Archives par étiquette : dragon

Histoires de L’Oncle Ben – 2

Share Button

Et voici où en est venue notre histoire la dernière fois que mon neveu – S. , 5 ans – m’a rendu visite.

Il faisait moche ce week-end là – donc hors de question pour nous de passer beaucoup de temps dehors. Et chez moi, je n’ai pas vraiment de quoi occuper un enfant de cinq ans – en tout cas, c’était ce que je pensais.

De mon époque aux beaux-arts, il me restait quelques grandes feuilles – format raisin, 50x60cm – des crayons, des fusains, des pastels, des pinceaux et de l’encre de Chine. J’ai aussi ressorti de mes cartons de vieilles fresques que j’avais réalisées avant que j’arrête le dessin. Et l’une d’entre elle représente un combat contre un dragon – assez apocalyptique.

fresque d'un combat contre un dragon

fresque d’un combat contre un dragon

Mon neveu s’est figé et n’a pas fait un bruit pendant deux minutes, le temps de voir toute l’histoire qu’il avait devant lui, sur la feuille de papier que je lui montrais.

Puis il a posé sa feuille sur la table basse du salon, s’est accroupi autour, a saisi les crayons de couleur qu’il avait ramenés, et il a dit: « Moi aussi je vais dessiner un dragon! »

Je pensais que cette envie soudaine de dessiner allait lui durer une heure et qu’il finirait par se lasser. Je cherchais même quel dessin animé on pourrait regarder après – et j’avais une préférence pour « Le Roi Lion » d’autant plus que ça faisait vingt ans que je ne l’avais pas vu.

Mais non. Mon neveu a tenu bon. Et même plus: le lendemain matin, dès son réveil, il n’avait qu’une envie: poursuivre le dessin qu’il avait commencé la veille.

Voilà le résultat de notre première œuvre d’art à quatre mains.

Notre fresque avec mon neveu

Notre fresque avec mon neveu

Remarquez Igor l’ogre, Hector le dragon-poulet inoffensif, Dragonstan le dragon de S., un dragon à deux têtes avec un méga-poing et un méga-poing trop puissant et une armure anti-mitraillette, un château-fort avec des remparts, un pont-levis des mitraillettes et une caméra de surveillance, et une super-mitraillette

Les enfants sont formidables…

Aussi, avant de s’endormir, il m’a demandé: « Dis, Tonton, comment ça se fait que tu es devenu chasseur de dragons? »

C’était une excellente question.

Je suis resté silencieux quelques instants, le temps que les idées fusent dans ma tête et que je puisse broder une histoire qui tienne la route.

Je me suis lancé – sans trop savoir où j’irais – et surtout, sans imaginer une seule seconde que le récit que j’allais être assez crédible pour S. :

« Tu te rappelles mes dessins de dragons que je t’ai montrés? Un jour, alors que je participais à une expo, un gars est venu vers moi et il m’a demandé: « Ça vous dirait d’en voir en vrai, des dragons? » Alors, tu me connais, j’ai dit: « Bien sûr! » Il m’a alors expliqué qu’il était capitaine d’un bateau et qu’il cherchait quelqu’un pour faire à manger, à lui et ses matelots, quand ils parcouraient les sept mers à la recherche des derniers dragons sauvages.

– Wow!

– Ouais… C’était une chouette période de ma vie… » j’ai fait en soupirant – me remémorant d’innombrables souvenirs qui devenaient réels au moment où je les racontais.

« Pourquoi tu as arrêté?

– Parce que le capitaine se faisait vieux et qu’il a dû revendre son bateau.

– Ah ouais? Et qui est-ce qui possède son bateau maintenant?

– Un milliardaire Russe, je crois bien…

– Et tu leur faisais quoi à manger, aux hommes qui étaient sur le bateau avec toi?

– Boarf… Des patates, des poissons frits… Un peu la même chose que ce que je vais te préparer demain midi… »

L’imagination et la curiosité de mon neveu, pourtant déjà bien aiguisées, s’agitaient et fusaient de partout.

« Oncle Ben! Je sais qu’il y a des dragons dans la mer!

