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Pat & Séb

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Pat et Séb, c’est des poissons.

Le diminutif de Patrick et Sébastien – pour celles et ceux qui n’auraient pas reconnu la référence.

Pat et Séb, c’est mes poissons.

C’est pas des sardines, c’est des Black moor.
C’est eux qui, du fond de leur bocal, font fuir les pigeons de passage – Marcelline et Diya, et leurs bébés ; Jules et Verne, Marco et Polo, et Ken, évidemment…
Pat et Séb, c’est mes poissons.
C’est stupide, des poissons.

C’est contagieux.
Pat et Séb, je les ai eu en cadeau pour mon anniversaire.
Du fond de leur bocal, quand ils ont barboté dedans pour la toute première fois, ils ont pas dû capter. Baptisés civilement Pat et Séb, OK, mais disposer en sus d’autres prénoms officieux et secrets, ça, c’est peut-être compliqué pour leur micro-cerveau mouillé et leur carcasse schizoïde.
Du fond de leur bocal, quand ils ont barboté pour la toute première fois, ils m’ont vu pleurer – intérieurement du moins. J’allais quand même pas me mettre à chialer comme une gonzesse devant mes invités pour deux poissons tout riquiqui.
Là, ils ont dû se dire qu’enfin, j’allais devenir responsable – qu’enfin, j’avais quelqu’un dont je devrais m’occuper.
Changer l’eau du bocal tous les cinq jours – quand elle commence à être trouble et dégueulasse.
Leur verser à manger tous les matins à l’heure du petit déj’ –
Parce que c’est tout un art de s’occuper de ces petits montres difformes aux yeux globuleux et à la tête de con…
Là, ils ont dû se dire que j’allais faire attention à eux, que j’allais être doux et conciliant, les bercer tous les soirs par ma voix de soprane et les doux sons de mon ukulélé.
Là, ils ont aussi dû se dire que ça y est, j’allais arrêter de me casser tout le temps, tous les week-ends, en voyage, en vadrouille, bourlinguer, partir toujours plus en avant, me perdre dans des contrées lointaines, dans l’immensité des villes, dans les champs de France et d’ailleurs.

Non. On a beau évoluer, encore, toujours, par petites touches – il y a des choses qui changeront jamais.

dans le bocal

photo volée de Pat et Séb

Le monde a changé

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Il fut une époque où je sortais pas les poubelles. À la place, je foutais tous les sacs plastiques plein de déchets dans le vide-ordures, je les compressais au max et je bourrinais sur le vide-ordures jusqu’à ce qu’ils tombent cinq étages plus bas. Autant vous dire que ça faisait un raffut du tonnerre. Surtout quand je faisais ça le matin dès le réveil.

Maintenant le monde a changé et toutes les semaines je descends mes poubelles – bon petit citoyen propret et respectueux de ses voisins.

 

Il fut une époque où pour la douche je ne jurais que par le savon de Marseille – même pour les cheveux. Un jour je suis allé chez le coiffeur et qu’il a vu ça, il a dû mettre des gants. À force, une fine couche de savon s’était amassé sur mon crâne et étouffait mon cuir chevelu.

Maintenant le monde a changé et je suis pas réveillé tant que j’ai pas pris ma petite douche – avec gel douche shampoing et tout le toutim – faut que ça frotte, faut que ça mousse.

 

Il fut une époque où j’avais l’impression de squatter chez des gens – tant bien même je payais ma part du loyer. Des bobos-écolos – les pires – du genre à éteindre le chauffage en plein hiver – du genre ère glacière. Du coup je me réveillais souvent vers quatre heures du mat’ – peau transie, tremblante, bleutée – des stalactites de morve gelée qui me pendent au nez.

Maintenant le monde a changé et ici dans ma chambre le soleil me tape sur la gueule tous les matins, je contemple ébloui le ciel qui se drape de couleurs magnifiques pour me saluer et me presser de me bouger le cul, et le soir la lune et sa mer de la tranquillité qui dit qu’elle veillera toujours sur moi.

