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L’Autre et le Manque

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Une clope.

Il me faut une clope. Maintenant.

« Сейчас – это сейчас. »

Dès la correspondance à Minsk envie de fumer.

Prier pour tenir tout le séjour.

Dix jours au Kazakhstan.

Et la suite ?

« Mouais… Je vois pas trop ce que tu veux dire mais en russe ça veut pas dire grand-chose. »

Astana – je sors juste du train.

Dernier jour.

Fin juillet – temps totalement dégueulasse et

je me souviens entre Autre de cette conversation avec Marlène.

« Maintenant c’est maintenant » –

la formule que j’assène comme une révélation

depuis la Pologne – Teraz jest teraz

et que je traduis en russe.

« Mouais… Je vois pas trop ce que tu veux dire mais en russe ça veut pas dire grand-chose. »

Marlène se marre – ça lui semble

ridicule.

« Peut-être que ça veut pas dire grand-chose, mais pour moi ça

veut dire beaucoup. »

Je veux juste fumer une clope.

On est dans son salon, après une heure de jogging sur les rives de l’Irtych. Pendant toute la course

Сейчас – это сейчас

flottait autour de moi.

Tout en sueur, après avoir partagé cette trouvaille linguistique entre Autre

on fait l’amour.

Et la suite ?

Le train Kazakhe

Ce matin Marlène m’emmène au train.

Sur le quai entre les lignes elle m’enlace – légèrement.

Pas de départ larmoyant – tant mieux. On est tous les deux pas très doué pour les adieux.

À quoi bon de toute façon – puisque ce sont pas des adieux.

Juste des au revoir

et on se reverra

dès son retour en France dans moins de deux mois et

Entre Autre on s’enlacera de nouveau et on refera l’amour et rien

aura changé.

Depuis j’ai envie de fumer.

Et je suis à la limite du Manque

depuis dix jours –

Entre Autre

Manque

elle me

Manque

déjà.

Et la suite ?

Le trajet en train – impressionnant.

À travers les steppes impression

que le ciel comme mon cœur se déchirent.

D’un côté ciel limpide – bleu diamant.

Plein d’envolées lyriques et de bonheur promis.

De l’autre nuages noirs – ciel tourmenté.

Orageux.

Et au milieu

des rails

et moi perdus.

Je déraille.

J’aimais bien

entre Autre

sentir son parfum

caresser sa peau

et l’observer les yeux fermés quand elle s’oubliait

ma queue ceinte dans sa chatte.

Manque.

Le Manque parfois

dans mon esprit s’insinue.

Heureusement Marlène me propose souvent certaines activités

sexuelo-ludiques

qui me détournent souvent de cette idée.

Dix-sept heures.

Manque.

Café Costa dans l’une des artères d’Astana.

Je sais pas où je suis.

La pluie dehors.

Glaciale.

Qu’est-ce qui leur a pris de foutre leur nouvelle capitale

au milieu de nulle part.

Partout la capitale

littéralement CAPITALE

sent le fake et le décor de cinéma.

Je commande un espresso.

À ma droite au fond du café – une fille – même

style vestimentaire, même

posture droite, même

frange… – Marlène ?

Elle m’a suivi jusqu’ici ?

Manque –

Je déraille – car

c’est pas elle – évidemment…

La fille sourit – rit parfois.

Cet instant me trouble – et mon cœur bat la chamade.

Ce rire est le rire de notre

bonheur futur.

Et la suite ?

Je quitte l’endroit le cerveau sur off

et je marche jusqu’au centre-ville.

Des buildings somptueux désignés par les plus grands architectes contemporains, le

quartier des affaires, les ambassades –

des maisons de style néo-victorien

bon chic bon genre

le fake du fake

cerclé par des grilles immenses –

et toujours ce même

ciel noir.

Fake fake fake

Manque.

Entre Autre je me sens déprimé –

je suis un chien errant dans les ruelles boueuses et ternes

je me sens seul

en évitant les flaques d’eau.

Flaque flaque flaque

Marlène

est pas là.

Manque.

Il y a quelques mois devant le cinéma :

« Je retourne chez moi au Kazakhstan cet été.

Tu viens me rendre visite ? »

Découvrir sa famille

l’endroit où elle a vécu

toutes ces années –

sa chambre dont

les murs gèlent l’hiver

ses lieux de vie.

Et surtout la chance qui s’offre à moi

de rentrer un peu plus

au cœur de sa vie.

Je suis sous-alimenté en nicotine

et parfois le Manque prend

le dessus.

On est allongé dans son lit –

câlins brûlants au clair de Lune.

Je lui caresse la chatte

j’entends ses gémissements étouffés

je rugis déjà à l’idée de

pénétrer en elle.

Soudain

Quelqu’un !

Une présence entre

elle

et moi –

un fantôme, un spectre, une chimère.

Une distance.

Impossible à franchir.

Je le sens –

l’Autre à ses côtés.

Et moi je

déraille –

Manque –

je nage en plein délire.

Qu’est-ce que je fous là ?

Physiquement dans

son lit

et dans son cœur

il y a une place pour moi ?

Au cœur de sa vie.

Je sens soudain son cœur

battre à travers sa poitrine –

il bat pas pour moi.

Un remplaçant. Un

Imposteur. Un

choix par défaut parce que

l’Autre est pas là.

Je déraille –

vague abondante –

vagabonde désormais seul –

même le chien errant m’a

abandonné

dans les ruelles de cette improbable capitale

aux monuments – comme elle – trop somptueux pour être

réels.

Et où le ciel pleure avec vous mon effroyable douleur,

ma folie et ma solitude.

Et la suite ?

Je quitte cet endroit morne et tourmenté.

Satanée Astana.

Dernier bus pour l’aéroport

où je finis par craquer –

je demande une clope à un chauffeur de taxi qui

voyant ma triste gueule

et mon cœur déchiré

me file tout un paquet.

Et la suite ?

La suite c’est

la nuit dans cet aéroport

Marlène de retour en France,

et cette présence toujours – je

la ressens derrière moi

un fantôme, un spectre, une chimère

et deux ans d’une histoire qui

en dents de scie

s’est poursuivie

sur une pente toujours descendante.

La suite c’est

le Manque –

le Manque et l’amour.

L’amour malsain qui vous ronge et vous consume.

toi et l’Autre

Jusqu’au mur – au fracas final.

On était pas fait l’un pour l’Autre.

В дороге, в Степи

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Arizona Dream – Goran Bregovic –

 

Je sais pas pourquoi j’ai cette chanson dans la tête.

Peut-être le compositeur – (Ex-)Yougoslave – qui me pousse à regarder encore plus à l’Est.

Peut-être le film – dans mes souverêves à un moment le personnage joué par Johnny Depp traverse en bagnole un cimetière de voitures – des carcasses de ferraille déglinguées empalées sur des piquets les unes sur les autres.

