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Dans la forêt – partie 3

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0h30 – encore et toujours.

 

Le temps s’arrête. Toujours ce faisceau de lumière – ce putain de faisceau de lumière – au loin, qui ratisse les bois. Un peu comme dans le film E.T quand le vaisseau extraterrestre se pose.

On joue à un deux trois soleil avec lui.

Un deux trois ZOUIIIIIIIIIIIIIIIII – et la lumière fut – en plein devant nous – on se fige comme deux roseaux. Deux épouvantails traqués par les forces maléfiques.

Django a éteint sa lampe frontale et il fait : « Baisse toi ! Couche toi ! COUCHE TOI ! »

Son murmure est un cri. Un cri de panique mais surtout de désespoir. Je me baisse comme je peux mais je peux pas grand-chose.

Je crois que j’entends des bruits là-bas. Des voix ? Des gus qui parlent entre eux ? Le garde-forestier et son adjoint ? Comme si on avait été repérés. Et des bruits, des crissements, comme si on écrasait les branches, les feuilles et tout ce que vous pouvez imaginer trouver sur le sol dans la forêt. On s’approche de nous.

Le halo de lumière se fait plus intense.

Aventure épique – mon cul !

Django envoie des SMS à Melowne. Je l’entends pianoter discrètement sur le clavier de son portable old-school et ça m’énerve. C’est ça qui va alerter nos poursuivants.

Je regarde le mien, de portable. Smartphone genre je me la pète avec son appli calculette du tonnerre et surtout, pour le coup, son écran tactile et large, hyper-rétroéclairé. Django : « Éteins ton portable. ÉTEINS TON PORTABLE ! ». Pour lui c’est ça qui va nous faire repérer. Je m’exécute. Tant pis, je pourrais pas dire à Marlène que je l’aime, je pourrais pas lui demander de veiller sur Pat et Séb si jamais il m’arrive un truc. Mais Django a raison – en plus de la lumière qui émane de mon smartphone et qui nous rend méga-voyants – peut-être que là-bas ils ont des outils ultra-pointus pour géolocaliser les signaux qu’il émet.

On se fera pas avoir, foi de B.Howl !

Je fais le malin là, mais je vous jure que je tremble à mort. « T’as des crampes ? » Django me demande. « Non », je réponds. « T’as des crampes ? » Mais pourquoi il répète toujours deux fois ce qu’il dit ? « Non Django… J’ai… j’ai peur… »

Je veux que ça s’arrête. Je veux rentrer, me foutre au pieu, dormir pépère et qu’on me foute la paix jusqu’au restant de mes jours. À la place de ça, on est comme deux cons – je compte pas Melowne dans le tas – désolé mec, mais Melowne à l’heure qu’il est et vu son flegme légendaire, je l’imagine bien se la couler douce en mangeant le reste du gâteau de sa mère autour des dernières braises – et nous on est deux cons paumés immobiles en position de « je fais caca debout » – traqués au beau milieu des bois.

Allez Django, on se rend ! Au pire on se fait taper sur les doigts par les gardes-forestiers et on a une amende. Salée peut-être, mais qui va moins bousiller notre vie que cette peur intense et constante qui nous prend au bide depuis tout à l’heure. À moins qu’on risque la prison ?

Et s’il s’agissait pas de gardes-forestiers ? S’il s’agissait – je sais pas moi… – de tueurs en série façon Dexter dont le rituel est de creuser chaque semaine le lieu de repos final de leur nouvelle victime ?

Si c’était vraiment des Extraterrestres dont le seul but est de coloniser la terre et de réduire l’humanité à néant ?

Aidés dans leur mission démoniaque par des voitures qui se transforment en robots surpuissants ?

Si c’était des gens du futur paumés comme nous au point Delta d’un continuum espace-temps totalement ténu et embrouillé ?

Si c’était Dieu(x) ?

 

Avec ces conneries il est à présent 1h30 du matin.

 

Mon cœur bat la chamade et je ressens ses pulsations dans tout mon être. Un peu plus et je vais me pisser dessus.

