04 décembre 2004 –
Il doit être à peine six heures quand je me fais réveiller par les rayons du soleil qui perforent la moustiquaire de part en part. La tête dans le pâté je me sors de là tant bien que mal. J’accède au balcon, où je contemple le ciel du matin, un ciel blanc – pâle et laiteux – je m’attendais pas à ce teint là – la ville qui s’active déjà, les gens qui marchent – pagnes et boubous – patchwork aux couleurs bariolées – le stade, les panneaux publicitaires plus ou bien délabrés, les boutiques qui n’ont pas fermé de la nuit, un gars là-bas qui dort sur un toit – enveloppé dans sa moustiquaire de fortune, les voitures – qui en sont au moins à leur troisième ou quatrième vie – qui se noient dans la dense circulation –
J’entends le brouhaha des gens qui crient et qui papotent, le tumulte des freins qui crissent, des fourneaux qui crépitent, l’agitation de Cotonou après son énième nuit blanche. Je sens les odeurs de poissons grillés – je me dis que je suis pas si attentif aux sens d’habitude – mais je vois j’entends je sens surtout la poussière et la pollution.
Une douche rapide – à l’eau froide mais vu la température de l’air c’est pas gênant au contraire – je sens plus mes cheveux – les dizaines de mains des coiffeuses qui s’affairaient hier autour de moi quand elles m’ont fait mes tresses me les ont tellement tirés… –
Je m’habille en quatre-deux et je prépare mes affaires. Dans le couloir Naïma m’attend – déjà prête mais la tête encore plus dans le pâté que moi. Elle a encore fait la java avec les gens du coin dans la cour intérieure de l’auberge de l’amitié – à se déchaîner aux sons des djembés et des xylos jusqu’au bout de la nuit – toujours le même air qu’on finit par radoter, peu importe où on est…
On se dirige vers une maisonnette au toit de tôle – un snack qu’on a repéré avant-hier où ils font des bons petits-déjeuners. Le vieux poste de radio crache comme il peut du zouk bien fort bien grésillant – aux couleurs des matins de Cotonou.
On nous sert du café allongé mais encore amer, dans lequel on dilue tout un tube de lait concentré sucré. Le meilleur café que j’ai bu jusqu’à présent. Et même si le beurre est un peu bizarre – bien pâlot – il fond sur le pain croquant…
Bon je vais pas m’éterniser sur mon petit déj’. Et puis au bout d’un moment cette musique ce zouk commercial me saoule.
Un deuxième café-lait concentré sucré pour la route et on est parti ! On marche dans la rue en terre battue parmi les vendeurs d’essence en jarre – importée illégalement du Nigeria voisin – et les vendeurs à la sauvette de poisson grillé.
« Qu’est-ce qu’on fait ? On prend un zem ? » je demande.
Un « zem » ou « zémidjan » c’est une mobylette qui fait office de taxi et qui permet de tracer vite vite dans la ville – en divagant entre les voitures. En les frôlant souvent – et parfois en rentrant carrément dedans.
Naïma regarde ses jambes, puis les miennes.
« Vaut mieux pas… »
Ouais… en prenant un zem avant-hier on a tous les deux, sans faire gaffe, collé nos jambes au pot d’échappement. Résultat on a vu un carré de notre peau partir littéralement en fumée et maintenant on a le mollet cramé – et malgré tous les antiseptiques qu’on vaporise, toutes les pommades réhydratantes qu’on passe dessus, nos plaies ont du mal à se résorber.
[Si vous voulez des photos de nos blessures de guerre, c’est en privé que ça se passe…]
« On va prendre une voiture, c’est mieux. »
Naïma lève le bras bien haut pour héler un taxi. Au bout de quelques secondes, on a cinq voitures qui s’immobilisent en cercle autour de nous. Forcément, avec tout notre barda, nos casquettes – enfin la casquette de Naïma, moi je ne peux pas foutre mes rastas nouvellement tressés dans une casquette, j’ai un foulard noué autour du crâne – nos shorts… on ressemble à des touristes. On EST des touristes. Et puis, on est blancs… On les entend souvent, surtout les gamins, nous guetter dans la rue, courir à nos trousses en criant « yovo, yovo ! » – des blancs, des blancs – ça commence un peu à nous saouler – ça veut donc dire qu’on a de l’argent et que pour le chauffeur qu’on choisira la course sera bien avantageuse. L’un d’entre eux hésite même pas à sortir de sa voiture et à dégager le gars qu’il était en train d’acheminer.
C’est pas celui là qu’on va prendre.
Un autre chauffeur nous fait signe – son sourire comme une banane au milieu de la tête. Il semble sympa, la voiture plutôt propre…
On monte dans le taxi.
Qui démarre en trombe.
Enfin… comme elle peut quoi…
La trombe africaine !
Et pendant qu’on déboule dans le dédale des ruelles de Cotonou, le chauffeur se tourne enfin vers nous:
« Vous allez où ?»
Et on répond en chœur: « Au marché de Dantokpa ! »
À suivre…
Que de souvenirs !!!!!!!
Mmm. J’hésite à te la montrer… Pas en raison des tresses, mais parce que c’était il y a 9 ans – en plein âge ingrat haha
rho, chouette expérience
en fait c’est ta tête avec les tresses que j’aimerais voir 🙂