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À propos Monsieur H.

une vie=des choses vécues. Des choses vécues= des histoires à raconter. Je vous relate ici des histoires qui me sont arrivées, sans en édulcorer la réalité. Bonne lecture !

Contemplation

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-«  Ce qui est important, c’est de s’effacer. Tu dois y arriver pour t’imprégner des choses autour de toi et vivre pleinement l’instant. C’est ce que je fais chaque fois que je viens ici depuis 22 ans. Essaie à ton tour… Ne fais plus aucun bruit, plus aucun mouvement et mets tout tes sens en éveil…

Fred m’apparaît comme un prophète porteur d’un message sacré. Dans les secondes qui suivent, je m’exécute. Je me fige et concentre mon regard et ma pensée vers l’horizon.

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Dans le désert des Bardenas, le silence règne.

J’ai 26 ans au moment où j’écris ces lignes. C’est le temps qu’il m’a fallu pour découvrir de quoi il s’agit. Le silence…

Pas un brin de vent, pas un battement d’ailes d’oiseau ni d’échos d’activité humaine dans le lointain.

Le silence.

Ce fameux «  rien » que recherchent les ermites.

S’il m’a fallu attendre un quart de siècle pour le trouver, c’est parce qu’il a disparu de nos contrées. A moins que cela ne soit tout simplement nous qui l’ayons chassé de nos vies. Nous n’en voulons pas. Nous ne l’aimons pas parce qu’il nous renvoie à notre solitude et que cette dernière nous angoisse. Etre seul, à écouter nombre de nos congénères, est synonyme d’ennui, de tristesse et même pire : de vide. Qu’est-ce-que le vide ? Et pourquoi nous fait-il tant peur ? Et si, au contraire, le vide et le silence étaient essentiels pour prendre conscience de la beauté du monde ?

A bien y réfléchir, la seule expérience de silence que j’ai connue jusqu’à ce jour, c’est dans ma chambre que je l’ai vécue, à l’ occasion de ces soirées solitaires ou je me laisse embarquer vers des horizons inconnus au rythme de mes lectures.

Ici, le silence est étendu à une zone bien plus vaste que les 15 mètres carrés de ma chambre. Il est question de 42 000 hectares d’espaces naturels protégés sous l’appellation de Réserve de la Biosphère.

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Nous nous trouvons dans la partie des Bardenas appelée «  la Blanca » en raison de l’argile de couleur claire qui compose ses paysages : une plaine longue d’une vingtaine de kilomètres, striée de ravins et entourée de falaises et de collines tabulaires – des «  inselbergs  » dans le jargon des géomorphologues.

Il y a des millions d’années, l’endroit était un golfe marin. Puis, quand les Pyrénées ont émergé de l’océan Atlantique, il n’est resté dudit golfe qu’une zone marécageuse isolée dans les terres qui s’est progressivement asséchée et transformée en désert. De nos jours, c’est une curiosité géologique pour les spécialistes et une merveille de la nature pour les amateurs de paysages.

« Des fois, j’aime me rappeler qu’il y a 700 ans, ce territoire était aux mains des Maures et qu’il s’appelait «  Al Andalus  ». Tu imagines ? Du nord au sud, le pays était musulman. C’était une autre Espagne…

Instantanément, des visions me viennent… Je repense aux lieux que j’ai visités lors de mes précédents voyages. Je revois la ville de Tolède, perchée sur son rocher, ou les musulmans, les juifs et les chrétiens ont vécu en harmonie jusqu’à la Reconquête organisée par ces derniers. Je me revois déambuler dans les jardins orientaux du palais de l’Alhambra à Grenade, dans la Grande Mosquée de Cordoue ou dans de petits villages ayant conservé leur apparence mauresque.

Enchevêtrement d’arcs «  en fer à cheval » à la Grande Mosquée de Cordoue.

Enchevêtrement d’arcs «  en fer à cheval » à la Grande Mosquée de Cordoue.

Casarabonela (Province de Malaga). «  Qasr Bunayra » du temps des Maures…

Casarabonela (Province de Malaga). «  Qasr Bunayra » du temps des Maures…

Bien avant que les chrétiens ne s’imposent, on érigeait des minarets au sud des Pyrénées. On buvait du thé à la menthe, on vivait dans de petites maisons taillées à même la roche qu’on blanchissait à la chaux et qu’on ornait de patios fleuris.