Et la lumière fut – mais soudain elle disparaît.

C’est un leurre. Les entités pluriformes non-identifiées attendent patiemment qu’on fasse du bruit, qu’on se mette à découvert – après, ils auront plus qu’à nous cueillir.

Mais ça marchera pas. On est trop rusés pour se faire avoir.

J’entends des gens rigoler derrière !

Tant pis si c’est un leurre. Agenouillé comme un con, ma position est inconfortable. Je fais un peu de bruit, pour la discrétion on repassera, mais j’imite Django en me mettant allongé en chien de fusil – en position quasi-foetale, sur la terre, les feuilles mortes, les fougères et les ronces.

Aventure épique – mon cul !

Désormais on est face-à-face Django et moi – en position de la cuillère, mais inversée. Si les lumières réapparaissent, elles seront derrière moi. Je tremble toujours. Chuchotements couverts par les cris des marcassins : « T’as des crampes ?

– Toujours pas, Django… »

Django pose sa main sur ma joue. Ses doigts massent mes tempes – et ça me calme vachement. Certainement qu’il se sent responsable de la merde dans laquelle on est. Mais faut pas… S’il continue comme ça dix minutes, je crois que je serai capable de m’endormir – d’un coup, comme ça. Sa main sur mon visage… Un peu plus et ce serait super-érotique, je vous jure ! En tout cas, c’est chaud, et s’il nous arrive quelque chose, cette nuit, dans cette forêt, au moins j’aurais vécu ça. Django… ce geste fraternel…

Aventure épique – mon cul !

Soudain Django se redresse. « Qu’est-ce qu’il y a ? » je demande. « Il y a plus rien…

– Quoi ?

– Il y a plus rien, B.Howl. Plus de lumières.

– Sérieux ? »

Je me relève à mon tour et me tourne vers l’endroit d’où semblait provenir le halo tout à l’heure. Django a raison. La seule lumière qui nous éclaire, c’est celle de la Lune.

« C’est fini… » je soupire.

On est tous les deux debout maintenant. On voit quand même quelque chose au fond. Des ombres parsemées, des lumières dansantes. « Peut-être des gens qui ont eu la même idée que nous ? » fait Django.

Mouais… Ou peut-être nous ? Peut-être que c’est nous qu’on voit – dans le passé ? Je partage pas cette pensée avec Django, je suis parti trop loin, encore une fois…

« J’aimerais bien voir ce qu’il se passe là-bas… » fait Django en essayant de distinguer des formes, des bruits… « Non, mec. Ça sert à rien. Viens, faut qu’on cherche Melowne. »

On se remet en marche. Django a paumé sa lampe frontale en se couchant. On voit que dalle. C’est dans quelle direction ? On est paumés… Ça craint… Comment on va faire pour retrouver Melowne ? La nuit, dans la forêt, tout est pareil. On commence à ratisser la zone. Ça fait un sacré bout de temps qu’on est parti, et si ça se trouve, Melowne est parti à notre recherche… Vous avez déjà fait un cache-cache nocturne dans les bois ?

« Melowne ! » crie Django. « MELOOOOOOWNE !!! »

Au bout d’un moment, au loin entre deux arbres une forme s’esquisse. Une forme flegmatique qu’on reconnaît bien.

«  Là-bas ! »

On se précipite sur Melowne. Et devinez quoi ? Il est comme je me l’étais imaginé. Les doigts de pieds en éventails, accroupi sur un tronc d’arbre. Notre fabuleux feu de camp, par contre, est en train de vivre ses derniers instants. « Eh ben ! Vous en avez mis du temps les gars !… » Évidemment, aucun des SMS que Django lui a envoyés lui est parvenu.

Django est rempli de rage : « Ça sert à rien de rester ici les gars. C’est fini pour aujourd’hui. C’est bon, on met les voiles et on se tire de là. »

Aventure épique – mon cul !

