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Bachelorette – Acte II

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Quelques mois plus tard.

J’ai toujours 10 ans

Dans ma tête j’ai toujours 10 ans

et un pote de mon frère aîné sonne à la porte.

Ce jour là, faut pas me faire chier

et ce mec s’apprête à me prendre mon frère

jouer avec lui

ou fumer des pétards

alors que moi je suis là

moi j’existe

moi je suis une fontaine de sang

une fontaine d’amours inassouvies et de sanglots ténébreux

et ce mec s’apprête à me prendre mon frère

mais heureusement, mon frère est en train de se préparer

et c’est moi qui me trouve derrière la porte –

c’est moi qui lui ouvre

au mec

lui 1m80

moi haut comme trois pommes

je le toise du regard

les sourcils froncés

comme les méchants dans Dragon Ball Z

encore une émission TV pour laquelle mes frères se chamaillent

et il comprend que je vais pas le laisser faire

JE VAIS PAS LE LAISSER ME PRENDRE MON FRÈRE.

Je claque la porte.

Mon frère déboule dans le couloir d’entrée

il comprend qu’il vient de se passer quelque chose

il me foudroie des yeux

genre ce soir je suis mort

et il ouvre à son pote en s’excusant.

Ce soir je suis mort

mais je m’en fous

je reste là dans le couloir

ce mec, ce barbare grunge

à le toiser du regard.

Alors son 1m80 se penche sur moi

et ce mec il me sourit :

« C’est toi le benjamin de la famille ? »

C’est moi même, mec, et si t’as un problème

je te coupe ta race en deux

Capisce ?

Le mec s’apprète à me prendre mon frère

comme ça, impunément

et il me sourit toujours :

« Tu sais, je sais ce que ça fait »,

il me dit

façon confessions intimes

« je suis aussi le dernier de ma famille. »

Mmm le dernier de la famille

alors que ce mec il a l’âge de mon frère ?

WTF il se fout de ma gueule ?

Mais je t’avais prévenu dans le texte précédent

j’ai 10 ans et je suis un peu con

et j’imagine que les derniers de la famille

ils ont tous plus ou moins 10 ans.

Le mec se mord la lèvre

et continue :

« Aujourd’hui je vais pas te prendre ton frère.

Enfin, si, mais je t’embarque avec nous.

– Quoi ?

– Je crois que t’as compris ce que je veux dire, bonhomme.

Vas voir tes darrons pour avoir leur permission. »

Une fois que j’ai PAS demandé

leur permission à mes darrons –

inutile de les déranger… –

je rejoins ce mec – Arthur

et mon frère qui m’attendent dans la rue.

Arthur et moi on a la pêche,

le sourire jusqu’aux oreilles

Y’a que mon frère, on dirait

qui fait la gueule.

Peut-être que si j’étais moins con je comprendrais pourquoi…

Je suis une fontaine de sang

chaud

bouillant

apaisé.

On déboule chez Arthur

Il me présente à ses darrons

comme il dit.

Pendant ce temps d’autres potes à lui déboulent

les uns après les autres.

La maman d’Arthur a fait des crêpes pour le goûter.

Le papa d’Arthur me montre ses maquettes de voiliers.

Il en possède un vrai, je te jure –

et bientôt, quand Arthur rentrera à l’université,

et quand sa maman sera aussi à la retraite,

ils partiront à deux

un second voyage de noces

faire le tour du monde.

En observant toute la scène,

tout le joyeux dawa qui règne dans cette maison,

je comprends que pour mon frère

la famille d’Arthur c’est la famille idéale.

Il aimerait tant que sa famille – NOTRE famille –

soit pareille.

Une famille NORMALE où les enfants se

battraient pas pour regarder la télé.

Arthur me fout dans une chambre

et me colle devant l’ordi.

Je joue à Quake II

pendant qu’Arthur, mon frère et toute leur bande de grunge

grattouillent sur des guitares plus ou moins sèches

plus ou moins désaccordées.

Et pendant que je joue à Quake II,

elle revient en fond sonore.

Mon Islandaise, ma muse

de porcelaine éternelle.

Et la même chanson

qui tiraille mon cœur

et me fige sur place

glacé et brûlant en même temps.

Je suis une fontaine de sang.

Bois moi, rends moi réel.

Björk m’accompagne tout au long de cette après-midi

J’ai 10 ans et j’ai l’impression

que pour la première fois

on me prend pour ce que je suis vraiment.