 

Il fut une époque où j’aimais bien monter à Paname pour le week-end – rien que pour squatter chez Sophie dans son appart’ haussmannien vers Saint Germain les Près – et écumer avec elle – plus ou moins célibataires, plus ou moins fauchés – les sushis-bars flamboyants et les boîtes de jazz feutrées – à la recherche de gens pour nous payer à boire, ou plus si affinités.

Maintenant le monde a changé et quand je veux rendre visite à Sophie au fin fond de sa campagne, je dois monter à Paris, descendre à Montparnasse, ensuite prendre le RER puis le bus et enfin son jules doit venir en caisse me récupérer au terminus.

 

Il fut une époque où, deux fois par an, Marcelline et Diya prenaient possession de ma balustrade et y faisaient leur nid. J’avais l’honneur d’être le premier être humain à assister aux premiers battements d’ailes – bruyants – de leur progéniture. Jules et Verne, Marco et Polo, et Ken – le survivant. Et toute la troupe se cassait de là – du jour au lendemain, sans prévenir, en laissant derrière eux tout leur bordel, toutes leurs merdes de sales pigeons voyageurs.

Maintenant le monde a changé et Marcelline et Diya ne font que passer mais ne se posent plus. Elles ont sans doute peur de Pat’ et Séb’, mes deux poissons noirs qui du fond de leur bocal les toisent de leurs yeux globuleux.

 

Il fut une époque où je bourlinguais avec Camille – 3600 kilomètres sur la route, le pouce levé, le sourire aux lèvres – faire le tour de la Pologne dans la frivolité la plus débridée.

Maintenant le monde a changé et Camille ne m’accompagne plus. La vie, ses routes, ses déviations et ses détours ont eu raison de nous.

 

Maintenant je regarde la lune immense et pâle qui me sourit, je regarde les horaires du prochain bus direction chez Sophie, je regarde Marcelline et Diya roucouler au loin sur les toits, je regarde mes pancartes – vestiges de la Route Polonaise – érigées au rang d’objet d’art ou de collection, je regarde mon gel douche à la pomme, je regarde la poubelle presque pleine – je regarde tout ça par le prisme des souverêves.

Alors j’enfile mes charentaises et je descends mes déchets dans le local poubelles de l’immeuble.

 

Paraît qu’on appelle ça l’évolution.

 

Le Survivant

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« Il n’est pas important de sortir le premier, ce qui importe, c’est d’en sortir vivant. »

 – Bertolt BRECHT

 

C’est pas possible. Elles ont recommencé.

Diya et Marcelline.

Cette fois encore elles s’installent sur ma balustrade.

J’ai guetté le moment où elles arrivent, quand mine de rien la première branche se pose.

Signe du nid qu’elle vont construire

et des œufs qu’elles vont choyer.

(Et de la merde qu’elles vont laisser…)

Voilà maintenant Diya est posée – un peu fatiguée après l’accouchement

(ça se dit ça, que les pigeons accouchent ?…)

mais depuis elle a repris du poil de la bête

(enfin dans son cas, « des plumes de la bête »)

et parfois relayée par Marcelline

elle couve deux œufs sous son aile.

Comment je vais les appeler,

ces nouvelles têtes qui vont bientôt éclore ?

Après Marco et Polo

puis Jules et Verne…

Comment je vais les appeler, bordel ?

Allez quoi, un peu de légèreté,

un peu de grâce, de lyrisme,

un peu de poésie !

 

 

MEEEeeeeRDEEee !!!

Quelle conne cette Diya !

C’est stupide, un pigeon –

et c’est contagieux.

Un faux mouvement d’aile,

un geste brusque

et crac –

elle explose l’un des œufs

et tout le jaune tout le blanc

s’éclatent sur elle –

violemment.

 

L’autre œuf n’a rien.

Il se fissure doucement

Il y a de la vie à l’intérieur.

Il est né le divin enfant-pigeon !

Déjà soumis aux dures lois

de la vie et

de la sélection naturelle de mes deux.

Le bébé pigeon

sort sa tête

hideuse et toute poilue.

Comment je vais l’appeler ?

 

KEN.

 

KEN LE SURVIVANT.

