« C’est toujours un succès! »
…
Il paraît que commencer un texte par une petite blague, ça détend tout de suite l’atmosphère…
J’ai raconté la semaine dernière l’histoire de dragons que je venais juste d’inventer et d’improviser à mon neveu sur le chemin de l’école – du coup je me devais de déterrer ce texte, écrit l’année dernière à l’approche de Noël.
Je ne sais pas d’où c’est venu,
si c’est lui, si c’est moi –
quoiqu’il en soit,
pour mon neveu –
S. , 5 ans,
je suis un chasseur de dragons.
Du coup notre relation tourne autour des dragons. Quand je lui offre un cadeau, c’est souvent des peluches, des bouquins, des Lego ou des Playmobil… dragons. Quand je pars en voyage – et Dieu sait si ça m’arrive souvent – j’essaie toujours de lui trouver une carte postale avec un (ou des) dragon(s) dessus…
Il y a certains endroits plus faciles que d’autres pour ça, comme à Ljubljana où j’ai traversé le Zmajski most (« pont des dragons ») sur la rivière Ljubljanica – le dragon étant le symbole de la ville – ou à Cracovie, au pied du Mont Wawel, où autrefois, d’après la légende, un dragon vivait dans une grotte – bon, d’après cette même légende, ce dragon dévorait les jeunes filles, mais ça, je ne lui dis pas, à mon neveu…
Extraits choisis d’échanges avec mon neveu – pour construire une histoire – un mythe! – qui évolue, qui grandit en même temps que lui.
1) « Tu sais, S. , je suis un chasseur de dragons. Mais je ne leur fais aucun mal. Je ne les capture pas. Je veux juste les observer dans leurs milieux naturels. Je ne suis pas un braconnier. » – Ces phrases, je les ai prononcées assez tôt dans l’histoire, afin de rassurer le petit, qu’il puisse se dire « Mon tonton chasse les dragons, mais il est gentil avec eux. » Et d’ailleurs, je le rassure aussi de l’inverse: « Et les dragons sentent que tu viens en ami, ils restent sauvages, farouches, mais ils ne te craignent pas. »
En ce temps là, j’avais en tête les vestiges d’un film que j’adorais regarder quand j’étais gamin: Cœur de dragon
2) Autre jour… « Tonton, tonton!
– Yep! Qu’est-ce qu’il y a?
– Les dragons, ça existe pas! »
Ouch… Je savais que ce moment là allait arriver. Mais je pensais que ça viendrait bien plus tard, et pas de la bouche d’un garçon de quatre ans qui croit encore au Père Noël. Je me suis trouvé désemparé. Comment ne pas me faire griller? Comment conserver la flamme dans ses yeux lorsque je lui parlais de tous ces endroits, de par le monde, des déserts espagnols aux steppes kazakhes, où j’avais vu des dragons?
« Pff… Tu dis n’importe quoi! BIEN SÛR que les dragons existent!
– Non! C’est faux!
– Ah ouais?! Regarde! »
J’ai dégainé mon smartphone, cliqué sur l’application Youtube, et lancé une recherche pour les termes « DRAGONS DU COMODO » en indiquant bien à mon neveu ce que je tapais sur le clavier tactile.
Et mon neveu a découvert, les yeux écarquillés, le cœur battant la chamade, que je lui mentais pas: les dragons existaient bel et bien.
Ça ne l’a pas empêché de s’exclamer: « Mais ils n’ont pas d’ailes!
– Normal!… »
Oui, j’avais une explication à tout, même à ça…
En fait, jusqu’au Moyen-Age, on chassait énormément les dragons – et pas de façon gentille comme moi. On les chassait pour leur sang et leurs oeufs – on disait que se baigner dans du sang de dragon ou manger leurs œufs rendait immortel ou éternellement jeune. On chassait tellement de dragons qu’à la fin, il en restait très peu – c’était une espèce en voie de disparition. Maintenant, les dragons sauvages se cachent aux hommes et il faut être un fin aventurier pour trouver leurs repères.