Bachelorette – Acte I

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Février 1998. J’ai 10 ans.

Tiens prends toi ça dans les dents.

Mes grands frères sont encore à la maison. On dort dans la même chambre.

Tout en haut de la baraque

sous les toits.

Je suis un peu con.

Fantasque. La tête toujours dans la Lune.

Ou sur Alpha Centauri.

Des fois la nuit – les nuits d’hiver comme hier par exemple – je mens pas encore mais j’ai froid.

Pour me réchauffer je bouge sous la couette.

Ça me réchauffe pas du tout. Ça me refroidit encore plus en fait.

Du coup je réveille mon frère qui dort sur le lit d’à côté.

Pour qu’on échange nos couvertures.

Et le même geste se répète

Plusieurs fois par nuit.

Février 1998. J’ai 10 ans.

Et le soir après manger tous les quatre frangins

on regarde la télé.

Des fois pendant que les images défilent

mon frère aîné me parle du Big Bang et du Big Crunch

des lois de la Thermodynamique et de la Théorie des Cordes

et mes autres frères

captivés par la lucarne

lui disent de fermer sa gueule.

Des fois on est pas d’accord sur la chaîne à regarder.

Moi je dis rien je m’en fous.

Des fois mes frères se chamaillent

pour choisir le programme.

Mais ce soir ils sont calmes.

On est devant Canal +

Nulle Part Ailleurs.

Février 1998. J’ai 10 ans et c’est marrant.

Marrant comme on a tendance à glorifier le passé.

Surtout quand il surgit d’entre les souverêves éthérés.

Février 1998. J’ai 10 ans et je m’en fous.

Mais pas ce soir.

Ce soir il y a une invitée.

Une fille-femme

à la peau de porcelaine

aux cheveux ébène

aux yeux malicieux

et au nom imprononçable

mot compte triple au Scrabble.

Standing Ovation

Interview ( ici  )

Une voix fluette et j’y comprends que dalle.

J’ai 10 ans et je m’en fous

Puis elle se déplace sur la scène

fille-femme tout enrobée dans ses habits rose-mauve

son pantalon noir et ses chaussures à pompon

et elle se met à…………… WOW

Février 1998. J’ai 10 ans

et je découvre les sanglots longs des violons qui accompagnent

Björk

Février 1998. J’ai 10 ans

et je suis une fontaine de sang.

De sang qui gicle et qui s’étale

et mes pages blanches s’écrivent

à mesure que le temps s’écoule

et je suis une fontaine d’amour

Si tu savais…

ô toi qui m’aimeras

ô toi qui m’auras aimé

ô toi qui m’aimeras jamais –

et j’ai la chair de poule

je tremble à l’extérieur

et à l’intérieur je bous

et mon cœur s’emballe

pour la première et la dernière fois

face à l’écran du téléviseur SONY.

ERREUR 404

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Je sais pas vous, mais moi je trouve qu’en ce moment, STuPIDE et CoNTAGIEUX – entre des récits d’autostop à peine intrépides et la description romanesque de paysages désertiques, ne raconte plus grand-chose de vraiment stupide ni de réellement contagieux. Alors faut s’y remettre !

 

Aujourd’hui je vais vous parler d’ERREUR 404.

Kesskecé ?

Pas de suspense insoutenable – levons dès maintenant le voile sur ERREUR 404, le quatuor de rockeurs qui monte qui monte qui monte dans nos contrées.

Reconnaissables entre tous avec leur look de vieux Hipsters tatoués façon malabar goût fraise des bois chimique, leur barbe grandiloquente hirsute et leur collier de tiges de blé noir nouées, J.J (chant et clairon), Art’ (guitalélé), Raf’ (cymbales et grosse caisse) et Igor Vapatrovitch Gonzalez (baguettes et beatbox) se connaissent depuis l’enfance – une enfance passée à courir la jeunesse le long des bidonvilles au charme désuet d’Obies (59) – une période heureuse mais frugale et rustique qui a forgé leur caractère bien trempé – un peu Viking pour les uns, un peu Hun pour les autres.