Melowne s’en tape. Moi… je comprends la déception de Django, et sa décision. On voulait passer une nuit pénard – trois potes qui se retrouvent – et après ce qu’on vient de vivre, c’est inutile de rester là… – mais je suis plus fatigué maintenant. Trop d’adrénaline. Mes tempes vrombissent encore. On remballe toutes nos affaires, nos déchets, on étouffe notre feu de camp, et on déguerpit en silence, sans laisser de trace.

On traverse toute la forêt – sans se soucier des herbes hautes, des racines qui nous font presque tomber parfois, sans se soucier des ronces qui s’accrochent à nos pantalons, des bruits des sangliers qui se font de plus en plus menaçants. On regarde pas en arrière. Django marmonne. Il a une dent contre les lumières, contre ces gens hypothétiques qui nous ont effrayé, qui nous ont coupé dans notre élan. Ce qui compte, maintenant, c’est retrouver la twingo de Django et rentrer.

Aventure épique – mon cul !

Fuir et oublier toutes ces conneries le plus vite possible.

Enfin, la route. La voiture est là-bas, à 500m sur notre gauche. On y est presque.

Soudain Django s’arrête. « Regardez là, les gars ! » Je vois rien. Rien du tout. Et Melowne c’est pareil je crois. « Ouais ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

Django est persuadé d’avoir vu quelque chose – ou quelqu’un. Une fille mince, en robe de mariée. Une fille qui luit. Une fille paumée comme nous, la nuit dans la forêt. Une fille spectrale. Un fantôme.

 

3h du matin.

 

Django, Melowne et moi-même qui montons fissa dans la twingo de Django – paumée comme nous dans la nuit à l’entrée de la forêt. Et Django qui, au lieu de prendre la route pour rentrer, fais demi-tour, tous phares éteints, jusqu’à une zone reculée de la forêt. Et Django qui baisse la vitre et qui gueule : « VOUS ÊTES CONTENTS ?? BANDE DE SALAUDS ! VOUS AVEZ GÂCHÉ MA SOIRÉE ! »

Mais ici seuls les arbres endormis et les animaux de la nuit l’entendent.

Puis Django redémarre en trombe – une seule idée dans nos têtes : fuir tout ce merdier.

Voilà omment on en est arrivé là…

 

 

Aventure épique – mon cul !

Dans la forêt – partie 2

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21h30 – toujours.

 

On entend Django au loin. « Il a fini par nous retrouver ! » je m’exclame. Melowne voit un sourire se dessiner sur mon visage. Mises au placard, les broutilles de tout à l’heure – Django se déplace parmi les arbres, et bientôt il est de retour parmi nous dans la clairière. « J’en reviens pas ! » il fait en voyant qu’on a déjà monté la tente et préparé le terrain pour le feu de camp. « Si tu crois qu’on allait se tourner les pouce pendant ton absence… » lance Melowne.

la tente

la tente

La nuit s’amorce, mais le ciel est encore clair. Pourtant, on est déjà plongé dans l’obscurité. Tous les arbres autour de nous profitent à notre place des dernières lueurs.

Django, en préparant le feu : « Tu sais B.Howl, si je me suis énervé tout à l’heure, c’est pas contre toi. C’est que j’ai horreur qu’on me dise ce que je dois faire ou non, surtout quand je sais ce que je fais.

– Je sais.

– Je voulais juste éloigner la voiture de la forêt, histoire que personne sache qu’on est là.

– Je sais.

– Parce que le gars de tout à l’heure, c’était pas un péquin, c’était le garde forestier.

– je sais, Dango. Je vois pas qui d’autre sillonnerait des chemins de forêts en 4×4 à l’heure des Enfants de la Télé… »

Melowne soupire. Il en a marre qu’on ressasse notre altercation, et on le comprend. C’est lui qui nous a fait flipper, quand il s’est pointé chez Django tout à l’heure, et qu’il nous a raconté que les feux de camp, c’était interdit et qu’on risquait une belle amende si on se faisait prendre par le garde forestier.

Les feuilles mortes commencent à bien prendre dans le sous-foyer, à la base de la structure pyramidale que Django a mise en place pour bien faire le feu de camp.