 

diya et ken 2 aout 2013

Ken et sa mère, quelques temps après sa naissance

Diya

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C’est stupide.

Un Pigeon.

Ça a une toute petite tête et ça chie partout.

Et c’est contagieux.

Certainement.

Je veux dire, il y a certainement des tas de microbes pas très très jolis à voir sous les aiss-ailes d’un pigeon, non ?

Diya est arrivée chez moi par une belle matinée de Février. Je ne sais plus quel temps il faisait, en tout cas je suis sûr que c’était en février. Un dimanche. Ça je m’en souviens, parce qu’il y a cette église à côté de chez moi dont les cloches me réveillent à 10h, ce qui, je trouve, n’est pas une vie, ce qui, je trouve, est pire, par exemple, que de trimer 14h par jour dans une usine de composants électroniques de Shenzhen, Chine.

Le sommeil, bordel, c’est important !

Non ?

J’ai tout tenté pour qu’elle ne vienne pas s’incruster.

Je voyais les brindilles s’amonceler, l’une après l’autre. Dès que ça commençait à former un tas consistant, je les virais, hop, d’un coup de balai, net, propre et sans bavure.

Je ne voulais pas qu’on me refasse le coup de Marcelline.

Je m’étais fait avoir une fois, il ne fallait pas pousser le bouchon, je n’allais pas me faire couillonner une deuxième fois, non ?

Et donc, dimanche matin, je prends tranquille mon petit-déj dans la cuisine.

Pour info, d’ailleurs, si ça peut intéresser les millions de lecteurs de ce blog, je ne mange plus de Quaker Oats.

C’est fini.

Non, en fait ce n’est pas fini.

Disons que là, depuis quelques temps, je fais une pause.

Reculer pour mieux sauter.

Dimanche, première clope de la journée. À ma fenêtre. Trois brindilles. Ridicule.

Je ne vais pas passer le balai sur mon rebord de fenêtre (on ne peut pas exactement appeler ça un « balcon »…) pour trois brindilles, non ?

Brossage de dents, tranquille. Je reviens dans la cuisine me prendre un verre d’eau.

Et là, c’est le drame.

L’impression de m’être fait couillonner.

Il y a quelqu’un, là, ou quelque chose, une horrible petite chose sans cervelle et qui pue.

(Et je ne parle pas de moi.)

Une pigeonne.

Tranquille, pénarde, en train de fanfaronner sur les trois brindilles.

Elle me regarde, d’un air innocent, style « je n’ai rien fait, ce n’est pas moi ».

Elle me prend pour un pigeon, non ?

Je panique. Je pense à Greenpeace, ensuite je me dis qu’il n’y a qu’un rapport très lointain entre Greenpeace et ce que je veux penser, je pense donc à la WWF, à la SPA, à Brigitte Bardot.

Et pas dans ses années fastes.

J’ai envie de faire mon Rambo. Mon warrior. Mon Rambo Warrior. (d’où peut-être cette petite pensée pour Greenpeace).

Je pense à arrêter les jeux de mots pourris, ainsi que les feintes nulles sur les juifs, les noirs et les cathos.

Puis je pense tout simplement à empaler cette petite pigeonne de mes deux, à l’étrangler d’une main, à la noyer dans la cuvette des chiottes, à la dégommer au pistolet semi-automatique, à la griller au lance-flammes en faisant un cri comme « Rrrrrrrrrrrrrrhhhhhhhhhhhôôôôôôôôôaaargggggh ».

Après, je rangerais mon matos, puis, avec un peu de suie sur les mains et le visage, sentant un peu l’essence, je dirais un truc du genre « J’aime respirer l’odeur du napalm le matin ».

Clap de fin, générique, on prend une douche et on rentre au bercail.

Sauf que ça ne se passe pas comme ça.

C’est le fait de penser à Bardot. Ça m’a bloqué. Je suis resté là comme un con. « Un pigeon est un animal, tu es un animal » m’a glissé une petite voix dans ma tête, style condescendante, angélique, un peu coconne. La voix de la SNCF, non ?

Non.