C’est lors d’un feu de camp/bar mitzvah/rite funéraire païen – préadolescence effarouchée et mèches sur les yeux – que ces quatre garçons dans le vent du nord, tous fans de Boris Vian et des New Kids on the Block, se sont rencontrés pour la première fois. Les panachés et autres légers alcopops aidant, en haut de la colline les langues se sont déliées – « Et si on formait un groupe ? » – la question sonna longtemps dans l’air humide de la plaine – jusqu’au petit matin – comme une évidence chancelante – mais le doute ne planait plus – et c’est ainsi qu’est né le groupe précurseur d’ERREUR 404 – les Gonzatchi – acronyme subtil et éloquent de « Gonzo » et de « mariatchi ».

Après un détour par le bal musette avec des reprises d’Yvette Horner feat. Boy George, puis par le Punk Hardcore Underground Rural (PHUR), le combo nordiste a décidé de passer au rock fort avec tout d’abord HELLO KITTY 69 puis, au tournant des années 2010 – ERREUR 404.

Les caractériser paraît une tache bien ardue pour le parajournaliste néophyte que je suis. Selon leurs propres mots, ERREUR 404 est un mélange entre « Scorpions sous acides » (J.J) et « Kyo à la sauce Nu Metal » (Igor Vapatrovitch Gonzalez) avec « quelques sonorités Beastie Boysiennes » (Art’) et des « samples d’Aznavour de la grande époque » (Raf’).

 

Je vais être clair avec vous – ERREUR 404 c’est d’abord et avant tout :

 

Du gros son qui tache

Des cordes (vocales) qui pètent

Du larsen dans les enceintes

Des bam-bams qui font boum

Des décibels qui déchirent

 

ERREUR 404 en a plein le slip et vous en met plein la tête.

Après quelques tremplins locaux, quelques premières parties de vieux crooners sur le retour et quelques scènes à l’étranger (Mouscron, Steinweiler, Gniew, Riudoms…), après des mois d’errance en Patagonie, ils sont enfin de retour pour dépoussiérer le marché sclérosé et incontinent de la musique légale dématérialisée avec leur premier E.P qui déglingue sa race : « Should I stay or should I milk cows ? » – en écoute en exclusivité dans tous les Intermarchés de France et de Navarre.

mmm… de Navarre uniquement…. Juste celui de Bidache en fait.

 

Un groupe à écouter absolument.

 

Si ce %ùµ*$¨}]@ç de lien veut bien marcher.

Hannover Garbsen – Partie 1

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Mais quand je déclare que je ne sais pas si nous arriverons un jour là-bas (…), un petit môme (…) me lance :

– Vous en faîtes pas, vous arriverez.

Je lui demande comment il le sait. « Non seulement vous arriverez mais encore vous repartirez et vous irez ailleurs. Ah ah ah ! »

– Jack Kerouac – Les anges vagabonds.

3h du matin, enveloppé dans la nuit noire de Chine – sans Lune et sans étoiles – sur l’aire d’autoroute d’Hannover-Garbsen, à quelques kilomètres d’Hanovre, sur l’autoroute A2, qui mène tout droit à Berlin, à 300 Km de là.

Hannover-Garbsen – on est déjà passés par là, avec Camille, lors de nos premières péripéties jusqu’en Pologne, mais on y est pas restés longtemps – juste le temps de se faire déposer, souffler un peu et se faire conduire ailleurs.

Banane

Mes sacs à terre, adossé contre le mur de la station-service, je mange une banane et des petits beurre et je pense aux innombrables fois où j’ai fait du stop jusque là. Je pense à Camille, à notre traversée du désert et à toutes les autres fois où on s’est dit « On y arrivera jamais ». Je pense à toutes les fois où on a fini par y arriver, je pense à toutes celles où on a raté le coche. Si je suis là maintenant, dans la nuit, c’est entre autres pour me prouver que je peux y arriver.

J’ai commencé à lever le pouce vers 16h, sur l’aire d’autoroute d’Assevillers Est, du côté de Péronne, sur l’autoroute du Nord – juste avant qu’elle se sépare entre Lille et Valenciennes. Déposé là par un couple d’amis après la pendaison de crémaillère de Sophie et de Jules.

« Lever le pouce »… en fait j’ai même pas eu le temps de le faire. Dès mon arrivée, je me suis précipité aux chiottes me soulager la vessie – acte essentiel avant chaque Grand Voyage. Et là, alors que je me lave les mains, un gars jette un coup d’œil sur ma pancarte.

« Tu passes par Hanovre ?

– Ouais, c’est sur ma route.

