Étiquette : porte

  • Dans les métros

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    Tous les matins

    TOUS les matins

    TOUS LES MATINS

    de la semaine

    (après avoir fermé la porte)

    je prends le métro

    pour aller au boulot

    et je sais que

    quand je prends ce métro

    à cette heure précise

    pas le prochain pas celui d’avant

    je vais être en retard au boulot

    je le sais mais je prends

    quand même ce métro parce que

    je vois cette fille

    les lundi mardi jeudi

    assise toujours à la même place

    cette fille aux cheveux rasés

    qui ressemble à Linda Hardy

    ouais ouais la Miss France

    dans Immortel Ad Vitam

    – elle a les yeux bleus

    bleus bien profond

    et la peau tannée

    j’aimerais bien l’inviter à boire un verre

    mais j’ai jamais osé

    sauf une fois

    un vendredi

    j’ai préparé un papier

    et un stylo

    pour lui filer

    mon numéro

    drague à deux balles

    mais des fois ça marche…

    Forcément elle était pas là.

    Aujourd’hui comme d’habitude

    elle descend à la gare

    je poursuis quelques stations

    en rêvassant

    ma vie avec elle un chien et un jardin

    et je retourne à ma lecture.

    J’ai pas mon MP3

    – ça se dit encore, ça – « MP3 » ? –

    écouteurs pétés.

    Seuls les bruits des moteurs du rail

    – accélération – décélération –

    la petite voix automatique

    de femme qui annonce les arrêts

    – le bruit des gens qui vont et qui viennent

    – qui parlent – les bruits de la vie toute rassemblée

    dans cette boîte à sardines.

    Aujourd’hui les voix se sont tues

    et le métro est affreusement désert.

    À un endroit le métro sort de sous la terre

    ciel du matin

    lumières aveuglantes qui éclatent sur ma gueule

    et cristallisent ma rétine

    au dessus du périph’

    je pense aux métros surélevés

    de Berlin – U-Bahnlinie 1

    Oberbaumbrücke

    le pont où l’Ouest et l’Est se rejoignent

    le pont – où « Lola rennt »

    Uberlin

    Le métro de Paris – ligne 2

    Stalingrad vers le bassin de la Villette

    de New-York – The J line

    où on a parlé de désir et d’amour

    face au Salem Fields Cemetery.

    New-York encore line 7

    vue de dessous sur Jackson Avenue

    Le subway, un building et un Diner

    Image typiquement new-yorkaise

    près de Five Pointz

    DSC03581

    Au dessus du périph’

    je regardais la route

    la ligne droite je sens

    l’odeur du macadam

    et mes semelles qui collent au bitume.

    Depuis quelques temps c’est là haut que ça se passe

    c’est ce ciel que je fixe

    « Qu’est ce que tu veux faire plus tard ? »

    j’avais demandé à Moéa

    – rencontre feutrée dans les

    lumières tamisées d’un bar à rhum

    Et elle a bien compris, Moéa

    ce que j’entendais par « plus tard »

    Car elle tout de go de répondre

    « Avant de mourir je voudrais faire du parachute. »

    Wow ! Du parachute.

    Je m’imagine

    parachuté dans ce ciel qui m’éblouit.

  • La porte, bordel!

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    Tous les matins
    TOUS les matins
    TOUS LES MATINS

    de la semaine

    avant de prendre le métro

    pour aller au boulot

    – je vais être à la bourre

    tout est prêt ?

    CHECK:

    – fenêtre du salon

    FERMÉE

    – lumière des WC

    ÉTEINTE

    – lumière de la salle de bain

    (TOUJOURS…) PAS DE LUMIÈRE

    (depuis des lustres)

    (ceci dit c’est bon, j’ai éteint la bougie)

    – fenêtre de la cuisine

    FERMÉE

    – plaques chauffantes

    ÉTEINTES

    (de toute façon ça fait longtemps que je

    ne les utilise plus le matin

    de peur de les laisser allumées toute la journée)

    Tout ça – je le vérifie

    au moins deux fois.

    Juste avant d’y aller

    je choppe une pomme

    la dernière du panier à fruits

    mon petit déjeuner

    sur le chemin jusqu’au métro

    je la coince dans ma gueule

    comme une balle ramenée par un

    berger allemand

    et je ferme la porte.

    Dans les escaliers de l’immeuble

    deux étages plus bas

    parfois au rez-de-chaussée

    parfois aussi dans la rue

    et une fois même

    dans le métro

    où j’ai dû faire demi-tour

    – c’est là que ça se déclenche :

    EST-CE QUE J’AI BIEN FERMÉ MA PORTE À CLÉ

    ?

    ma porte d entree

     

    C’est un truc

    comme une pression dans mon crâne

    dans les méandres de mon cerveau

    un coup de flip

    qui me hante

    qui m’obsède

    – un TOC

    ou un TIC

    je sais plus

    – un truc

    stupide

    et contagieux

    – le geste est tellement devenu un réflexe

    que t’es même plus sûr de l’avoir fait.

    « Évidemment qu’elle est fermée, ta porte !

    – Mmm t’es sûr ?

    – Non »

    Souvent je me rassure : « Oui oui c’est bon… »

    mais le doute met longtemps à se dissiper

    et j’ai comme un trou d’air

    ça m’angoisse

    me trotte dans la tête

    jusqu’à la station de métro

    Pour me convaincre que c’est OK,

    pas besoin de vérifier

    je me dis même :

    « Il y a rien à voler chez toi de toute façon.

    Et tu crois que les voleurs vont s’amuser

    à aller dans TON immeuble

    et à gravir TOUS CES ÉTAGES

    pour voler quoi ?

    Un ordi, une guitare et un paquet de cacahuètes ?! »

    Parfois je succombe –

    je remonte à mon étage

    pour vérifier

    – évidemment qu’elle est fermée, ma porte ! »

    et quand je redescends

    BIM – ça ne manque pas :

    EST-CE QUE J’AI BIEN REFERMÉ MA PORTE À CLÉ

    QUAND J’AI VÉRIFIÉ QU’ELLE ÉTAIT FERMÉE

    ?