Je demande : « Qui t’a appris à dresser des feux de camp ?

– C’est Mac Fly, il y a quelques années, bien avant qu’il prenne la poudre d’escampette en Andalousie. À l’époque, il venait souvent ici. Seul. Il y passait des week-ends entiers.

– Sacré bonhomme !

ça prend

ça prend

 

22h30.

 

Django Melowne et moi. Trois loubards posés tranquillou autour des flammes qui dansent. Sans personne pour nous faire chier à des kilomètres à la ronde. On s’applique à manger nos victuailles. Le pâté est une tuerie, le pain cale bien. Le gâteau de la mère de Melowne on le dévore férocement. Mes bananes ont pas trop la côte, par contre – je suis le seul à en manger, histoire de dire que je mange équilibré. Et on arrose tout ça avec de la bonne bière bien comme il faut.

On se raconte des histoires, on se souvient de notre road-trip en vélo dans la baie du Mont Saint-Michel… c’était il y a près de dix ans, mine de rien. Quelle aventure épique.

Maintenant, à part notre feu de camp et la lampe frontale de Django, on est vraiment plongé dans le noir. Django se lève, fouille dans les affaires : « Est-ce que l’un d’entre vous a vu la lampe-torche traîner dans le coin ?

– Négatif. » fait Melowne. « Je crois qu’on l’a oubliée dans le coffre de la twingo.

– Merde…

Quand on parle pas, le silence est couvert par le bruit du bois mort qui crépite, celui des oiseaux qui poussent différents cris, et celui des animaux alentours. Et on est clairement pensifs dans cette parenthèse – comme si, la nuit venue, la nature reprenait tous ces droits. Je regarde le feu s’agiter paisiblement. Je regarde le feu et je pense aux premiers hommes qui l’ont « découvert ». Prométhée – le feu. Nahash – le bien et le mal. Et même le monolithe noir de 2001 L’Odyssée de l’Espace – l’outil/l’arme. L’évolution de l’espèce humaine aurait une cause extérieure ? Je pars loin, très loin.

feu de camp

feu de camp

On a déjà plus de bois. Django et Melowne décident de partir en expédition pour ramasser des branches mortes plus loin. Je reste dans la clairière, assis contre un tronc d’arbre, obnubilé par la puissance du feu et des esprits de la forêt.

 

23h.

 

Me voici tout seul à présent. J’envoie plein de SMS à Marlène mais pas de réseau ici – je peux pas les envoyer. J’ai un peu les boules, aussi.

Finalement Melowne et Django reviennent, chargés de bois. On discute encore un peu – on reste souvent silencieux, encore empêtrés dans nos rêves. Quelle aventure épique.

Soudain je sens quelque chose brûler sous mon pied. C’est pas sous mon pied que ça brûle, c’est MES GODASSES qui sont en train de brûler. Ma semelle a fondu, j’ai un énorme trou sous le pied. Encore une paire de Dr Martens niquée…

Au loin on entend des marcassins nasiller.

Quelle aventure épique.

Dr Martens cramée

Dr Martens à la  semelle fondue

 

0h30

 

Django veut rester éveillé jusqu’à « au moins deux heures du matin ». Moi je suis claqué, j’ai envie d’aller me coucher, et ce d’autant plus que je sais que je vais passer une sale nuit. La fatigue est accentuée par le fait que je me les gèle et en puis je commence à me faire chier. Et en plus on a fini toutes les bières. Allez, une dernière clope et je me pieute.

Django sent que je vais bientôt jeter l’éponge. « On a bientôt plus de bois. Ça te dit, B.Howl, de m’accompagner pour en ramener? » Non ça me dit pas. Mais bon, comme on se voit peu, comme ça fait longtemps qu’on a pas fait un truc ensemble, une aventure épique, OK, je me sors les doigts du cul et je viens avec toi.

Je me lève avec difficulté et bientôt je suis la lampe frontale de Django à travers la forêt. On s’éloigne de plus en plus de Melowne, j’espère qu’on arrivera sans problème à le retrouver.