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Et la route qu’on parcourt ensemble, là, maintenant, c’est la même chose.

Vers l’Est toute et propice aux souverêves.

 

Давай Давай !

 

Est-ce qu’il y a vraiment cette scène dans le film ? J’en sais foutre rien.

 

La Lada d’Igor Vapatrovitch. Je connais ce modèle, je l’ai déjà vu en France – pas estampillé Lada bien sûr, mais…

 

Ouais – cette forme – typique d’une Dacia

 

Darla di la lada !

la lada au bord de la route

la lada au bord de la route

 

Dans la voiture d’Igor Vapatrovitch couvertures, chapelet emmêlé autour du rétroviseur intérieur, avertisseur de flics sur le tableau de bord, autoradio MP3 rempli de chansons russes, thermos de café et sans doute reste d’une bouteille de vodka sous le siège conducteur, et matos de pêche dans le coffre.

 

Давай Давай !

 

La steppe – toute plate, qui s’étend sur des centaines de kilomètres carrés – devant derrière tout autour de nous. Végétation quasi-inexistante – monotone. Quelques arbustes inoffensifs, des herbes plus ou moins mauvaises, plus ou moins hautes, pliées, balayées, terrassés, brûlées par les vents et le soleil.

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On s’arrête. Pause pipi.

Il est à peine 5h du matin et il fait déjà parfaitement jour et le soleil tape déjà fort.

Les plaines au loin sont ballottés par les vents – les plaines traversées en leur temps par Gengis Khan et ses hordes, et les commerçants de la Route de la Soie.

On pose les pieds sur le bitume, on se dégourdit un peu les jambes, on fait ce qu’on a à faire, et on remonte dans la voiture.

En l’espace(-temps) de cinq minutes, le ciel d’un bleu sans taches s’est modifié, transformé en un ciel gris, ouaté et menaçant – des nuages chargé d’électricité, capables de déverser leurs cruelles trombes en quelques instants.

 

Давай Давай !

 

À un moment Igor Vapatrovitch lève le pied.

Hein quoi qu’est-ce qui nous barre la route, qui fait obstacle à la Lada qui fend les steppes ?

Un troupeau de bovins.

Qui vient de nulle part.

Et qui se dresse comme ça devant nous.

Peinards.

« Dégagez les gueux ! » dit Igor Vapatrovitch.

Du moins, c’est ce que j’imagine qu’il marmonne, en russe, dans sa moustache. Sacré Igor Vapatrovitch !

Les vaches s’écartent.

Pour la plupart.

Je dis ça parce qu’il y en a une qui nous emmerde, qui nous fait l’équivalent d’un gros fuck dans nos faces, ou plus simplement, plus philosophiquement, qui en rien à foutre.

Elle se met à pisser.

La vache !

 

Давай Давай !

 

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<
>
la steppe quand soudain...

À un autre moment, on s’arrête, une nouvelle fois.

Se dégourdir les jambes, une nouvelle fois.

Près d’un plan d’eau, et d’une voie ferrée

Au loin, une barque.

C’est un pote d’Igor Vapatrovitch qui pèche !

Igor Vapatrovitch sort de la Lada, s’approche de son copain, le salue et lui demande si la peĉhe est bonne.

La barque du pote d'Igor Vapatrovitch

La barque du pote d’Igor Vapatrovitch

 

Puis on remonte en voiture – il reste deux heures jusqu’à Pavlodar.

 

Давай Давай !

 

Puis on passe à côté d’une stèle – trop vite pour que je puisse la figer en photo, mais suffisamment lentement pour que je puisse déchiffrer le mot inscrit dessus.

 

Спутник

 

Spoutnik, le satellite, le « premier engin placé en orbite autour de la terre », en 1957, qui « marque le début de l’ère spatiale. »

 

Спутник – lancé à partir du cosmodrome de Baïkonour – au Kazakhstan aussi, mais à 1600 km plus au Sud, plus à l’Ouest d’ici, de la route qui mène à Pavlodar

 

Спутник . С – пут – ник : la personne (le suffixe « ник ») avec laquelle (le préfixe « c ») on fait le chemin (la racine « пут »).

 

Спутник – un compagnon de route.

Comme Igor Vapatrovitch.

Comme Marlène, qui, douce et silencieuse, somnole sur mes genoux.

 

Давай Давай !

 

Je sais pas pourquoi cette route – toute conne, toute droite, toute défoncée – me marque autant.

Peut-être parce qu’elle est la somme unificatrice de toutes les routes que j’ai prises avant, de toutes les routes sillonnées pour en arriver là.

 

Давай Давай !

 

Ouais – la route s’arrête pas. Elle est simplement devenue moins sinueuse.

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Steppe by steppe

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Bill me dit que je fais jamais d’introduction dans mes textes. D’habitude je plonge directement les lecteurs et lectrices dans l’action, brute de décoffrage, façon Rambo – sans préliminaires.

Alors, cette fois ci, pour toi, Bill, je vais répondre à ces deux questions :

 

1) Où est-ce que c’est que ça se passe ?

 

Sur la Terre, en Asie Centrale, au Kazakhstan, entre Astana et Pavlodar, à bord d’une voiture qui fonce, fonce à travers les steppes.

 

2) Qu’est-ce que je fous là ?

 

Comme je le disais à Armelle qui s’inquiétait de pas voir Marlène dans mon avant-dernier texte, en me demandant « Elle est où Marlène ? », et quand je lui avais répondu que « Marlène elle était chez sa mère », eh bien en fait j’ai un peu mitonné – en fait Marlène elle était chez sa lointaine tante.

Conversation sur Facebook avec Armelle

Conversation sur Facebook avec Armelle

Sa vieille tante qu’elle voit pas souvent.

Sa tante qui est une « Allemande de la Volga ».

Sa tante qui vit au Kazakhstan, à Pavlodar plus exactement.

Sa tante chez qui je suis le bienvenu.

 

Alors moi, tu me connais, quand on me dit « viens », et quand j’en ai l’occasion, je me jette dans le premier moyen de transport venu – avion, paquebot, limousine, étalon des plaines – et j’arrive en deux-deux.

 

Et la manière dont Marlène m’a dit de venir. « Viens, viens… », langoureusement… comment ne pas succomber à ce genre de trucs…

 

Et en plus, gros coup de bol – depuis quelques jours, plus besoin de visa pour les ressortissants Français pour des séjours de moins de quinze jours ( – bon, tu me connais, avec la veine que j’ai, ce n’est que quand je me suis déplacé à Paname, et que j’avais devant moi la secrétaire de l’Ambassade du Kazakhstan, que j’ai été au courant de cette information…)

 

En bref, tous les signes étaient là – c’est comme si le Kazakhstan m’ouvrait grand les bras.