Comment puis-je être nostalgique d’un monde que je n’ai pas connu ?

Fred me tire de ma rêverie orientale et pointe du doigt un mont solitaire au loin.

-Ce soir, nous dormirons là-bas. On ne va plus tarder à se mettre en route. On va s’arrêter dans une bergerie ou on pourra prendre du bois pour faire un feu de camp. En principe, il en reste toujours…

-Charmant programme, Fred.

Nous nous levons et observons le paysage autour de nous. Nous pourrions aussi bien être sur un autre continent, ou sur une autre planète qu’en Navarre…

Ce lieu est unique.

Les reliefs de la Bardena Blanca.

Les reliefs de la Bardena Blanca.

Je scrute ces imposantes et énigmatiques falaises : quel âge ont-elles ? A combien de couchers de soleils ont-elles pu assister ? Combien d’hommes nous ont précédés en ce même endroit où nous nous sommes assis en se posant les mêmes questions ? Combien nous suivront ? A quoi ressemblera cette contrée dans 1 million d’années ?

Je n’ai pas les réponses à ces questions et ne les aurai jamais. Face à ce décor et à l’immensité du ciel qui l’entoure, je réalise l’insignifiance de mon être et le caractère vain de mes questions.

Un jour, j’ai lu un proverbe qui disait : «  nous ne vivons que pour découvrir la beauté, tout le reste n’est qu’attente. »

Je suis tout à fait d’accord avec cette conception de la vie. D’ailleurs, c’est cette même façon de penser qui m’a mené ici.

Tel un croyant qui se prosterne devant son idole, je m’incline devant ces paysages sublimes.

La nature est mon dieu.

El Dorado

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Le serveur s’approche avec notre commande sur un plateau: deux cafés au lait, deux jus d’oranges pressées et deux assiettes contenant chacune un large toast avec une gousse d’ail et un pot de pulpe de tomates.

Il pose le tout sur la table et s’en va :

« -Je reviens les français : j’amène l’huile d’olives…

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Il réapparaît l’instant d’après et nous interroge, l’air décontenancé :

-Vous êtes pédés, les gars ?

Je réplique aussitôt pour nous mettre à l’abri de tout soupçon :

– Nous sommes juste de très bons amis.

Le vieux garçon me met en garde :

-Je vous le demande, parce qu’on n’aime pas les pédés ici…

Avant même que je ne réalise qu’il s’agit d’une plaisanterie, il me tape jovialement dans le dos et me rassure :

-Mais je déconne, les mecs ! Déjà, être français c’est pas marrant… Alors, si vous êtes pédés en plus, c’est triste ! Sur ce, bon appétit !

Mac Fly pouffe de rire :

-Tu viens de voir un exemple parfait des gars d’ici : physique et humour rude mais bon cœur au fond…

Mac Fly analyse du regard les petits vieux qui peuplent le comptoir.

-Des fois, je viens prendre mon petit déjeuner et ils sont déjà tous accoudés au bar: ils s’envoient des cafés – cognac, des « bombas » (chocolat au lait avec du rhum ), des liqueurs d’herbes des montagnes…

-Ils ont un foie en inox…

– Quand on est vieux à Casarabonela, la journée se passe toujours de la même façon…

Mac Fly se lance alors dans une description fidèle du quotidien des anciens :

-Le matin, ils démarrent toujours au bistrot avant de farnienter au soleil sur la place du village. Ils papotent jusqu’à environ 13h00, assis sur un banc en petit groupe… Après, ils retournent chez eux casser la croûte et font la sieste… Une fois le roupillon terminé, ils sortent de nouveau et reprennent la conversation entreprise le matin. Enfin, quand le jour décline, ils reviennent au bistrot et jouent aux cartes…

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-On dirait que tu as consacré du temps à les observer !

-Oui, et je dois te dire que j’ai beaucoup vieilli en un an. Depuis que je ne bosse plus, mes journées ressemblent aux leurs… Il soupire et réfléchit : ça a du bon le chômage. On prend le temps d’apprécier le temps. Quand tu sais plus quoi en faire de ton temps, tu le passes au bistrot. Boire un coup ou manger, ici, ça coute deux à trois fois moins cher qu’en France.

Je jette un coup d’œil à l’addition et le constate : nos deux petits déjeuners coûtent seulement 3, 90 euros !