– Je peux te déposer vers Minden. Ça sera 30 EUR. »

Louis – c’est son nom – me montre déjà où se situe Minden sur son smartphone mais je vois très bien où c’est. C’est dans ma direction, c’est pas ça le problème. Le problème c’est que j’ai une pancarte, que je suis parti pour faire du stop, c’est à dire me faire déposer d’un endroit à un autre sans bourse délier. Ça contrecarre l’essence même du projet.

« Mais rien n’est gratuit ici, tu sais… » il me dit.

Bon, je pourrais attendre qu’un conducteur accepte de me prendre dans sa caisse – je suis persuadé que je trouverais bien des gens qui pourraient m’emmener plus loin même – mais j’accepte, un peu lâchement. Tant pis, je me dis, j’en ai rien à carrer, c’est pas du stop, c’est du « covoiturage spontané ». Et puis Minden, c’est au delà de l’imbroglio autoroutier de la Rhur, où il y a tant d’autoroutes qui se concentrent, qui s’enchevêtrent, où j’ai eu terriblement de mal à avancer la dernière fois que j’ai fait le voyage. Partir avec lui, ça va m’éviter toute cette merde.

Je monte dans la voiture – un monospace de sept places. À l’avant Louis et Justin, qui conduisent à tour de rôle. À l’arrière, tandis qu’au deuxième rang somnolent une dame et son gosse, au premier rang avec toutes mes affaires je suis entassé entre deux dames d’un certain âge. Plus tard, j’apprends qu’elles font partie de la famille de Louis. Mais ça les dispense pas de payer le trajet aussi. Rien n’est gratuit ici…

La voiture quitte l’aire d’autoroute, et c’est parti.

Le compteur toujours bloqué à 150, on passe la frontière belge en fin d’après-midi, puis la frontière allemande vers 20h30. Cette route, à force de l’avoir prise dans tous les sens, elle me devient familière. J’aime pas trop l’ambiance dans la caisse. La phrase de Louis « rien n’est gratuit ici » me reste dans la gorge, et puis il parle fort et puis il met la musique à fond. Je discute avec l’une des deux dames à mes côtés. Elle vient du Bénin, alors on parle de Cotonou et du marché de Dantokpa. J’imagine qu’en dix ans, pas mal de trucs ont changé. Pas sûr que je m’y retrouverais si je revenais là-bas.

Le gosse – Jan – s’est réveillé. Il pleure parfois mais le plus souvent il reste sage et attentif. Il gazouille – c’est la vie que je sens en lui, c’est la vie que je finis par ressentir dans cette carcasse de métal – je retrouve mon optimisme.

Justin arpente la Rhur dans tous les sens pour déposer, un à un, les passagers. La dame de Cotonou à Mönchengladbach, l’autre dame, Jan et sa mère à Essen. Sa route à lui se termine là aussi.

Je me retrouve seul dans la voiture avec Louis, qui prend le volant pour la dernière partie du trajet. Je reste toujours méfiant. Je viens de lui filer ses trente boules, j’ai pas envie qu’il me largue comme un malpropre au bord de la route.

« Tu sais à quelle aire d’autoroute tu vas me déposer ? » – je lui pose plusieurs fois la question.

Il finit par s’énerver gentiment : « Non. Mais t’inquiète pas ! Il y en a plein, des aires d’autoroute ici. »

Et il rajoute. « C’est un contrat… Tu m’as donné l’argent. Maintenant je dois remplir ma part du deal, tu comprends ? »

Ouais – je comprends.

Je devrais pas être autant stressé… C’est juste que l’autostop a pas encore fait son œuvre en moi. Au bout de quelques temps, quand tu fais du stop, la route est ton élément, glisser sur le macadam ta seule joie, t’en as plus rien à foutre de savoir où tu vas être déposé, où tu vas et où tu vas dormir ce soir. Mais ça, ça vient pas tout de suite et au début – pendant quelques temps en tout cas, tu angoisses et tu désespères pas mal – avant d’être enfin dans le bain.

Bon, Louis a raison – je dois me détendre. Je respire profondément et je regarde le chapelet de bois autour du rétro intérieur. Je regarde Louis qui parle fort et qui met sa musique à fond – je sais qu’il fait la route Paris-Hanovre plusieurs fois par semaine, par tous temps. J’imagine qu’il en bave, qu’il a dû en voir, des choses pas nettes dans sa vie. Je le vois d’un autre œil, en fin de compte. Je le vois danser la samba, le mambo et la salsa sur son siège, se trémousser, se tortiller, claquer des mains, les yeux rivés sur la route – mélodies latines et africaines à 150 à l’heure au creux de la nuit germanique.