 

Train – avion – escale à Minsk – avion de nouveau – 15 heures de gamberge, quatre heures de décalage horaire, et j’arrive à l’aéroport d’Astana à 3h du mat’.

Marlène m’a dit qu’elle serait là, qu’elle m’attendrait à la sortie. Je la crois – mais ça m’empêche pas de flipper : est-ce qu’elle sera là ? Qu’est-ce que je vais faire si elle est pas là ? Attendre le premier bus, me rendre à la gare – mais j’ai même pas de thunes et je sais même pas comment ça se dit « gare » en kazakhe…

 

Je montre patte blanche au contrôle des passeports, je récupère mon bagage en soute et je sors de la zone d’arrivée. Et Marlène est bien là, elle vient juste d’arriver, elle aussi – mais pas de temps à perdre, on sort de l’aéroport et on se dirige vers un parking. Sur lequel nous attend une Lada Largus ( pour les connaisseurs/connaisseuses ) presque neuve. Et dedans : sa tante et le copain de celle-ci, qui sont venus jusque là uniquement pour venir me chercher.

Je fais un signe de tête à la тетя (1) de Marlène, qui dort profondément sur le siège passager. Son copain sort de la voiture – jogging, tricot de corps, treillis militaire, cheveux poivre et sel clairsemés sous sa casquette, rides qui tracent des sillons plein d’histoires sur son visage, moustache bien fournie, à la Nietzsche (pour les connaisseurs/connaisseuses), petits yeux noirs cachés par des binocles à gros verres. S’il y a quelqu’un qui a le même style que lui, c’est bien mon père. Marlène me présente : « B.Howl, voici Igor Vapatrovitch. »

Igor Vapatrovitch sort un paquet de clopes de la poche de son treillis, en met une à sa bouche, m’en propose une mais je refuse – j’essaie d’arrêter. Et il me tend la main pour me saluer.

Ah chouette ! Je vais pouvoir montrer à Marlène mes talents cachés en Russe, que je me galère à apprendre depuis quelques semaines – je vais l’épater ça c’est sûr.

« Здравствуйте! как прошла поездка? » Igor Vapatrovitch me dit.

«  Да да ! », je réponds, tout fier. (2)

 

Marlène me propose du café dans un thermos et une banane, et j’accepte – histoire de tenir le coup pendant le trajet.

Le trajet – Astana – Pavlodar, ça fait 437 Km (merci Google Maps).

Pour être à l’aéroport d’Astana à 3h du mat’, Marlène me dit qu’ils ont dû partir à 20h de Pavlodar. Si je fais le calcul rapidos, on en a donc pour à peu près sept heures de route – mais après 250 Km en train et 5700 Km en avion je suis plus à ça près.

 

En voiture Simone !

On embarque dans la Lada, on quitte le parking et on s’éloigne rapidement des voies rapides qui jouxtent l’aéroport, direction à l’Est toute ! Il est à peine 4h du mat’ et déjà l’aurore darde ses rayons d’argent à travers les écharpes de brume (à 1:10, pour les non-connaisseurs/non-connaisseuses)

Igor Vapatrovitch parle Russe, et Marlène me traduit ce qu’il dit en direct. Et Igor Vapatrovitch dans la bouche de Marlène dit qu’à son âge avancé on a pas besoin de beaucoup dormir, et à part la sieste de dix minutes qu’il vient de faire en m’attendant sur le parking de l’aéroport, ça fait 48 heures qu’il a pas dormi.

Puis Igor Vapatrovitch se tait, et Marlène me glisse une réflexion personnelle : « Igor Vapatrovitch, c’est tout un phénomène. »

Devant cette affirmation, et ce personnage, je ne peux qu’acquiescer et rester coi.

 

On passe tout près d’un poste de police. Marlène m’explique que les flics qui sont là-dedans n’arrêtent que les voitures étrangères – histoire de soutirer un peu d’argent à leur conducteur. Heureusement, la Lada a une plaque d’immatriculation kazakhe et Igor Vapatrovitch continue de rouler tranquillou…

 

Tranquillou ?

J’ai les yeux rivés sur le compteur – l’aiguille pointe quasiment tout le temps à plus de 120 Km/h. Ensuite, mon regard se pose sur la route. La route – totalement défoncée – j’ai pas vu une route autant défoncée depuis le Bénin – et Igor Vapatrovitch – ce bon gaillard, ce vieux bougre ! – mène la Lada tambour battant, et évite pied au plancher les trous et les bosses.

 

Давай Давай ! (3)

 

Je suggère – j’exige! – qu’Igor Vapatrovitch soit sacré champion automobile dans les plus brefs délais.

 

Moi j’ai peur, je me cramponne comme je peux, je panique, je vois le compteur, je vois Igor Vapatrovitch hyper-confiant, je flippe comme un porc – c’est horrible je suis un gros peureux, une fiotte! – je revois le compteur, je revois Igor Vapatrovitch hyper-confiant – alors je me calme: tout va bien se passer.

 

Marlène me calme aussi… Elle pose un cousin sur mes genoux et pique un roupillon. J’essaie de faire la même chose, accoudé à la fenêtre, mais pas moyen, malgré la fatigue. On est trop chahutés. Je suis tellement chahuté, ouais, et tellement fatigué que j’ai l’impression d’avoir déjà vécu les scènes qui s’offrent à moi – la route, cette carlingue dans laquelle on est chamboulés de toutes parts. Une réminiscence ou un souverêve ? Je divague…

 

Je caresse les cheveux de Marlène, je lui masse le crâne en contemplant les paysages qui défilent tout autour de nous. Les steppes. Des centaines de kilomètres carrés d’herbes plus ou moins hautes, plus ou moins séchées – des buissons, des arbustes tordus par les vents – mais aucun arbre. Et au loin les montagnes. Et au dessus le ciel changeant, instable, dont les couleurs se font parfois joyeuses, et parfois menaçantes. Et au milieu de tout ça, sur la route capricieuse quasi-déserte, la Lada. Comme si on avait rien à faire là. Comme si on allait à contre-courant.

 

Давай Давай !

 

 

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1) Tata

2) Bonjour ! Comment s’est passé ton voyage ?

– Oui oui !

3) Allez allez !

Un séjour parisien

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Dans le nord de Paris

chez Candy Sweet et Marla

je fais genre

le gendre idéal –

la vaisselle et je laisse tout

tout propre derrière moi.

Balade aux airs du soir

autour du lac d’Enghien

des bières dans la main.

La vie ici

si loin si proche

du stress parisien.

Candy va à Lille l’an prochain.

Je l’attends de pied ferme.

Ça va être la java

ça va être le souk.

On va brûler, brûler, brûler

pareils aux fabuleux feux jaunes des chandelles romaines.