– Oui! Ça s’appelle des léviathans.

– Tu en as vu quand tu étais sur le bateau?

– Non, malheureusement… Ils sont beaucoup plus difficiles à dénicher que les requins ou les dauphins.

– Et il s’appelait comment, ton Capitaine?

– Corto Maltese. »

Corto Maltese

Corto Maltese – (c) Hugo Pratt, Casterman

Mon neveu connaissait pas ce nom – chez moi très familier. Alors je lui ai montré ma collection de BD Corto Maltese. Quand mon neveu a vu le « vrai » Corto sur la couverture, il a demandé:

« C’était ton Capitaine?

– Non. [il faut rendre à Hugo Pratt ce qui appartient à Hugo Pratt] Mon capitaine a pris le nom de « Corto Maltese » quand il est devenu Capitaine, en hommage à ce gars là. »

J’ai laissé mon neveu s’émerveiller sur quelques pages, et j’ai poursuivi mon histoire – une histoire qui me dépassait largement – et j’étais pas au bout de mes peines.

« Tu vois, les boucles d’oreille de Corto Maltese sont en or, parce qu’il était capitaine. Moi, mes boucles d’oreille sont en argent, parce que je n’avais qu’un petit rôle, j’étais seulement le cuisinier du bateau… »

Le regard de mon neveu s’est posé sur une page. Sur cette page.

Corto et le magicien Vaudou

Corto et le magicien Vaudou – (c) Hugo Pratt, Casterman

« Tu as vu Tonton, là, le monsieur, il a un masque! C’est rigolo!

– Non, c’est pas rigolo… C’est un magicien Vaudou.

– C’est quoi, un magicien Vaudou? »

Alors j’ai ouvert mon ordinateur et je lui ai raconté le Bénin, le Vaudou, tout ce que j’avais vu, senti, mangé, vécu là-bas pendant les deux semaines de mon séjour, je lui ai montré toutes les photos qu’on avait faites de tous ces festivals, ces carnavals, ces rites Vaudou, ces fêtes de villages. Et, parce que je suis un oncle j’ai conclu en disant: « Bon, allez, c’est l’heure d’aller se coucher! »

J’ai éteint la lumière, on a dormi comme des pierres. Mais des semaines, des mois plus tard, il y a encore une partie de nous deux qui écume les mers avec Corto Maltese, à la recherche de dragons sous les tropiques.

Histoires de l’Oncle Ben

Share Button

« C’est toujours un succès! »

« C’est toujours un succès »

Il paraît que commencer un texte par une petite blague, ça détend tout de suite l’atmosphère…

J’ai raconté la semaine dernière l’histoire de dragons que je venais juste d’inventer et d’improviser à mon neveu sur le chemin de l’école – du coup je me devais de déterrer ce texte, écrit l’année dernière à l’approche de Noël.

Je ne sais pas d’où c’est venu,

si c’est lui, si c’est moi –

quoiqu’il en soit,

pour mon neveu –

S. , 5 ans,

je suis un chasseur de dragons.

Du coup notre relation tourne autour des dragons. Quand je lui offre un cadeau, c’est souvent des peluches, des bouquins, des Lego ou des Playmobil… dragons. Quand je pars en voyage – et Dieu sait si ça m’arrive souvent – j’essaie toujours de lui trouver une carte postale avec un (ou des) dragon(s) dessus…

Il y a certains endroits plus faciles que d’autres pour ça, comme à Ljubljana où j’ai traversé le Zmajski most (« pont des dragons ») sur la rivière Ljubljanica – le dragon étant le symbole de la ville – ou à Cracovie, au pied du Mont Wawel, où autrefois, d’après la légende, un dragon vivait dans une grotte – bon, d’après cette même légende, ce dragon dévorait les jeunes filles, mais ça, je ne lui dis pas, à mon neveu…

Zmajski most – le pont aux dragons à Ljubljana

Extraits choisis d’échanges avec mon neveu – pour construire une histoire – un mythe! – qui évolue, qui grandit en même temps que lui.