Alors, intérieurement, je remercie ce saint de la route d’avoir posé son regard sur ma pancarte et de m’avoir emmené jusque là.

Et je me trémousse et je claque des mains à mon tour.

Hacienda José

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Je débarque à Zürich avec des tonnes de bagages – mes vingt printemps à peine éclos – période un peu précaire où tu es plus vraiment ado, où tu es pas encore totalement adulte – le temps des métamorphoses. De la gare centrale de Zürich je saute dans le premier S-Bahn ligne 12 direction Brugg AG. C’est qu’une fois posé dans la wagon que je sens à quel point le voyage a été crevant – depuis quelques jours j’arrête pas entre les préparatifs, hier la dernière fête avant le départ, et le vagabondage dans Paris en tirant derrière moi valises sacs et tracas. Mais pas le temps de souffler quelques arrêts et j’y suis – Glanzenberg, Dietikon, dans la vallée de la Limmat. De la gare le plan indique qu’il faut prendre à droite et monter la colline. Je suis dans les parages je le sais, la Urdorferstrasse, mais j’arrive pas à trouver ma destination – jusqu’au moment où elle se dresse, immense, devant moi – ma demeure pour ces quatre prochains mois – la Hacienda José.

Hacienda José

Hacienda José

Un ancien cloître – Sankt Josefsheim – reconverti en coloc gigantesque. J’ai découvert l’endroit grâce à un site de colocations, j’ai tenté le coup et alors que j’y mettais pas un kopek on a accepté de me louer une chambre. « On » : Freddo, le gardien des lieux, le chef de file de toute la coloc, celui qui a le dernier mot lorsqu’il faut prendre des décisions. C’est lui qui m’accueille quand je sonne à la porte, complètement paumé et déboussolé, et qui me fait visiter les lieux.

La coloc – quatre étages, reliés entre eux par des escaliers et même un ascenseur, trois cuisines, cinq salles de bain. Des lieux de vie, des chambres qui se comptent plus, un immense jardin, une salle de répét’ dans la cave, et… une ancienne chapelle reconvertie en salle de concerts. Y habitent une vingtaine de personnes, de tous âges et de tous horizons, que je découvre et fréquente pendant ces quatre mois. Freddo le grand sachem, celui dont le nom figure sur le bail commun, qui a ses appartements au premier avec sa femme et ses deux petites filles. David le punk à qui on la refait pas, sa compagne Rebecca et leur petite Anja. Carla qui est là depuis le tout début – qui fait partie des meubles presque. Margg le steward qui se requinque ici entre deux tours du monde jet-laggués. Marco le père fraîchement divorcé qui se donne du temps pour se reconstruire et tenter d’obtenir la garde de ses gamins. Luigi l’étudiant fêtard qui rentre toujours à pas d’heure totalement décalqué – quand il rentre… Vicky qui bosse à mort et se serre la ceinture avant de repartir pour l’Australie. Lisa et Peter, deux étudiants un peu plus âgés que moi – on dirait que ces deux là se tournent autour – la grande question c’est de savoir si enfin un jour ils se mettront ensemble. Verena, tendre et attentionnée, et son poulain sans étable fixe – une fois elle l’a fait venir brouter dans le jardin histoire de tondre la pelouse de façon écologique – et les autres – plus ou moins arrimés ici, plus ou moins de passage. Tous font l’effort de pas me parler Schwiizerdüütsch – un dialecte à la ramasse auquel malgré toute la volonté du monde j’ai jamais rien compris. Et dans tout ce joyeux bordel, dès le début, un accueil chaleureux, festif presque – comme si j’étais attendu depuis longtemps. Freddo m’explique les règles de vie, puis, avec Carla et Lisa, il m’aide à m’installer. J’occupe deux pièces sous les combles. Mon bureau et ma chambre avec vue sur le jardin et les montagnes au loin.

Tous les jeudis, un vacarme monstre provenant des fondations de la Hacienda. Freddo, David et Margg – quand il est là – envoient du rock fort dans la salle de répét’.