 

Plus tard à la campagne

chez Sophie et Jules

le ciel est dégagé

loin des lumières

de la ville-lumière

tout va à vau l’eau à Vaux le Vicomte.

La légende raconte qu’ils vont bientôt se marier.

La même légende que celle des contes de fées

que Sophie finissait par ne plus croire

et à laquelle elle a toujours aspiré.

Je suis crevé

je rêve de Marlène

ses yeux de tigre

ses lèvres douces –

Elle et moi courons main dans la main dans les herbes vertes de la prairie.

Le matin quand je lève les volets

en calbute

je me vois ma bite

comme la grosse aiguille d’une horloge grandiloquente

genre hôtel de ville.

Tic tac tic tac tic

L’horloge baudelairienne –

Memento mori

et toutes ces conneries car moi

je revis.

 

Je réapparais à Paris

du côté de chez Sam

qui m’a laissé les clés avant de partir.

Je squatte chez lui

je saccage tout –

Attila – là où il passe même l’herbe trépasse.

Je range tout derrière moi

mais ma venue laisse quelques traces

un DVD laissé en plan

et une multiprise démantibulée.

 

Paris Gare du Nord

je suis cerné.

Contrôle de police

rien à déclarer

je me fais tâter

de la tête aux pieds.

 

Dans le train qui me ramène

sur le siège d’à côté

une fille se met à pleurer

« Peine de cœur ? »

je demande pas

et la fille répond pas non plus

même quand je lui propose un mouchoir.

 

Et c’est la fin.

La nuit tombe.

Je suis rentré.

Dehors des pétards claquent.

C’est le 14 juillet.

Dans la forêt – partie 3

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0h30 – encore et toujours.

 

Le temps s’arrête. Toujours ce faisceau de lumière – ce putain de faisceau de lumière – au loin, qui ratisse les bois. Un peu comme dans le film E.T quand le vaisseau extraterrestre se pose.

On joue à un deux trois soleil avec lui.

Un deux trois ZOUIIIIIIIIIIIIIIIII – et la lumière fut – en plein devant nous – on se fige comme deux roseaux. Deux épouvantails traqués par les forces maléfiques.

Django a éteint sa lampe frontale et il fait : « Baisse toi ! Couche toi ! COUCHE TOI ! »

Son murmure est un cri. Un cri de panique mais surtout de désespoir. Je me baisse comme je peux mais je peux pas grand-chose.

Je crois que j’entends des bruits là-bas. Des voix ? Des gus qui parlent entre eux ? Le garde-forestier et son adjoint ? Comme si on avait été repérés. Et des bruits, des crissements, comme si on écrasait les branches, les feuilles et tout ce que vous pouvez imaginer trouver sur le sol dans la forêt. On s’approche de nous.

Le halo de lumière se fait plus intense.

Aventure épique – mon cul !

Django envoie des SMS à Melowne. Je l’entends pianoter discrètement sur le clavier de son portable old-school et ça m’énerve. C’est ça qui va alerter nos poursuivants.

Je regarde le mien, de portable. Smartphone genre je me la pète avec son appli calculette du tonnerre et surtout, pour le coup, son écran tactile et large, hyper-rétroéclairé. Django : « Éteins ton portable. ÉTEINS TON PORTABLE ! ». Pour lui c’est ça qui va nous faire repérer. Je m’exécute. Tant pis, je pourrais pas dire à Marlène que je l’aime, je pourrais pas lui demander de veiller sur Pat et Séb si jamais il m’arrive un truc. Mais Django a raison – en plus de la lumière qui émane de mon smartphone et qui nous rend méga-voyants – peut-être que là-bas ils ont des outils ultra-pointus pour géolocaliser les signaux qu’il émet.

On se fera pas avoir, foi de B.Howl !

Je fais le malin là, mais je vous jure que je tremble à mort. « T’as des crampes ? » Django me demande. « Non », je réponds. « T’as des crampes ? » Mais pourquoi il répète toujours deux fois ce qu’il dit ? « Non Django… J’ai… j’ai peur… »

Je veux que ça s’arrête. Je veux rentrer, me foutre au pieu, dormir pépère et qu’on me foute la paix jusqu’au restant de mes jours. À la place de ça, on est comme deux cons – je compte pas Melowne dans le tas – désolé mec, mais Melowne à l’heure qu’il est et vu son flegme légendaire, je l’imagine bien se la couler douce en mangeant le reste du gâteau de sa mère autour des dernières braises – et nous on est deux cons paumés immobiles en position de « je fais caca debout » – traqués au beau milieu des bois.

Allez Django, on se rend ! Au pire on se fait taper sur les doigts par les gardes-forestiers et on a une amende. Salée peut-être, mais qui va moins bousiller notre vie que cette peur intense et constante qui nous prend au bide depuis tout à l’heure. À moins qu’on risque la prison ?

Et s’il s’agissait pas de gardes-forestiers ? S’il s’agissait – je sais pas moi… – de tueurs en série façon Dexter dont le rituel est de creuser chaque semaine le lieu de repos final de leur nouvelle victime ?

Si c’était vraiment des Extraterrestres dont le seul but est de coloniser la terre et de réduire l’humanité à néant ?

Aidés dans leur mission démoniaque par des voitures qui se transforment en robots surpuissants ?

Si c’était des gens du futur paumés comme nous au point Delta d’un continuum espace-temps totalement ténu et embrouillé ?

Si c’était Dieu(x) ?

 

Avec ces conneries il est à présent 1h30 du matin.

 

Mon cœur bat la chamade et je ressens ses pulsations dans tout mon être. Un peu plus et je vais me pisser dessus.

Et la lumière fut – mais soudain elle disparaît.

C’est un leurre. Les entités pluriformes non-identifiées attendent patiemment qu’on fasse du bruit, qu’on se mette à découvert – après, ils auront plus qu’à nous cueillir.

Mais ça marchera pas. On est trop rusés pour se faire avoir.

J’entends des gens rigoler derrière !

Tant pis si c’est un leurre. Agenouillé comme un con, ma position est inconfortable. Je fais un peu de bruit, pour la discrétion on repassera, mais j’imite Django en me mettant allongé en chien de fusil – en position quasi-foetale, sur la terre, les feuilles mortes, les fougères et les ronces.

Aventure épique – mon cul !

Désormais on est face-à-face Django et moi – en position de la cuillère, mais inversée. Si les lumières réapparaissent, elles seront derrière moi. Je tremble toujours. Chuchotements couverts par les cris des marcassins : « T’as des crampes ?

– Toujours pas, Django… »

Django pose sa main sur ma joue. Ses doigts massent mes tempes – et ça me calme vachement. Certainement qu’il se sent responsable de la merde dans laquelle on est. Mais faut pas… S’il continue comme ça dix minutes, je crois que je serai capable de m’endormir – d’un coup, comme ça. Sa main sur mon visage… Un peu plus et ce serait super-érotique, je vous jure ! En tout cas, c’est chaud, et s’il nous arrive quelque chose, cette nuit, dans cette forêt, au moins j’aurais vécu ça. Django… ce geste fraternel…

Aventure épique – mon cul !