1) « Tu sais, S. , je suis un chasseur de dragons. Mais je ne leur fais aucun mal. Je ne les capture pas. Je veux juste les observer dans leurs milieux naturels. Je ne suis pas un braconnier. » – Ces phrases, je les ai prononcées assez tôt dans l’histoire, afin de rassurer le petit, qu’il puisse se dire « Mon tonton chasse les dragons, mais il est gentil avec eux. » Et d’ailleurs, je le rassure aussi de l’inverse: « Et les dragons sentent que tu viens en ami, ils restent sauvages, farouches, mais ils ne te craignent pas. »

En ce temps là, j’avais en tête les vestiges d’un film que j’adorais regarder quand j’étais gamin: Cœur de dragon

2) Autre jour… « Tonton, tonton!

– Yep! Qu’est-ce qu’il y a?

– Les dragons, ça existe pas! »

Ouch… Je savais que ce moment là allait arriver. Mais je pensais que ça viendrait bien plus tard, et pas de la bouche d’un garçon de quatre ans qui croit encore au Père Noël. Je me suis trouvé désemparé. Comment ne pas me faire griller? Comment conserver la flamme dans ses yeux lorsque je lui parlais de tous ces endroits, de par le monde, des déserts espagnols aux steppes kazakhes, où j’avais vu des dragons?

« Pff… Tu dis n’importe quoi! BIEN SÛR que les dragons existent!

– Non! C’est faux!

– Ah ouais?! Regarde! »

J’ai dégainé mon smartphone, cliqué sur l’application Youtube, et lancé une recherche pour les termes « DRAGONS DU COMODO » en indiquant bien à mon neveu ce que je tapais sur le clavier tactile.

Et mon neveu a découvert, les yeux écarquillés, le cœur battant la chamade, que je lui mentais pas: les dragons existaient bel et bien.

Ça ne l’a pas empêché de s’exclamer: « Mais ils n’ont pas d’ailes!

– Normal!… »

Oui, j’avais une explication à tout, même à ça…

En fait, jusqu’au Moyen-Age, on chassait énormément les dragons – et pas de façon gentille comme moi. On les chassait pour leur sang et leurs oeufs – on disait que se baigner dans du sang de dragon ou manger leurs œufs rendait immortel ou éternellement jeune. On chassait tellement de dragons qu’à la fin, il en restait très peu – c’était une espèce en voie de disparition. Maintenant, les dragons sauvages se cachent aux hommes et il faut être un fin aventurier pour trouver leurs repères.

Mais alors les dragons sauvages se faisaient de plus en plus rares, les hommes ont commencé à les domestiquer. Ils ont bouché leurs narines de manière à ce qu’ils ne puissent plus cracher du feu, et ils leur ont couper les ailes de manière à ce qu’ils ne puissent plus voler. Au fur et à mesure, de génération en génération, les dragons domestiqués ont fini par ne plus cracher de feu et par avoir des ailes de plus en plus petites, jusqu’à ce que celles-ci disparaissent. C’est ces dragons domestiques – dont les dragons du Komodo sont un exemple – que mon neveu a vu sur les vidéos que je lui ai montrées ce jour là. Des dragons sans ailes qui se baladaient tranquillement en plein milieu des villages d’Indonésie à la recherche de nourriture.

3) Un beau jour, mon neveu s’est pris de passion pour l’archéologie. Il s’amusait avec son petit marteau à casser des briques dans le jardin, jusqu’à ce qu’il finisse par trouver une « dent de dinosaure » – même si elle était en plastique. Ce qui m’a permis de lui affirmer, le plus sereinement du monde, que les dragons « sont les descendants des dinosaures.

– Mais Tonton! Les dinosaures ont pas d’ailes.

– Bah si mon grand! Les ptérodactyles ont des ailes!

– Mais les dragons n’ont rien à voir avec les ptérodactyles! Ils ont pas de bec!

– Mmmm en fait c’est un mélange entre les ptérodactyles, les tyrannosaures et les triceratops. »

Ou comment faire un mix entre Jurassik Park et Cœur de Dragon…

Il y a aussi la fois où j’ai tenté l’expérience de me faire un tatouage. Mais pas n’importe lequel.