Et soudain, de la lumière au loin. Django se fige et me demande de faire de même. C’est quoi ce délire ? C’est la lune qui nous éclaire trop fort ?

Ou c’est le garde-forestier ?

Merde…

Comment on en est arrivé là ?

Dans la forêt – partie 1

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3h du matin.

Django, Melowne et moi-même qu montons fissa dans la twingo de Django – paumée comme nous dans la nuit à l’entrée de la forêt. Et Django qui, au lieu de prendre la route pour rentrer, fais demi-tour, tous phares éteints, jusqu’à une zone reculée de la forêt. Et Django qui baisse la vitre et qui gueule : « VOUS ÊTES CONTENTS ?? BANDE DE SALAUDS ! VOUS AVEZ GÂCHÉ MA SOIRÉE ! »

Mais ici seuls les arbres endormis et les animaux de la nuit l’entendent.

Puis Django redémarre en trombe – une seule idée dans nos têtes : fuir tout ce merdier.

Comment on en est arrivé là ?

 

Ça fait des semaines que Django a émis l’idée de se faire un week-end nature pour se retrouver – lui, Melowne et moi – trois potes dans les bois, pendant que le loup n’y est pas. Comme au bon vieux temps, quand on partait faire de grandes embardées sauvages – la baie du Mont Saint Michel en vélo, les monts du Nord, les côtes d’Opale et d’ailleurs…

Et comme toujours Django qui planifie tout en amont. Dans sa tête, tout est précis, rangé, encadré. Il sait ce qu’il faut faire et on ne peut pas le dévier. J’aime son organisation méticuleuse – ça me permet de me laisser porter par le flot, tranquillement, sans me soucier de quoi que ce soit.

 

16h.

On se rejoint tous les trois chez Django. Ça fait un bail que j’ai pas vu Melowne. Il ronchonne, grommelle toujours. Comme toujours, il trouve l’idée conne. Mais pourtant, comme toujours, il est là, prêt à nous suivre. Il sait que l’aventure va être épique. On fait vraiment la paire, tous les trois. Je veux dire, on s’équilibre pas mal. Ce qui se passe, le plus souvent, c’est que Django nous sort de notre tanière, Melowne et moi, casse notre petit confort habituel, et nous on le freine un peu quand on juge qu’il va trop loin. C’est dans cette configuration qu’on quitte le pas de porte de chez Django, le cœur vaillant, l’esprit léger.

L’aventure va être épique.

 

18h30.

On traîne dans un estaminet à quelques kilomètres de la forêt. Dans la voiture, tout notre attirail. Un grand sac de lamelles de bois pour le feu. De l’allume-feu. Des pulls en polaire. Une lampe frontale, une torche. Nos sacs de couchage et la tente, évidemment. Du pâté fermier, du pain mastoc qui nous tiendra bien le ventre, des bananes, quelques bières mais pas trop – histoire de s’hydrater sans faire une soirée de soiffards, et – cerise sur le gâteau – un gâteau justement, un fondant au chocolat, préparé avec amour par la mère de Melowne parce qu’aujourd’hui c’est son anniversaire. D’ailleurs dans l’estaminet le tenancier nous offre une tournée pour fêter ça.

le sac de lamelles de bois

le sac de lamelles de bois

Fond sonore : radio nostalgie. Et le racisme ordinaire du tenancier qui nous fait la causette – il parle des gens qui sont pas du coin, des étrangers, et des saoulards qui peuplent abondamment son bar le samedi soir parce que les contrôles des flics, jamais vu dans le coin.

La France profonde, plus version Groland que JT de Pernaut.

Je suis pressé de me fondre dans la nature.

L’aventure va être épique.

 

21h30.

Dans la forêt. Couleurs verdoyantes, teintes ombragées. Aucun bruit de moteur, aucune agitation de la ville. J’ai pas l’habitude et je me sens pas très à l’aise pour l’instant – mais ça viendra, je le sais.

feuillages - pointillisme

feuillages – pointillisme

Je suis seul avec Melowne.