Soudain Django se redresse. « Qu’est-ce qu’il y a ? » je demande. « Il y a plus rien…

– Quoi ?

– Il y a plus rien, B.Howl. Plus de lumières.

– Sérieux ? »

Je me relève à mon tour et me tourne vers l’endroit d’où semblait provenir le halo tout à l’heure. Django a raison. La seule lumière qui nous éclaire, c’est celle de la Lune.

« C’est fini… » je soupire.

On est tous les deux debout maintenant. On voit quand même quelque chose au fond. Des ombres parsemées, des lumières dansantes. « Peut-être des gens qui ont eu la même idée que nous ? » fait Django.

Mouais… Ou peut-être nous ? Peut-être que c’est nous qu’on voit – dans le passé ? Je partage pas cette pensée avec Django, je suis parti trop loin, encore une fois…

« J’aimerais bien voir ce qu’il se passe là-bas… » fait Django en essayant de distinguer des formes, des bruits… « Non, mec. Ça sert à rien. Viens, faut qu’on cherche Melowne. »

On se remet en marche. Django a paumé sa lampe frontale en se couchant. On voit que dalle. C’est dans quelle direction ? On est paumés… Ça craint… Comment on va faire pour retrouver Melowne ? La nuit, dans la forêt, tout est pareil. On commence à ratisser la zone. Ça fait un sacré bout de temps qu’on est parti, et si ça se trouve, Melowne est parti à notre recherche… Vous avez déjà fait un cache-cache nocturne dans les bois ?

« Melowne ! » crie Django. « MELOOOOOOWNE !!! »

Au bout d’un moment, au loin entre deux arbres une forme s’esquisse. Une forme flegmatique qu’on reconnaît bien.

«  Là-bas ! »

On se précipite sur Melowne. Et devinez quoi ? Il est comme je me l’étais imaginé. Les doigts de pieds en éventails, accroupi sur un tronc d’arbre. Notre fabuleux feu de camp, par contre, est en train de vivre ses derniers instants. « Eh ben ! Vous en avez mis du temps les gars !… » Évidemment, aucun des SMS que Django lui a envoyés lui est parvenu.

Django est rempli de rage : « Ça sert à rien de rester ici les gars. C’est fini pour aujourd’hui. C’est bon, on met les voiles et on se tire de là. »

Aventure épique – mon cul !

Melowne s’en tape. Moi… je comprends la déception de Django, et sa décision. On voulait passer une nuit pénard – trois potes qui se retrouvent – et après ce qu’on vient de vivre, c’est inutile de rester là… – mais je suis plus fatigué maintenant. Trop d’adrénaline. Mes tempes vrombissent encore. On remballe toutes nos affaires, nos déchets, on étouffe notre feu de camp, et on déguerpit en silence, sans laisser de trace.

On traverse toute la forêt – sans se soucier des herbes hautes, des racines qui nous font presque tomber parfois, sans se soucier des ronces qui s’accrochent à nos pantalons, des bruits des sangliers qui se font de plus en plus menaçants. On regarde pas en arrière. Django marmonne. Il a une dent contre les lumières, contre ces gens hypothétiques qui nous ont effrayé, qui nous ont coupé dans notre élan. Ce qui compte, maintenant, c’est retrouver la twingo de Django et rentrer.

Aventure épique – mon cul !

Fuir et oublier toutes ces conneries le plus vite possible.

Enfin, la route. La voiture est là-bas, à 500m sur notre gauche. On y est presque.

Soudain Django s’arrête. « Regardez là, les gars ! » Je vois rien. Rien du tout. Et Melowne c’est pareil je crois. « Ouais ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

Django est persuadé d’avoir vu quelque chose – ou quelqu’un. Une fille mince, en robe de mariée. Une fille qui luit. Une fille paumée comme nous, la nuit dans la forêt. Une fille spectrale. Un fantôme.

 

3h du matin.

 

Django, Melowne et moi-même qui montons fissa dans la twingo de Django – paumée comme nous dans la nuit à l’entrée de la forêt. Et Django qui, au lieu de prendre la route pour rentrer, fais demi-tour, tous phares éteints, jusqu’à une zone reculée de la forêt. Et Django qui baisse la vitre et qui gueule : « VOUS ÊTES CONTENTS ?? BANDE DE SALAUDS ! VOUS AVEZ GÂCHÉ MA SOIRÉE ! »

Mais ici seuls les arbres endormis et les animaux de la nuit l’entendent.

Puis Django redémarre en trombe – une seule idée dans nos têtes : fuir tout ce merdier.

Voilà omment on en est arrivé là…

 

 

Aventure épique – mon cul !

variations en vrac sur le thème de l’autofiction

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abîmes

mises en abyme

mimes en abysses.

Combien de pourcent est vrai si on peut calculer?

 

Ça traduit quelque chose… mais quoi ?

 

Tes peurs, tes angoisses.

Merci à http://ifaketext.com/

conversation avec Marlène

Stupides et contagieuses.

TOUTE RESSEMBLANCE AVEC DES FAITS OU DES PERSONNES EXISTANT OU AYANT EXISTÉ NE SERAIT QUE PURE COÏNCIDENCE.

En autofictionnant tout ça, tu les évacues.

 

Abysses animés

abymes abimées

 

Combien de pourcent est vrai si on peut calculer?

 

 

La cocaïne (ou chlorhydrate de cocaïne de son nom scientifique) se présente le plus souvent sous la forme d’une poudre blanche et floconneuse, plus rarement sous forme de cristaux. Celle qui alimente le trafic clandestin n’est pas pure. Elle est la plupart du temps coupée — « allongée » — dans le but d’en augmenter le volume, avec des substances diverses telles que le bicarbonate de soude, le sucre, le lactose ou des médicaments ou pesticides plus ou moins dangereux. (…)

La poudreuse

La poudreuse

Ces produits de coupe sont susceptibles d’en accroître les dangers par une potentialisation des effets ou par une interaction entre deux produits15. La poudre vendue sur le marché clandestin comme étant de la cocaïne n’en contiendrait en fait que 3 à 35 %*

 

Addis-Abeba.

 

auto-fixion

 

crucifixion

 

autofriction

 

Combien de pourcent est vrai si on peut calculer?

 

Tu prends un truc chez toi, dans ton comportement, dans ce que tu vis, ce que tu ressens – tu l’étires comme un élastique, tu extrapoles jusqu’à ce que de toi il ne reste quasiment rien.