La salle de répét' dans la cave

La salle de répét’ dans la cave

Toutes les semaines, une tâche ménagère est assignée à chacun. Généralement on s’y met à plusieurs, avec Verena et Carla, histoire d’y aller tous en chœur dans la joie et la bonne humeur. Tous les mardis, un rituel – toute la coloc a droit à l’un de mes dessins, s’imprégnant de l’ambiance calme, suave et dézinguée de la Hacienda.

Marionnettes

« N°8 : Marionnettes »
« Le crocodile veut simplement bouffer la grenouille…
« Mais c’est pas une grenouille ni un crocodile! C’est juste des gants! »

N°9 : Suicide dans le jardin

N°9 : Suicide dans le jardin

Tous les premiers dimanches du mois, toute la coloc se réunit autour d’un repas. Histoire de discuter des problèmes rencontrés, des projets à venir, et de prendre des décisions quant aux choses qui doivent l’être et qui nous concernent tous. Ça permet de calmer les tensions, de faire avancer les choses et de pas laisser dépérir l’endroit. C’est comme ça que j’ai exercé mes talents de cuisto avec mes tiramisu, c’est aussi comme ça que je me suis vu proposer de repeindre tout le rez de chaussée, ou que j’ai aidé à mettre en place un coin potager dans le jardin.

Tout le monde s'active dans le jardin

Tout le monde s’active dans le jardin

Tous les mois également, la chapelle se transforme en salle de concerts. Elle accueille un mini-festival de Jazz pour faire concurrence à celui de Montreux, ou de jeunes groupes de rock locaux. Et tous les jours, plein de surprises.

La chapelle

La chapelle

 

Concert de jazz à la Hacienda

Concert de jazz à la Hacienda

Cet endroit, c’est le paradis sur Terre. Mon paradis… Imaginez un peu – le calme, la chaleur humaine, et tous les jours des découvertes luxuriantes. À titre d’exemple, alors que ça faisait trois mois que je vivais là, un truc tout con, j’utilise l’ascenseur pour la première fois. Et c’est là que je remarque qu’il peut m’emmener jusqu’au sous-sol – alors que j’y ai zoné, de temps en temps, au sous-sol, et que j’y ai jamais remarqué une porte d’ascenseur. Alors ni une ni deux, en mode aventurier, j’appuie sur le bouton pour voir où ça va bien pouvoir me mener. Et je découvre – au bout de trois mois ! – tout un pan du sous-sol que je connaissais pas.

Anja, ses boucles d’or, ses grands yeux et ses petits doigts. Tous les matins, je prends mon petit déjeuner avec elle et sa mère. Rebecca dont le ventre s’arrondit de jour en jour – elle a annoncé au dernier repas mensuel qu’elle attend son deuxième marmot. Et Anja du haut de ses un an et demi qui mange délicatement sa compote en faisant attention à pas en foutre partout et qui me regarde, éberluée, m’engloutir mon méga-bol de céréales comme un gros porc. Et Anja qui est tellement habituée à me voir squatter à ses côtés le matin qu’elle m’appelle « Papa ! ». Alors tous les matins je me permets de la corriger : « Non Anja, je ne suis pas ton père. Ton père c’est David, et il est déjà parti au travail. Moi c’est Ben. B.E.N… » Mais rien y fait, ça veut pas rentrer. Le lendemain c’est « Papa ! » toujours – à en devenir un peu gênant – je sais plus où me mettre le jour où elle balance « Papa ! » devant son père en me pointant du doigt… Et Anja, le dernier jour, alors que je fais mes adieux à la Hacienda, je la prends dans les bras, je la soulève, je la fixe des yeux et je lui glisse à l’oreille : « Anja, tu peux pas t’en rendre compte, mais merci d’avoir été là… Tu as été pour moi une rose au Paradis. Je sais pas si je te reverrai un jour, et si jamais je reviens, sans doute que tu te souviendras absolument pas de moi. Alors je voulais dire que je t’aime, Anja, et je te souhaite une belle et longue vie. Prends soin de toi et de tes parents. Adieux. » Et Anja que j’éloigne de moi et alors que je tourne les talons, la gorge remplie d’émotions, Anja qui crie : « Beeeeennnn !!! »

Je quitte la Hacienda alors que son cri résonne encore et que la neige automnale commence déjà à recouvrir les sommets des montagnes pas si lointaines que ça. Je quitte la Hacienda avec mes valises et mes sacs. Je quitte la Hacienda je vacille et je tremble. Car j’y laisse une partie de moi – Anja, David, Freddo, Marco, Lisa, Margg, Peter, Verena et les autres.