Pour celles et ceux qui ne comprennent pas, ce sont des sinogrammes qui signifient « Menu 56 sans épices ». Bien pratique pour commander sans parler le menu numéro 56 dans tous les restos chinois du monde.

Menu 56 sans épice

Quand j’ai montré ce tatouage à mon neveu, j’ai pu évoquer avec lui des tas d’histoires sur les vénérables dragons chinois qui survolent encore de nos jours la Grande Muraille…

Et enfin 4) – et on va conclure là dessus pour aujourd’hui – il y a cette fois où, à Tenerife – me demandez pas pourquoi j’ai atterri aux Îles Canaries, c’est pittoresque en plus d’être complètement con, je sais pas encore si ça vaut ou non le coup d’être l’objet d’une prochaine histoire… – à Tenerife, donc, j’ai entendu parler d’un dragonnier millénaire. Cet arbre est le plus vieil arbre de l’île – et comme c’est un dragonnier, un « arbre à dragons », j’ai décidé d’aller le voir, pour le montrer en photo à mon neveu. De Puerto de la Cruz, où je séjournais, j’ai donc décidé de me rendre à Icod de los Vinos, où l’arbre se dresse face aux visiteurs imprudents. En voiture ou en transports en commun, ce serait trop facile donc j’ai opté pour l’ajout d’une difficulté supplémentaire histoire de pimenter mon périple: j’y suis allé à pied. 27Km de rando, sans plan – mais avec l’imprim’ écran de l’itinéraire Google Maps sur mon smartphone qui ne disposait pas d’une connexion 3G – sur les chemins qui bordent la côte nord de l’île.

rando à Tenerife à la recherche du dragonnier d’Icod de los Vinos

Une belle épopée – qui s’est finie de façon assez misérable: après moultes péripéties et un trajet bien plus long que ce à quoi je m’attendais, je suis tombé de fatigue au beau milieu d’un bar juste devant l’entrée du parc où se situe l’arbre tant convoité. Un regain d’énergie m’a permis d’y accéder, mais le regain en question a duré deux minutes – juste le temps qu’il m’a fallu pour faire le tour du dragonnier et le prendre en photo sur toutes les coutures.

Évidemment, toutes les images sont floues.

Mais ça a fait une belle expérience – et une histoire de plus à raconter au neveu: « Tonton a fait le tour de l’arbre à dragons! »

dragonnier millénaire d’Icod de los Vinos

dragonnier millénaire d’Icod de los Vinos

dragonnier millénaire d’Icod de los Vinos

Isköör le dragon du Nord

Share Button

Isköör est le nom de ce dragon qu’on peut parfois croiser – quand on est chanceux – sur la plage de Ruissalo, en Finlande, à quelques encablures de Turku.
Quand j’étais chasseur de dragons, j’ai eu cette chance.
Isköör était impressionnant – non pas qu’il était énorme, non pas qu’il était immense – non, rien de tout cela. En tant que spécimen de l’espèce des Dragons du Nord, il avait certes des écailles plus épaisses, ce qui lui permettait de ne pas avoir froid malgré les basses températures – non, ce qui était impressionnant, c’était son calme souverain.
Posé, le gars.
Je n’avais jamais vu un tel flegme chez un dragon auparavant.
Il se tenait là, à quelques mètres de moi, dans l’eau peu profonde du rivage.
Il prenait un bain – tranquille.
Pourquoi n’allait-il pas plus loin, là où la mer et le ciel se croisent?
Non pas qu’il ne savait pas nager. C’est juste que depuis que les Humains ont livré une guerre sans merci contre les dragons et les ont décimés, les derniers dragons sauvages se méfient de tout et prennent leurs précautions.
Si Isköör se baignait plus loin, ses ailes recouvertes d’eau seraient plus lourdes et il aurait plus de difficultés pour voler et fuir en cas de danger.
Et puis, le fait d’être au bord de la plage lui permettait se se rouler dans le sable, et ainsi lustrer ses écailles.
Sacré Isköör! L’un de mes souvenirs les plus impérissables de Finlande – lui et le Salmiakki bien sûr! N’est-ce pas Candy?