« Tu as vu comment il m’a parlé ? » je dis. « Tu as vu comment il s’est énervé ? T’as entendu ? Il pense sérieusement qu’il peut me briser les os en deux ? »

Melowne dit rien. Il me laisse poursuivre ma diatribe contre Django. Je sais que c’est futile mais je le fais quand même. Une fois que j’aurai tout déversé, je serai calmé. Acte cathartique. Et je voudrais bien savoir ce que Melowne en pense, dans quel camp il se range. Mais Melowne reste silencieux, stoïque. Ce mec, j’adore son flegme.

Ce qu’il s’est passé c’est qu’à l’entrée de la forêt on a croisé un gars en 4×4. Un touriste. Le dernier être humain dans les parages, à part nous. Les bois seront à nous. L’aventure va être épique.

Ensuite, Django a mené sa twingo loin sur le chemin. Puis il nous a déposé là, on a sorti toutes nos affaires et on s’en est allés dans les bois, pendant que le loup n’y est pas.

Au bout d’un moment on s’est posés. « Voilà ! On l’a trouvé, notre clairière ! C’est pas celle que j’avais vue quand j’avais fait mes repérages [quand je vous disais que Django planifiait tout ! Le jour d’avant, il était allé se promener dans la forêt pour repérer les coins où on pourrait camper !], mais ça conviendra tout à fait. Isolée, loin des sentiers… Ici, pas de risque qu’on nous voie, ou qu’on voie la fumée de notre feu de camp. On sera pénard ! »

Dans la forêt

La clairière

Django a marqué une pause, puis en montrant notre barda il a fait : « Gardez tout ça. J’ai un truc à faire. Je reviens dans une demi-heure. »

– Non » j’ai fait. « On est trois, on reste trois. Qu’est-ce que tu comptes faire ?

– On peut pas laisser la voiture sur le bord du chemin sinon ça va éveiller les soupçons. Alors je vais la garer ailleurs.

– C’est vrai que si le garde-forestier fait sa ronde et remarque une voiture en plein milieu du chemin, il va se douter qu’il y a quelqu’un dans les parages. » intervient Melowne.

« Ouais, je suis d’accord avec vous les gars. C’est pas ça le problème. Simplement, on ne se sépare pas. On reste unis, OK ? »

Le ton a commencé à monter entre Django et moi. Avec Melowne en spectateur totalement zen au beau milieu de cette joute verbale.

Django : « Je sais ce que je fais bordel ! »

Moi : « Ouais ouais. Je sais que tu sais ce que tu fais. Mais comment tu vas faire pour nous rejoindre après ? Tu vas te paumer, la forêt est immense… »

Django : « Je vous trouverai, vous inquiétez pas. Je connais la forêt. »

Moi : « Ah ouais ? Comment ? On peut même pas s’appeler, il y a pas de réseau dans le coin. Sérieusement, Django, je te le dis : on reste à trois, on ne se sépare pas sinon on va jamais se retrouver… Tu vas pas commencer à la jouer perso… »

Django : « Tu me chauffes, là, B.Howl ! Me fais pas chier ! Dégage de mes pattes sinon je te brise les os en deux. »

Il était furax, le mec – je voyais dans ses yeux qu’il plaisantait pas. Mais je captais pas pourquoi il s’était énervé. Je voulais l’amener à la raison mais, sans l’aide de Melowne, pas moyen… Du coup j’ai abdiqué, et j’ai laissé filé Django. Avant de me tourner le dos, il nous a rappelé que « Je vous rejoins dans une demi-heure. »

 

« Ça fait 28 minutes qu’il est parti, là… » je fais à Melowne. Je commence à paniquer « La nuit va bientôt tomber. Il faut qu’on monte la tente et qu’on prépare le feu de camp avant, sinon on est mal. En plus on a oublié la torche dans le coffre de la voiture et c’est Django qui a la lampe frontale. Il a intérêt à se dépêcher, sinon il va jamais nous retrouver… »

L’aventure va être épique.

Mais Melowne hausse les épaules : « Tu veux une part de gâteau ? »

Ce mec, j’adore son flegme.