Je quitte mon Paradis – métamorphosé. Maintenant que je l’ai savouré, je sais ce qu’il me reste à faire. Je dois tourner la page et avancer – devenir adulte, l’accepter, enfin – t’es peut-être coriace, mais la vie, le temps qui passe, ils sont plus forts que toi tu sais ? Ça sert à rien de t’accrocher mon grand…

Je quitte mon Paradis, et dans le train du retour, contre la fenêtre, jusqu’à Paris, je pleure en silence.

Commandante

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Ce soir c’est mardi et comme tous les mardis, c’est soirée Karaoké au resto Soleil – un bar populo sympa qui fait des pizzas et des bières pas cher. J’ai une histoire particulière avec cet endroit. C’est là où il y a un peu plus d’un an je me suis pété le pied en dansant du rock avec Camille. Je sais pas ce qui nous a pris ce soir là, on a commencé à se trémousser pendant que deux filles braillaient au micro Rock around the Clock – elles chantaient complètement faux mais on s’en foutait nous ce qu’on voulait c’était bouger peu importe comment. Alors on a dansé – j’ai pris Camille par la taille, je l’ai faite tournoyer, l’ai récupérée au bond – hop, déhanché du feu de dieu et je m’apprêtais à la mener vers moi pour la faire valser encore une fois quand je me suis appuyé de tout mon poids sur le côté du pied – et là ça s’est passé très vite, j’ai entendu un craquement suivi d’une vive douleur. J’étais incapable de poser le pied à terre et je me suis écroulé comme une merde sur le sol dégueulasse en plein milieu des gens. Camille m’a regardé chuter lamentablement, elle m’a aidé à me relever et d’un air dont je me souviendrais toute ma vie – genre « Allez, une petite chute c’est pas bien grave B.Howl tu as connu pire ! » – elle m’a lancé « Je te prends une bière ? ». J’ai acquiescé évidemment, je lui ai même souri alors que les traits de mon visages se tordaient de douleur et je l’ai attendue debout le pied en l’air accoudé à un tabouret. Une fois nos bières bues on est sortis dehors pour s’en fumer une. C’est dans le froid de la rue que la douleur s’est renforcée – une douleur ancrée, permanente – c’est là que j’ai compris que je pourrai pas marcher de sitôt. Alors Camille a appelé un taxi et on est rentrés chez elle. Le lendemain, la douleur avait toujours pas disparue alors je suis allé aux urgences et quelques heures plus tard le verdict est tombé – pied foulé – trois semaines de béquilles à la Docteur House et une démarche encore plus chaloupée.

Ce soir c’est mardi et c’est la première fois que je retourne au Resto Soleil depuis ces événements, accompagné de Candy la sweet Candy et de ses potes. À l’entrée on se commande des pizzas et des bières et on se dirige dans l’arrière salle où le karaoké à lieu. L’animateur fait les derniers réglages. Il est marrant et aime bien titiller les gens qui osent chanter. Premier arrivé premier servi alors on indique vite nos noms sur la feuille de l’ordre de passage avec les chansons qu’on va faire. Les lieux se remplissent peu à peu, nos pizzas arrivent on les déguste en écoutant les têtes brûlées qui inaugurent la soirée. On se marre beaucoup en entendant les voix qui crient de façon insupportable dans les micros. Candy me dit que ça fait longtemps qu’elle a pas fait de karaoké. Elle est née et a vécu une grande partie de sa vie en Équateur, « Là-bas j’en faisais souvent » elle me dit et j’ai du mal à discerner le soupçon de nostalgie qu’il y a dans ses yeux.

Des filles braillent de la variété française – les mêmes filles que l’année dernière – elles chantent toujours aussi faux et squattent le micro trop souvent à mon goût – je soupire la salle désemplie pas et je comprends pas pourquoi les gens restent dans ces moments là – ils devraient fuir, se barrer le plus loin possible pour plus les entendre et préserver leur santé auditive. Peut-être qu’ils sont comme nous – le bien-être de leurs oreilles peut bien être sacrifié ce soir sur l’autel du spectacle que les brailleuses nous offrent. Je termine ma bière c’est mon tour. « B.Howl va vous interpréter Le Chanteur » lance l’animateur en me filant le micro. Le Chanteur… un rituel, histoire de bien échauffer la voix.

