’ai 15 ans, 16 à nouveau

15 ans que t’as 15 ans

Demain

on ira à Ilhabela

 Demain

c’est ton anniversaire

Chercher des petits-pains

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Premières lueurs du jour qui te percent les pupilles. Je me réveille une fois de plus dans un lit qui est pas le mien. Odeur désagréable – amère, puante – dans la bouche – trop fumé hier, et trop bu – du mauvais vin – je pue à dix kilomètres. Je regarde le plafond en essayant de reprendre mes esprits, de retrouver ne serait-ce qu’une vision d’ensemble du puzzle décomposé de la soirée d’hier. Et de la nuit…

Merde…

Elle dort sur le côté. Bien loin de moi. Elle ronfle un peu, paisible – elle me tourne le dos. Peut-être qu’elle aussi préfère oublier. Elle a l’air jolie, de dos. Je veux dire, elle a l’air d’avoir de jolis cheveux, elle a un beau dos, charmant – … J’espère… Je veux dire… merde…

Par contre elle a tiré toute la couette cette nuit. Je comprends mieux pourquoi je me suis gelé les miches. J’ai le cuir chevelu qui me démange. Toujours allongé, je me gratte les cheveux, je scrute mes pieds, mes jambes, je zieute le bas de mon ventre. Ma bite flasque qui déclare forfait. Qui voudrait bien disparaître dans la nature, se recroqueviller dans sa coquille. Comme un escargot. Mais c’est qu’une limace. Elle est belle, ma condition d’homme !

C’est bon, ça me revient. Les événements d’hier. Par bribes – de plus en plus nettes. Merde…

Je me suis encore fait niquer comme un bleu. D’abord le pub aux néons criards. Ensuite le dernier verre – « Chez toi ou chez moi ?

– Mmm…

– Chez moi. J’ai du bordeaux.

– Mmm… j’aime pas trop le bordeaux.

– Chez moi quand même. Allez viens, tu sais bien qu’on s’en fout que tu aimes pas le bordeaux !… »

Tellement cliché…

« Mmm… Bon, OK, d’accord… »

Inutile de résister, surtout pas à cette heure tardive. Au mieux il y a de la bonne musique de chambre et son lit est confortable, au pire la gnôle est gratuite. Ça vaut bien quelques sacrifices.

B.Howl – une âme tellement charitable…

Je me dresse tant bien que mal. Coup d’œil au réveil – un truc vintage posé sur la table de chevet parmi quelques Musso, quelques Levy, un Gavalda et un flacon de verni à ongles violet. Sans doute que c’est ce flacon qui m’a séduit chez elle, non ? Si elle est pourvue d’une once d’originalité…

Je soupire.

Le réveil indique 8h12.

J’ai la dalle.

Je sors du lit. Je glisse sur une capote usagée. Deux autres capotes traînent plus loin. Usagées aussi – mais vides, celles là, par contre. Grands dieux, tant de fois que ça ?…

Merde.

Je me rhabille avec difficulté – j’enfile mon calbute comme l’équilibriste du cirque. Puis mon jean, ma chemise et mes godasses et plusieurs fois je manque de me casser la gueule. Je vadrouille dans l’appart’ je me dis qu’elle a des bons goûts déco quand je vois les posters dans sa cuisine. Dans l’évier je choure une tasse je la nettoie vite fait et j’y verse la fin de la cafetière. Le café froid de la veille, y’a que ça de vrai ! Puis je finis par trouver les chiottes où je dépose quelques amis à la piscine je prends bien soin d’éviter de tirer la chasse et enfin direction la salle de bain où je me passe un coup d’eau sur la nuque histoire de bien me réveiller, et d’emprunter son dentifrice histoire de pas schlinguer, d’être un minimum présentable aujourd’hui.

Il a l’air de faire beau dehors. Je prends quelques thunes, je laisse mon manteau traîner sur le canap’, et je fais, bon cœur : « Je vais chercher des petits-pains. »

En guise de réponse j’entends une sorte de meuglement – je crois que ça veut dire « Oui ». À l’entrée sur un meuble je prends ses clés ainsi qu’une clope – une lucky pour me faire passer la pâteuse.

Et j’emprunte pas l’ascenseur j’emmerde l’ascenseur je descends les escaliers en sautillant tel Arturo Bandini – un Arturo Bandini de pacotilles – un Casanova stakhanoviste qui a rien dans le froc. Je me suis fait niquer comme un bleu.

Dans la rue je demande à une vieille qui promène son chien où c’est que je peux trouver une boulangerie. Elle et son yorkshire me regardent avec méfiance. Oui je suis un débauché oui je sens la chatte – et alors ? Faut que j’en profite, non, avant de devenir comme vous… – vous trouvez pas ?

La vieille finit par accoucher – la boulangerie est deux rues plus loin. « Merci bien », je dis. Et je file fissa et je sais bien que j’ai la vieille et son foutu clebs sur les talons.

Je sautille nonchalamment sur le trottoir – je me crois dans Billy Elliot. Je suis Billy Elliot. La boulangerie est à une rue. J’allume la clope je marche lentement en fixant le caniveau et je pense à tous ces maris, tous ces amants qui annoncent à leur femme au petit matin qu’ils vont chercher des petits pains et qui reviennent jamais.

J’envisage sérieusement de faire la même.

Sauf que moi je me suis fait niquer comme un bleu j’ai laissé mon manteau là-bas. Mon manteau qui contient les clés de chez moi mes papiers mon blé et mon portable.

Je vais chercher ces foutus petits-pains et je reviens, furax, jusqu’à son immeuble.

Je sonne. Exprès. Plusieurs fois. Jusqu’à ce qu’elle se sorte enfin le cul de son plumard et qu’elle vienne m’ouvrir.

« T’as pris la clé, pourtant, non ?»

Il n’y a pas de petites vengeances.

« Ah oui. Oui oui. C’est vrai. J’avais zappé. Désolé. Mais j’ai des petits-pains. »

– Je t’ai dit hier que je préférais les croissants…»

Merde.