Une voix qui sonne faux. La voix de la dame qui bassine tout le monde avec ses histoires de roulottes, de résurrection quand on t’a inscrit à l’insu de ton plein gré au catéchisme alors que toi, tu voulais simplement jouer au foot, non pas avec Bardot, mais avec tes potes.

Le peu que t’en as, il faut les conserver…

Alors je m’extasie devant ce pigeon : « Oh, il est mignon ! », comme Poelvoorde je deviens poète-poète (facile, celle là).

La petite voix me susurre : « Respect, paix et amour.

– Amen », je réponds.

Soudainement, Dieu m’a donné la foi dans le pigeon.

On va l’appeler Diya. « Petite lumière », en hindu.

Je suis trop balèze, pour accoucher de noms comme ça, tout d’un coup. N’hésitez pas à me demander pour votre gosse, faites moi confiance, si vous voulez qu’il passe une enfance pas trop malheureuse… parce qu’entre nous, c’est pire à l’adolescence.

Diya n’a que trois brindilles, elle vient d’arriver, mais elle s’installe. Pas de quoi en faire un lit. Le bourreau est en quête d’une rédemption mais il ne peut rien faire.

Et là, miracle, Marlowe arrive et dépose, une par une, des brindilles sur le rebord de la fenêtre. Diya les saisit et les dispose comme une chef. Une tradition millénaire, un peu comme les nanas qui s’amusent à faire des paniers en osier.

C’est peut-être con, un pigeon, mais ça sait faire un nid.

« Oh, il est mignon ! », je fais quand je vois Marlowe revenir avec une autre brindille.

Je vois une belle solidarité inter-pigeons, comme il n’en existe plus chez les humains.

La foi dans le pigeon.

Pourquoi Marlowe ? C’est une longue histoire… Le bourreau écoute Redemption Song de notre ami Bob (vous avez remarqué ? Bob est toujours notre ami), et il baptise Marlowe « Marlowe », une déformation de « Marley ».

Marlowe s’active à mort à amener tout un tas de brindilles pour que Diya fasse son nid. Le bourreau sait que l’accouchement est proche. Il veut immortaliser ça et va chercher son appareil photo numérique pourri dans le salon. Cette arnaque pourra bien faire une photo jolie, non ?

Non.

Je déboulonne dans la cuisine, le souffle court.

Mais c’est trop tard.

Diya a déjà accouché.

Je suis ému.

J’écoute Le Lac des Cygnes pour fêter ça.

Je pleure de joie.

Ma foi dans le pigeon est plus forte que tout.

Mais je sais au fond de moi que c’est maintenant que les emmerdes vont commencer.

Comme avec Marcelline.

L’an dernier, à la même époque, à peu près, Marcelline a débarqué. À l’époque, je l’ai laissée faire son nid. Au même endroit que Diya, d’ailleurs… ça doit être une place de choix.

Bref, Marcelline a fait son nid, elle a pondu deux œufs, les œufs ont éclos, et puis, je me souviens, c’était un jeudi, enfin à vendredi vers trois heures du matin, hop, un bruit assourdissant retentit dans la nuit.

Le lendemain, au réveil je constate que le nid est vide. Désespérément vide. Marcelline s’est cassée comme une voleuse, avec les deux gosses, et cette salope n’est plus jamais revenue, même pas pour me faire un petit coucou une fois de temps en temps.

Aucune gratitude. Par contre le nid, lui, est resté. Avec des coquilles d’œufs et de la merde partout. Et moi, comme un con, j’ai passé l’aspirateur dessus et j’ai tout dégueulassé.

Cette histoire n’est pas drôle et me traumatise encore aujourd’hui.

Là, je suis blindé, je sais que Diya, Marlowe et le petit ne sont pas amenés à rester. Je me prépare déjà psychologiquement à affronter leur départ, à coup d’anxiolytiques légers.

D’ailleurs, le petit, là, dans sa coquille bien au chaud contre les plumes de sa mère, comment on va l’appeler ?…

J’hésite entre « Pigeon », « John » et « No Name Yet ».

Lâchez vos comm’s pour choisir le nom du gosse !

Non ?

Non.