 

አዲስአበባ

 

« Pure », OK… – mais pure à combien de pourcent ? »

 

Ou bien tu imagines un truc dont tu sais que ça ne t’arrivera jamais. Et tu te demandes comment tu le vivrais, ce que tu ferais si ça t’arrivait, ce que tu ressentirais.

 

Le déclic…

Le déclic je crois c’est quand j’ai lu Lunar Park, de Bret Easton Ellis.

ATTENTION – SPOILERS

C’était il y a longtemps – et c’était en allemand – me demande pas pourquoi… – alors je m’en rappelle plus très bien.

Tout ce que je peux dire, c’est que c’est Bret Easton Ellis qui raconte sa vie.

Un peu comme son journal intime.

Il raconte son histoire, ses bouquins, ses succès littéraires ( American Psycho, ça te parle?), ses déboires avec la drogue, et sa vie à l’époque du récit.

Il vient d’emménager dans des suburbs style Wisteria Lane avec sa compagne, Jayne Dennis, ancienne mannequin, et son fils – obligé par les tribunaux de le reconnaître. Le gamin 10 ans déjà totalement névrosé – sous anxyo’, lithium et tout le toutim.

Mais la maison est hantée et des souverêves cinglants accaparent Bret Easton – le spectre de son père, qui vient de mourir – mais aussi des fulgurances de Patrick Bateman, le yuppie sanguinaire d’American Psycho. L’écrivain doit faire face à ces démons et à sa nouvelle vie de père dont il n’a pas voulu.

Tu ressors de là tu comprends que ce n’est pas vrai. Enfin, pas tout. Mais où s’arrête le réel, où commence la fiction ?

C’est qui cette Jayne Dennis ? Pourquoi ça te dit rien ? En même temps, les anciennes mannequins, on peut pas dire que ce soit ta tasse de thé.

Malin comme tu es, tu fais quelques recherches sur les Internets – un peu comme ce que tu as fait avec Arthur Martin…

Et tu découvres un site web, une biographie, des photos… une vie…

 

Sauf que…

Combien de pourcent est vrai si on peut calculer?

Sauf que… Bret Easton Ellis n’a jamais été père, il n’a jamais croisé cette Jayne Dennis… pour la bonne et simple raison que celle-ci n’existe pas !

Ce qui est vrai par contre – sans doute… – c’est la mort de son père et ses propres personnages qui s’invitent parfois dans sa tête.

 

Autant te dire que ce bouquin m’a mis sur le cul.

 

 

 

 

 

*source : Wikipédia

Du côté des salauds

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Le vœu se réalise.

C’est bien beau tout ça.

Mais le plus intéressant c’est l’après.

Tu sais, « après », après la lune de miel,

après l’état de grâce

quand le drame se poursuit,

quand tes œillères sont percées,

quand tu t’aperçois que t’en chies toujours autant.

On va faire quoi ? Ramasser à la pelle les cendres de nos amours fumantes ?

Je lui reproche de jamais être là pour moi.

Non, pas jamais. Mais très peu. Trop peu.

Jamais.

Parce qu’on se voit jamais, tout simplement.

Elle me reproche de toujours faire le pitre.

Non, pas toujours. Mais en soirée. En public.

Toujours.

Parce que ça la gène. Parce que, selon elle, aux yeux des gens je finis par être stupide et que c’est contagieux.

Mais putain ouvre les yeux Marlène ! Je suis toujours comme ça !

Quand on est à deux, rien qu’à deux, le peu de fois qu’on est à deux, je les fais, mes pitreries grotesques !

Les blagues sur les porcs tout gais.

La descente des escaliers.

Le ventre qui chante « Don’t worry be happy ».

Et je te vois sourire, je te vois même rire, parfois ! – aux éclats.

Incompatibles…

Non ?

Ce serait le diagnostic de tous les bons médecins, non ?

Alors une nuit, une énième nuit où tu es pas là,

Je glisse de l’autre côté,

presque par hasard, presque naturellement.

Tu sais, « de l’autre côté », du côté des salauds

quand tu te retrouves dans la chambre tamisée d’une de tes nouvelles potes

quelques verres de blanc dans la tête

Tu la regardes des bulles dans les yeux

flous – folle, jeunesse disparate .

Elle te regarde

proie facile et vulnérable.

« je vais pas te faire un dessin ? »

ce soir tu feras l’affaire

Mais je peux pas, je…

Elle agite un sachet

le coup de grâce.

Tu soupires.

MDMA…

Et puis merde

à quoi bon se retenir ?

Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté,

du côté des salauds,

à part ceux qui ont croqué la pomme jusqu’à en avaler les pépins.

Se retrouver sur son ventre

Sentir sa peau douce

Sniffer à même le nez toute la MD dispersée

jusqu’au dernier grain

coincé dans le cratère de son nombril

parfums d’alcôve

aimer ça

jouer encore

à ces jeux d’adultes – plus ou moins

consentants.

Jouer jouir choir

T’aimer comme ça

malgré ça malgré tout

du côté des salauds.

Hannover Garbsen – Partie 2

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Toujours 3h du mat’, toujours bloqué dans la nuit encre de Chine sur cette putain d’aire d’autoroute Hannover-Garbsen, et avant de me faire interrompre par Monsieur H. et son texte – qui est, de vous à moi, le fruit d’un travail d’orfèvre – j’étais en train de vous raconter comment j’en étais arrivé là.

Donc, il y a tout d’abord Louis et mon « covoiturage spontané », concept que j’ai inventé pour dire que j’ai foiré l’autostop en beauté en acceptant lâchement de me faire véhiculer moyennant finances. Je sais que Camille aurait pas du tout approuvé ça – pour elle le stop c’est « Si tu me fais payer, je monte pas avec toi. » Heureusement, béni soit Kerouac, qui, quand il a sillonné les routes américaines en large et en travers, a dû, parfois, filer quelques dollars pour faire quelques miles.

Louis me dépose sur l’aire de Lipperland Süd sur les coups de 23h. De là il va à Minden, puis il retourne à Essen. Et demain, et les jours suivants, il fera pareil, ce saint impitoyable.

Adios l’ami ! – je lui fais signe quand il démarre – mais il s’en fout. Les bandes blanches et la vitesse l’attendent.

Pause pipi de nouveau – ce serait dommage de me faire dessus sur la route en salissant le cuir d’un siège passager. Pause bouffe – bananes et petits-beurre, et pause café également – jusqu’à Łódź, ça peut être long.

Si je fais le calcul rapidos, je dirais que j’ai déjà encaissé un tiers des 1600 Km qui me séparent de ma destination. Hanovre est à 100 Km, Berlin à 400 Km. Et ensuite Poznań et la Pologne, enfin…

Pancarte

Pancarte

Je stationne devant la station-service Aral. Je réarrange ma pancarte, la réduis de moitié en retirant tous les endroits que j’ai déjà franchi.