-3,90 euros pour deux copieux petits déjeuners ! C’est rien ! A ce prix là, en France, on te sert une bière ordinaire en 33 cL, et sans le sourire !

-Pourquoi tu crois que je reste ici ? La vie est bien moins chère qu’en France, je profite de la nature et j’ai du soleil 300 jours par an. Avec 900 euros de chômage par mois, je vis très bien… Je loue une baraque dans un coin perdu pour 300 euros toutes charges comprises, et le propriétaire, Antonio, m’offre même le bois de chauffage l’automne et l’hiver… Comme j’ai plus de bagnole, je ne paie plus ni essence ni assurance… Y’a deux bus par jour pour aller à Malaga et dans les villages voisins si j’ai envie de changer d’air. Je n’ai pas besoin de payer d’abonnement internet car la connexion est gratuite à l’espace info du village… Si j’étais au chômage en France, ce ne serait pas la même soupe… Ici, c’est l’Eldorado à côté !

Mac Fly a travaillé 15 mois pour une association d’éducateurs français implantée dans le village. Sitôt son contrat fini, il n’avait plus qu’une idée en tête : rester sur place pendant ses 15 mois d’indemnisation par le pôle emploi, profiter de la région et se consacrer à sa passion : la musique.

-Tu as raison, lui dis-je, même si au fond l’idée me paraît complètement déraisonnable.

-L’année qui vient de passer a été positive sur plein de plans : j’ai pris le temps de composer de la musique, j’ai marché, j’ai récolté les amandes et les oranges dans la montagne, j’ai progressé en espagnol… C’était une bonne année de vacances offerte par le Pôle Emploi !

-T’es unique mec !

Nous terminons tranquillement notre petit déjeuner. A travers la vitre, j’aperçois le clocher de l’église, et au-dessus, le soleil s’élever.

-Bon… Je vais régler la note.

-Mais pourquoi autant d’empressement ? me demande-t-il en roulant une cigarette.

-Comme ça… On a fini de déjeuner, le soleil commence à se lever : c’est le bon moment pour aller randonner, tu trouves pas ?

-Relaxe, mec, me reprend Mac Fly. Le soleil, il va pas s’éclipser !… Tiens, je prendrais bien un second petit déj’ moi, pas toi ?

-Ok ! Je te suis pour un second petit déj’ ! Après tout, on a le temps, c’est vrai…

-Ben ouais, mec… Cool la vie ! Laisse-toi pousser la bite, quoi ! Mouah ! Ah ! Ah !

Il se lève, noue son cheich autour de son cou, embarque sa cigarette roulée et se dirige vers la sortie du café.

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-Tu m’excuses, mec, mais mon poumon droit me demande une clope…

Je vais commander un second petit déjeuner et le rejoins à la sortie du café. Je l’observe en train de fumer et consulte ma montre : il est 09h15 du matin et nous sommes à la fin du mois de novembre. Le soleil commence à inonder de lumière et de douceur les ruelles blanches du village. J’estime qu’à cet instant précis, il doit déjà faire 17°C.

-Après le deuxième petit déjeuner, je me prendrais bien un carajillo m’annonce Mac Fly.

-Qu’est-ce-que c’est ?

-Un café cognac. Ça coûte rien, une connerie comme 1 euro 30… Tu devrais goûter aussi…

-A neuf heures et quart du matin, un café-cognac, c’est un peu trop tôt pour moi… T’oublies pas la rando, mec ?

-Yep ! On attaque la rando après le « desayuno » ( petit déjeûner) et le carajillo, promis !

J’observe le village autour de nous, dont la vue me délecte et me laisse envahir par cette ambiance paisible de village andalou.

-Je me sens bien ici…

-Et ouais mec, j’te l’ai dit, c’est l’Eldorado ! » conclut Mac Fly.

Il a trouvé le mot juste : je ne vois rien à ajouter…

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Poème pour la Bière

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poeme pour la biere

 

Depuis notre rencontre, on ne s’est jamais quittés…

Bière, je t’ai aimé, je t’aime et je t’aimerai !

J’adore ta couleur, ton goût et ton odeur…

ô, Bière, tu es dans mon cœur !

Que tu sois légère ou forte…

De fermentation basse ou haute…

Blanche, blonde, ambrée ou noire…

Bière du midi ou Bière du soir…

Industrielle ou artisanale,

Bière, toujours tu es un régal !