Mais alors les dragons sauvages se faisaient de plus en plus rares, les hommes ont commencé à les domestiquer. Ils ont bouché leurs narines de manière à ce qu’ils ne puissent plus cracher du feu, et ils leur ont couper les ailes de manière à ce qu’ils ne puissent plus voler. Au fur et à mesure, de génération en génération, les dragons domestiqués ont fini par ne plus cracher de feu et par avoir des ailes de plus en plus petites, jusqu’à ce que celles-ci disparaissent. C’est ces dragons domestiques – dont les dragons du Komodo sont un exemple – que mon neveu a vu sur les vidéos que je lui ai montrées ce jour là. Des dragons sans ailes qui se baladaient tranquillement en plein milieu des villages d’Indonésie à la recherche de nourriture.
3) Un beau jour, mon neveu s’est pris de passion pour l’archéologie. Il s’amusait avec son petit marteau à casser des briques dans le jardin, jusqu’à ce qu’il finisse par trouver une « dent de dinosaure » – même si elle était en plastique. Ce qui m’a permis de lui affirmer, le plus sereinement du monde, que les dragons « sont les descendants des dinosaures.
– Mais Tonton! Les dinosaures ont pas d’ailes.
– Bah si mon grand! Les ptérodactyles ont des ailes!
– Mais les dragons n’ont rien à voir avec les ptérodactyles! Ils ont pas de bec!
– Mmmm en fait c’est un mélange entre les ptérodactyles, les tyrannosaures et les triceratops. »
Ou comment faire un mix entre Jurassik Park et Cœur de Dragon…
Il y a aussi la fois où j’ai tenté l’expérience de me faire un tatouage. Mais pas n’importe lequel.
Pour celles et ceux qui ne comprennent pas, ce sont des sinogrammes qui signifient « Menu 56 sans épices ». Bien pratique pour commander sans parler le menu numéro 56 dans tous les restos chinois du monde.
Quand j’ai montré ce tatouage à mon neveu, j’ai pu évoquer avec lui des tas d’histoires sur les vénérables dragons chinois qui survolent encore de nos jours la Grande Muraille…
Et enfin 4) – et on va conclure là dessus pour aujourd’hui – il y a cette fois où, à Tenerife – me demandez pas pourquoi j’ai atterri aux Îles Canaries, c’est pittoresque en plus d’être complètement con, je sais pas encore si ça vaut ou non le coup d’être l’objet d’une prochaine histoire… – à Tenerife, donc, j’ai entendu parler d’un dragonnier millénaire. Cet arbre est le plus vieil arbre de l’île – et comme c’est un dragonnier, un « arbre à dragons », j’ai décidé d’aller le voir, pour le montrer en photo à mon neveu. De Puerto de la Cruz, où je séjournais, j’ai donc décidé de me rendre à Icod de los Vinos, où l’arbre se dresse face aux visiteurs imprudents. En voiture ou en transports en commun, ce serait trop facile donc j’ai opté pour l’ajout d’une difficulté supplémentaire histoire de pimenter mon périple: j’y suis allé à pied. 27Km de rando, sans plan – mais avec l’imprim’ écran de l’itinéraire Google Maps sur mon smartphone qui ne disposait pas d’une connexion 3G – sur les chemins qui bordent la côte nord de l’île.
Une belle épopée – qui s’est finie de façon assez misérable: après moultes péripéties et un trajet bien plus long que ce à quoi je m’attendais, je suis tombé de fatigue au beau milieu d’un bar juste devant l’entrée du parc où se situe l’arbre tant convoité. Un regain d’énergie m’a permis d’y accéder, mais le regain en question a duré deux minutes – juste le temps qu’il m’a fallu pour faire le tour du dragonnier et le prendre en photo sur toutes les coutures.
Évidemment, toutes les images sont floues.
Mais ça a fait une belle expérience – et une histoire de plus à raconter au neveu: « Tonton a fait le tour de l’arbre à dragons! »
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