 Pas le temps de finir ma clope, un camion rouge s’arrête devant moi. Le chauffeur descend et s’approche : « I can drive you to Hannover.

– Let’s do that ! »

Avec des signes il m’explique que je dois abandonner ma « pancarte de rechange », un carton sur lequel j’ai rien écrit, histoire d’avoir quelque chose sous la main au cas où j’aurais dévié de ma route. Je suis d’abord réticent, puis je me dis que si je dévie, je ferai avec les moyens du bord. Alors il m’aide à mettre mes sacs dans la cabine et on embarque.

Wow un camion – ça faisait un bail

Mon chauffeur, Carshie (?) me propose du Red Bull et du café – sa glacière est à portée de main et la machine à espresso sur le tableau de bord. Il laisse son paquet de clopes à proximité et me fait comprendre que je peux me servir comme je veux. Un ange ! – un ange qui écoute de la musique pop Bulgare – quand je lui pose des questions il baisse le son pour me répondre.

« Ça fait combien de temps que tu es chauffeur routier ?

– 25 ans.

– Qu’est-ce que ton camion transporte ?

– En général, du courrier et des colis. Je bosse pour Fedex. Mais pour l’instant, rien du tout. Je dois récupérer une cargaison à Berlin et la déposer à l’aéroport d’Hanovre, d’où je viens de partir.

– Tu as de la famille, des enfants ?…

– Ouais, j’ai deux filles. L’aînée a 22 ans. Elle fait des études de droit en Bulgarie. La plus jeune a 17 ans, elle est au lycée à Cologne. »

Dans le camion on domine la route en fonçant dans la nuit. C’est très calme, j’ai pas l’impression qu’on dépasse les 100 Km/h. Mais je suis en forme, enthousiaste et bien confortable sur mon siège. Dans la direction opposée, on aperçoit trois accidents – et les embouteillages qui les accompagnent.

Carshie a les muscles saillants, sa peau est parsemée de tatouages. Je l’observe du coin de l’œil – sa route est encore longue mais il sourit. Après ma série de questions il remet la musique à fond. Première fois de ma vie que j’écoute ces airs traditionnels remixés à la sauce électro – de la Tchalga – et figurez vous que je trouve ça génial…

Vers 1h du mat’ Carshie me dépose sur l’aire d’Hannover-Garbsen. Il a l’air vraiment désolé quand il me dit qu’il peut pas m’amener plus loin. Un grand signe, et c’est un autre ange de la route qui s’obscurcit en s’éloignant.

Voilà, je vous ai raconté comment j’en suis arrivé là. Maintenant ça fait deux heures que je poirote comme un con ici. Il fait un peu froid, adossé aux vitres de la station-service, j’enfile mon sweat-shirt. Le mec de la station-service me fixe des yeux – il s’est d’abord méfié de moi, maintenant il me regarde d’un air attendrissant.

Vue de la station-service

Vue de la station-service

Au niveau des pompes, je roule ma bosse et ma clope – oui, on fait avec l’humour qu’on a – seul à 3h du mat’ sur une aire d’autoroute paumée dans un pays qui n’est pas le sien.

L’aire d’autoroute est immense, pourtant aucune voiture s’arrête pour mettre de l’essence – aucune voiture sauf des « microbus » – des espèces de fourgonnettes sans fenêtres qui traversent l’Allemagne et la Pologne, remplies de passagers entassés dedans. Je les vois sortir des véhicules, hagards, fumer des clopes et se dégourdir les jambes pendant que les chauffeurs font le plein. À chaque fois, leur regard se pose sur moi, rempli de regrets – ils pourront pas me véhiculer.

Tant pis… Mon attention – enfin… toute l’attention que je suis capable d’avoir à cette heure avancée de la nuit – s’est reportée ailleurs. Vers une voiture solitaire qui traîne en plein milieu du parking devant le restoroute. Une voiture immatriculée en Pologne – et dedans, qui dort : mon sauveur.

mon sauveur?

mon sauveur?

J’attends qu’une chose, c’est qu’il se réveille. Quand ce sera le cas, il me verra, et là, c’est obligé, il va me prendre et m’emmener direct jusqu’à Łódź. Je le sais, c’est comme ça que ça va se passer.

En attendant, je fais des rondes dans le coin des camions, où je vois les chauffeurs se garer comme ils peuvent, sortir quelques instants pour vérifier leur cargaison, puis rentrer et tirer les rideaux de leur cabine – avant de se reposer quelques heures pour reprendre la route de nouveau.

Ronde de nuit

Ronde de nuit

Je commence à broyer du noir – sévère. Je me sens comme au milieu de nulle part, comme cette fois à Dolna Grupa. Sauf que cette fois pas de Camille, pas de Candy Sweet, pas de Lola, pas de Marlène non plus – je suis seul – désespérément seul. Et traîner là au milieu de ses mastodontes d’acier, ça commence à me faire flipper grave.

Je regarde leur plaque d’immatriculation, à mes camions, et j’essaie de deviner d’où ils viennent et quelles routes les a menés jusqu’ici. Mais ce jeu dure pas bien longtemps – j’angoisse et je commence à avoir sommeil.

Énième pause clope à la station-service à côté des microbus compatissants qui défilent à la chaîne, puis j’entame une énième ronde dans le coin des camions. Mon sauveur là-bas seul dans sa caisse est toujours pas réveillé.

Tout à coup, alors que je suis au bout de la troisième rangée de camions, près de la sortie de l’aire d’autoroute, un vrombissement. Soudain, rapide et violent. Et je vois sa voiture filer à toute berzingue. Putain, mon sauveur vient de se casser !

Le chien !

Je misais tout sur lui.

Qu’est-ce que je vais foutre maintenant bordel ?

Je maugrée toute ma misère en traînant des pieds jusqu’à la station-service, où je m’écoule sur le béton, froid et qui pue l’essence. Faut que j’en fasse mon refuge – parce que si ça se trouve, je partirais pas d’ici avant l’aube.

Mais une bagnole déboule. Une vieille merco-benz blanche – début des années 80 je dirais. Immatriculée 75. Paris ! Un Français ! Alors que je me remets debout, son conducteur se pointe vers moi. Et il me dit un truc – un charabia incompréhensible – du polonais ? « Nie mówię po polsku… » je fais. Alors, dans un français sans faille, il me dit : « Je m’appelle Michał. Je vais jusqu’à Poznań. Si ça te dit, je te dépose par là… »

Bien sûr que ça me dit !

Hop, je grimpe et je fous tout mon barda à l’arrière.

Les sauveurs sont jamais ceux qu’on croit et Michał l’ange met les gaz trace la route direction la Pologne.