C’est pour ça que je te le dis

Et cela, n’en doute pas un instant

Bière, je te déguste inlassablement

et t’aime pour la vie !

Le matin chez les Babacools

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(CASARABONELA, PROVINCE DE MALAGA – ESPAGNE)

Je regarde ma montre : elle indique qu’il est déjà 07h53 du matin. M’estimant suffisamment reposé, je me lève.

Je quitte ma chambre et traverse le couloir qui mène au salon. Mac Fly et Marie-Fernande y ont laissé un bordel innommable : ponchos et couvertures roulés en boules sur le canapé, boulettes de marijuana et emballages de bonbons sur la petite table autour de laquelle ils ont coutume de refaire le monde… Hier, le narguilé trônait fièrement au dessus de la télévision. Ce matin, il gît à terre. Normal… Dans la cuisine, c’est le même scénario : piles d’assiettes et de couverts hautes de trois jours, constellations de miettes de pain sur l’évier… Je quitte l’endroit et vais dehors. J’en profite pour laisser la porte ouverte afin d’aérer la pièce.

J’arrive dans la cour et retrouve les chiens du voisinage qui squattent l’entrée : Bolita, Sierra et Nanouk. Ce sont de vraies peluches. Je n’ai jamais vu de chiens aussi tendres et complices : ils me submergent de câlins et m’accompagnent dans ma marche au milieu des orangers.

Nous sommes à la mi-mars et déjà, leurs fleurs dégagent cet agréable parfum qui leur est propre… Dans le Nord de la France que j’ai quitté il y a deux jours, les routes étaient paralysées par la neige, les arbres morts et mon moral en berne. Ici, les oranges sont déjà juteuses, sucrées et abondantes et le ciel, bleu. Les maisons des alentours de style typiquement andalou, blanchies à la chaux avec leur inimitable patio fleuri, brillent comme des lanternes dans la montagne. Dans cette nature prodigue qui m’offre des oranges à foison, du soleil et de magnifiques paysages à contempler, je me sens renaître et m’épanouir.

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« -Hola Amigooooooo… !

-Tiens, salut Mac Fly ! Bien dormi ?

A ma grande surprise, il est déjà levé. Je me demande quelle mouche l’a piqué. Il me rejoint dans l’orangeraie, joint aux lèvres. Le chiot Bolita l’escorte.

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-Non… J’arrive plus à dormir depuis 8 heures du mat’…

-Tu t’es couché à quelle heure ?

– A 05h00… On a visionné des concerts de reggae une bonne partie d’ la nuit…

-T’es en forme pour aller marcher ?

-Olaaa… Freine mon ami, freine ! J’ vais me recoucher dans peu de temps…

-Ah bon ?

-Bah ouais, j’ai dormi que 3 heures !

Je dissimule ma déception. En effet, je nous imaginais vadrouiller ensemble … Tant pis. J’irai marcher seul. Pendant ce temps, il tire avidement sur son pétard.

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-C’est cool la vie ici, tu sais… Argumente-t-il. On fonctionne différemment tous les deux : toi, t’es du matin, tu marches et tu fais de la photographie, alors que moi j’ suis plutôt de l’après midi, j’ fais de la Zic’ (musique) et la teuf le soir…

Il s’amuse à faire des ronds de fumée et reprend :

-T’inquiète, on va trouver un compromis… Cet aprem, on taille la route en caisse jusqu’ à Ardales… Tu vas aimer, c’est un village tout blanc comme ici avec un grand lac et des roches aux formes bizarres. J’ vais prendre mon cithare, ma guitare et mon pétard… Tu vas voir, on va être peinards… Au passage, tu peux m’ féliciter pour les rimes !

-AH ! AH ! Bien Mac Fly ! J’aime quand tu proposes des trucs ! Au fait, ça te dit que j’te prépare un jus d’oranges ?

-Attends, j’ vais me refaire un bon joint avant.

-Tu viens d’en terminer un !

– (temps de réflexion)… Certes, Amigo, mais un bon joint précède toujours un jus d’oranges…

Quelques minutes plus tard, je reviens avec le fameux breuvage.

-Putain ! C’est bon ! Mac Fly avale son verre d’un trait.

-Ça fait du bien là ou ça passe ! Hein ?

En ce moment, c’est la meilleure période pour les oranges… Ici, on s’ fait pas enculer par les grandes surfaces : les oranges, c’est GRATOS pour todo el mundo! VIVA ESPANA !

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Nous discutons un bon moment tout en admirant le paysage et faisons le tour de la propriété. La végétation est luxuriante: je découvre simultanément sur mon chemin amandiers, citronniers, oliviers et bien sûr une multitude d’autres orangers. Alerté par des bruits de clochettes en provenance des hauteurs, je lève les yeux et aperçois un troupeau de chèvres dans la montagne : je me régale de cette vision de la nature andalouse !

Tout à coup, Mac Fly crie :

-Putain !

-Quoi ?!

-Le pétard commence à me faire effet mec ! (il baille). Vite! J’ vais m’en rouler un troisième pour accentuer l’effet des deux premiers, comme ça j’ serai K.O comme il faut pour bien dormir…

-Dis, Mac-Fly… T’en fumes combien par jour ?

-Une p’tite dizaine…

-LA VACHE !

-Quoi ? Je fais des efforts, tu sais… L’an dernier, j’ comptais pas… En plus, je finquais des spliffs gros comme des barreaux de chaise et ils étaient sacrément chargés !

-Sérieusement, quand tu dis qu’tu comptais pas, t’en fumais combien ? A peu près ?

-J’ viens d’te l’ dire : j’comptais pas…

-J’ termine mon jus et j’y vais mec… Ton p’tit village a l’air foutrement photogénique, j’ai hâte d’en faire quelques clichés.

-Fais à ta guise ! Au fait, i’ s’ peut que j’sois pas réveillé à 11h00 : j’entends pas toujours mon réveil… Si j’suis encore dans mon plumard à ton retour, réveille-moi.

-Vale, Chaval ! (d’accord mon gars).Tu penseras à laisser la porte ouverte pour moi ?

-Elle l’est toujours… Même quand on part… On n’a plus la clef ! Un de ces quatre, j’en demanderai une autre à Antonio le proprio…

-T’as jamais pensé à en faire un double ?

– Ca m’est jamais venu à l’esprit… Peut-être une prochaine fois… Ma foi…

-Sacré Mac Fly ! Allez… A tout à l’heure !

-Si ! Hasta luego !

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Je descends de l’orangeraie et arrive sur la route sinueuse qui mène au centre du village. Chemin faisant, je songe au duo Max / Marie Fernande et à leur vie de bohèmes. Ils me font penser aux hippies de la chanson «  San Francisco » de Maxime Le Forestier.

Ainsi, je me mets à chanter par bribes cette même chanson :

« C’est une maison bleu adossée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clef…………………………Peuplée de cheveux longs, de grands lits et de musique, peuplée de lumière et peuplée de fous, elle sera dernière à rester debout…………………. ».

Nus à la Villa Aqua d’Ostende

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Marco quitte la salle des douches et fait ses premiers pas dans la piscine. Il arbore un large sourire et lève les bras au ciel:

-YES ! J’ai franchi la première étape : me foutre à poil, prendre ma douche et arriver jusqu’ ici. Franchement, je l’ai fait les doigts dans le nez ! (Il joint le geste aux mots).

J’aime son sens de l’humour. De tous ses traits de caractère, celui-ci est le plus remarquable. C’est un gai luron qui trouve toujours une occasion de rire.

Il traverse le bassin en apnée avant de refaire surface à son extrémité.

« -Elle est bonne ! J’ me suis plus baigné dans une eau aussi chaude depuis mon excursion aux Thermes de Budapest…

Le thermomètre indique 42 °.

-T’ as été aux Thermes de Budapest ?

Oui, Monsieur !

-Tu sais qu’ tu fais un bel enfoiré ?

Marco riposte avec une réplique aux accents de vérité universelle :

-Mec… Le monde se divise en deux catégories : ceux qui voyagent pour découvrir la beauté du monde, et ceux qui restent en place. Moi, je voyage…

-Marco, c’est beau comme une citation c’ que tu viens de dire… Tu sais quoi ? J’en n’ai rien à branler !

-Oh !

Dans son regard, je découvre l’étonnement. En fait, je l’ai profondément surpris à jouer son propre jeu : le sarcasme. Je suis d’ habitude respectueux et enclin à prendre les choses à cœur, mais là, j’avais envie de m’amuser…

-Ah ! Ah ! T’es trop fort mec !