Trois voeux

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24 DÉCEMBRE :

 

Cette année encore je rentre au bercail fêter Noël en famille – je connais le topo à force : un Noël froid, glauque et morose à souhait. Mais cette année contrairement aux années précédentes pour y aller je traîne pas des pieds.

Car Marlène m’a écrit ce matin : « Fais un vœu au pied du sapin, Jason [prononcer JASON, à la Française, comme Jason et les Argonautes], il se réalisera l’année prochaine »

Marlène, Marlène l’Allemande – je sais plus comment on est entrés en contact – ça date d’il y a quelques mois déjà. Des mails sans prétention au début. Puis au fur et à mesure, au fil du temps, de longs échanges, des messages plusieurs fois par semaine. Et par ce qu’elle me raconte, ce qu’elle me montre et ce qui transparaît d’elle, je sais déjà que je la trouve fascinante. Peut-être bien que je suis amoureux… Mais je la connais pas ! Je l’ai jamais vue, je sais même pas à quoi elle ressemble ! C’est tout moi ça – je m’imagine des histoires avec des filles qui existent pas. Des chimères… Je pensais que ça m’était passé depuis la fin de l’adolescence, mais tout porte à croire que j’ai replongé. Triste constat – et j’ai pas de sapin au pied duquel je peux faire un vœu.

Je prépare mes affaires, je fourre les cadeaux pour la famille dans un sac de sport. Je soupire – pas sûr que mes parents aient installé un sapin chez eux cette année. Vu l’ambiance qui règne au repas de Noël chaque année – qui est de pire en pire, ils ont sûrement renoncé à se donner cette peine.

Où je vais faire mon voeu, moi? Car j’y tiens! Si Marlène a dit qu’il se réalisera, il se réalisera. Forcément. Alors je sais pas ce qui me prend, je décide de me rendre à pied à la gare. J’habite à l’autre bout de la ville, mais peu importe, j’ai le temps, il fait plutôt beau pour les premiers jours de l’hiver et comme ça je profite de la fièvre de Noël que je retrouverai pas chez les darrons.

Juste devant la gare, un sapin immense. Comme s’il était apparu rien que pour moi. Car j’en mets ma main à couper, il était pas là hier. C’est un signe… Alors je m’étonne moi-même en me mettant à son pied et en émettant un vœu – qui sort de mon esprit le plus naturellement du monde: Je veux être avec Marlène.

Puis j’entre dans la gare en haussant les épaules. Pas sûr que ça marche, mais au moins on aura essayé…

 

03 MARS :

 

Marlène est là tout près de moi. Assise de l’autre côté de la table basse du salon. Si je tends le bras, je peux même la toucher. Incroyable non ? Je me souviens maintenant pourquoi elle m’a contacté il y a quelques mois – elle quittait Leipzig et sa Saxe natale et débarquait dans ma ville, elle voulait avoir des infos sur les choses à faire et les choses à voir. Elle est arrivée il y a un mois à peine. Notre première rencontre a été… bizarre. Bizarre de voir pour la première fois quelqu’un que, par la force des choses, le plus grand des hasards, tu connais déjà beaucoup. La première fois qu’on s’est vu, on s’est beaucoup baladé, dans la vieille ville, autour des remparts, le long du canal. Depuis, on se promène souvent aux mêmes endroits, à la tombée de la nuit. Nos petites habitudes. Parfois, on s’arrête net et on lève les yeux au ciel pour compter les étoiles. Et on parle, on parle… Je m’étonne de sa maîtrise de la langue française. Elle parle presqu’aussi bien français que moi – c’est dire… Une fois je lui ai demandé « Ça fait combien de temps que tu pratiques le français ?

– Trois ans, presque quatre. »

Après six ans d’allemand LV1, je lui arrive même pas à la cheville…

Être à ses côtés m’apaise, comme une longue séance de yoga, dont les effets se font encore ressentir les jours d’après. Je crois que j’ai plus changé en l’espace d’un mois que ces deux dernières années.

Marlène est à côté de moi. Assise de l’autre côté de la table basse du salon. Ce soir, je l’ai invitée à voir un film chez moi. On boit du vin blanc. C’est elle qui sert. La bouteille arrive à sa fin. Alors elle me la tend et dit : « Fais un vœu, Jason ! Et ensuite, souffle vite dans la bouteille pour qu’il se réalise. »

C’est quoi cette connerie ?

« Qui me dit que ça va marcher ? » Je fais.

«  Ça va marcher si tu veux que ça marche ! » Elle rétorque.

« Pourtant le vœu que j’ai fait au pied du sapin, il s’est pas encore réalisé.

– Sois patient. Ça viendra… »

Je suis pas convaincu, mais je m’exécute. Je tiens la bouteille avec précaution, je fais mon vœu, je le pense très fort, j’y crois à fond, je souffle sur la bouteille qui résonne un peu, et avant de la poser sur la table basse je la bouche avec la main pour empêcher mon vœu de s’envoler.

Mon vœu… Un vœu tout simple – impossible : Vivre une grande et belle histoire d’amour avec Marlène.

 

06 AVRIL – hier soir

 

Marlène chez moi une fois encore, tous deux côte à côte autour de la table basse du salon, nos culs posés sur des coussins, on regarde silencieusement deux bougies crépiter et distiller leurs ombres mouvantes sur le plafond. J’ai réaménagé la pièce, ça fait des années que je me dis que je dois changer les meubles de place et je le fais jamais. Par manque de temps ou par fainéantise. Marlène la trouve plus zen. La bouteille de vin est vide. « C’est le moment de faire un vœu ! » elle lance. Elle me tend la bouteille. Je lâche mon vœu dedans. Je souhaite répéter mon deuxième vœu, je souhaite qu’il devienne réalité.

Elle fait son vœu. Puis son léger accent chantant qui me fait flancher me demande : « C’était quoi ton vœu ?

– J’ai pas le droit de te le dire, sinon il va pas se réaliser.

– Qu’est-ce que t’en sais ? »

Pause. À cet instant mon cœur bat la chamade. J’arrive pas à la regarder dans les yeux. Qu’est-ce qu’elle est belle, bordel… Si je m’approche de sa bouche, qu’est-ce qu’il va se passer ? Je l’imagine se lever et fuir de chez moi en courant. Le gros vent. J’ai 14 ans de nouveau.

On se calme… Je suis sur un terrain glissant, faut que j’arrive à me dépêtrer de là. Faut que je garde la tête froide, que je m’en sorte la tête haute.

« Bon OK. Je te dis mon vœu. Mais s’il se réalise pas, tu me files 200 Euros en guise de dédommagement, ça marche ? »

Et je lui tends la main pour qu’elle scelle le deal.

Je suis vil, je suis vénal. Machiavél……..

Elle soupire, balance ma main au loin, attrape mon col de chemise et agrippe ma bouche

 

 

pour y déposer le plus beau et le plus doux des baisers.