Il me tourne le dos, prend appui sur le rebord du bassin et se dirige vers l’extérieur :

-Tu viens ? On va les tester ces saunas ?!

Je lui emboîte le pas.

La Villa Aqua est un établissement réputé à Ostende. C’est un espace entièrement consacré à la tranquillité et au bien-être. Sa particularité est d’accueillir un public exclusivement naturiste.

Quelques jours avant cette virée, Marco m’a passé un coup de fil au cours duquel il m’a proposé de passer un week-end ensemble… Ayant découvert l’existence de la Villa Aqua à la même période, je lui ai suggéré d’y aller. Naturellement ouvert d’esprit et amateur d’expériences « insolites », il m’a suivi.

Nous quittons la surface couverte du complexe et allons dehors, dans le jardin, agréablement dessiné et peuplé de sculptures du style de « L’Homme qui marche » de Giaccometti, auxquelles nous prêtons à peine attention…

Nous longeons un bosquet et découvrons, cachée derrière, une piscine d’eau de mer. Marco profite qu’elle soit inoccupée : il s’élance, pousse un puissant cri et fait une bombe.

Je le rejoins, sans l’imiter pour autant…

L’endroit est vraiment beau et paisible et la sensation de nager nu, très agréable. Je me laisse aller et rêvasse. Je ne suis qu’en Belgique, à 50 kilomètres de chez moi et pourtant, je me sens tellement dépaysé ! En France, nous avons peu de structures naturistes à l’image de celle-ci. Nous fustigeons cette pratique que nous voyons comme le loisir privilégié des pervers et des voyeuristes. En Belgique, rien de tel. Les autres naturistes nous rejoignent dans le bassin et nous saluent cordialement. Il n’y a entre nous aucune attitude malsaine, juste du respect.

Nous quittons le bain et nous dirigeons vers les différents saunas. Nous les essayons tous : le sauna finlandais en bois de bouleau, le sauna infrarouge, le sauna zen, le sauna traditionnel… Après une douche rafraîchissante et revigorante, nous prolongeons notre transpiration en allant dans un hammam aromatisé à l’huile essentielle d’eucalyptus… Que du bonheur !

En quittant les lieux, je me permets un brin d’humour :

-Marco, tu sais que t’as un cul tout rose et salement poilu ? On dirait un postérieur de macaque !

-Non mais… Tu t’es regardé, l’imberbe ? Ah ! Ah !

Entre potes, pas de tabous…

La chaleur du sauna et du hammam nous détend à un tel point qu’après nous être installés dans les transats, nous sombrons dans le sommeil.

Réveillés par la fraîcheur de l’air, nous décidons d’aller manger. Le restaurant de la Villa Aqua est d’allure très contemporaine avec un design épuré et des couleurs froides.

J’avale d’un trait mon verre de thé glacé avant de me jeter sur mes pennes aux tomates séchées et copeaux de parmesan.

Marco engloutit sa portion de moules-frites tout en dégustant une bière brune.

A un moment donné, de la sauce à base de crème fraîche qui accompagne ses moules dégouline sur son torse velu… Il passe son doigt dessus et le lèche goulument en me fixant dans les yeux :

-Mon petit gars… Je parie que cette image de la sauce blanche sur mon torse va rester gravée dans ta mémoire et te faire fantasmer à jamais…

-Ah ! Ah ! Que t’es con !

Le lendemain, au retour, dans le tram qui nous mène d’Ostende à la frontière française, je lui demande quel souvenir il gardera de cette virée.

Il ne me répond pas tout de suite : son regard semble se perdre dans l’immensité des plages que nous longeons.

-… La beauté et la sérénité de l’endroit… Et toi ?

-Moi ? Ta bite qui fait du YO-YO !

-Hein ?!

-Quand tu as couru avant de faire une bombe dans la piscine hier, ta bite rebondissait et donnait l’impression de faire du YO-YO !

-Vicieux ! Tu crois que le fait qu’on soit potes depuis 13 ans t’autorise à contempler ma bite ? J’hallucine ! ».

Il n’empêche qu’après avoir regagné chacun nos pénates, il m’a envoyé ce message sur mon téléphone portable :

«  Super Week end en ta compani ! A refair ! T’inkiète, Cé San rancune pour « la bite qui fait du YoYO ». J’t’embras sur la fesse gauch ! A+ ».

De quoi m’endormir rassuré…