Après j’enchaîne sur Comme elle vient et Where did you sleep last night – entrecoupé par les brailleuses qui font leur show. Puis vient le tour de Candy. Elle termine son mojito et s’apprête à prendre le micro. Mais elle est interrompu dans son geste – car soudain quelqu’un déboule dans la salle et gueule : « HUGO CHÁVEZ VIENT DE MOURIR ! HUGO CHÁVEZ VIENT DE MOURIR !! » Et là des murmures des cris des discussions à foison – on savait que le dirigeant Vénézuelien était à l’hôpital, mais personne semblait s’y attendre. « D’où tu sais ça ? » on demande ici et là – « La radio », « La télé », « Sur le téléphone » – ça va très vite – Caracas est à 8000 Km pourtant l’info a déjà fait le tour du monde et le tour du resto soleil – une info brute de décoffrage et je récolte les réactions à chaud – certains ici comme un seul homme se lèvent dans la masse, le poing levé. On dirait que pour eux – plus que pour le Venezuela peut-être – une page se tourne. « ¡Viva la revolución! » on entend.

L’animateur veut reprendre la main sur sa soirée karaoké. « Et maintenant Candy va vous interpréter Hasta Siempre ! » – bon ben c’est raté…

Alors que des gens scandent encore ¡Viva la revolución! Candy se met à chanter – la salle est en feu l’ambiance est électrique Hugo Chávez vient de mourir et la chanson vient à point nommé on dirait – comme si c’était prémédité comme si Candy savait comme si elle avait eu l’info avant tout le monde – mais non c’est impossible – « Je voulais juste chanter un truc en espagnol, un truc pas trop relou. » Alors elle entame le refrain c’est la première fois que je l’entends parler espagnol, Candy, je suis surpris par le timbre de sa voix – tellement différent – c’est aussi la première fois que je l’entends chanter aussi je crois bien. Et elle envoie du lourd :

 

Aquí se queda la clara
La entrañable transparencia
De tu querida presencia
Comandante Che Guevara

 

Même celles et ceux qui s’en calent de la mort de Chávez sont touchés par la voix de Candy… Même moi. Surtout moi. J’en reste scotché, à la fixer des yeux, cette grâce équatorienne – à m’en retourner les tripes. Du moins, jusqu’à ce qu’une meuf totalement bourrée pire que bourrée même s’empare du deuxième micro et décide de chanter avec elle. Là, ça devient terrible. Catastrophique.

Ce soir c’est mardi. Mardi 5 mars 2013 et Hugo Chávez est mort et Candy vient de chanter Hasta Siempre. Ça fait déjà beaucoup pour une seule soirée.

 

The House of Rising Sun

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Le 13 mai 2012 – un dimanche je me  souviens – je rentre de Bruxelles – anniversaire d’un pote. Le genre de soirées où tu finis par dormir le bide à l’air dans un canap’ plein de confetti.

À pied je fais le chemin de la gare à chez moi – il est 13h j’ai rien à faire, il fait beau, le soleil est au zénith. Et dans les rues de Lille quasi-désertes je traîne mon ombre derrière moi. Le soleil m’éblouit et j’ai une vision.

Une vision divine. Un truc tout con. Un ukulélé. Moi, renvoyé de l’école de musique il y a plus ou moins quinze ans – rebelle avant l’âge de l’être – tout ça parce que j’ai pas le sens du rythme – je me vois jouer de l’ukulélé

Trois jours après, je m’achète l’instrument. Une sorte de guitare de poche à quatre cordes qui sonne super-exotique.

Sur les Internets je trouve quelques tablatures – des moreaux simples à jouer. Le premier soir je sais déjà jouer quelques trucs. Plus les jours passent, plus j’apprends, plus je connais de chansons et plus je me vois faire carrière dans la musique. Quelque chose de grand. Le concert au Stade de France est à portée de main. À moi les tournées, les roadies, les groupies en furie et les partouzes post-concerts hallucinées. Presque célèbre.

Mouais, bon, t’emballes pas mon p’tit B.Howl… faut apprendre d’abord.

Hop je te fais l’air de joyeux anniversaire, je te fais Le Lion est mort ce soir, je te fais d’autres trucs comme ça – c’est la première fois que c’est aussi concret je te jure, le stade de France au bout des doigts…

Et puis je finis un peu par me lasser – je m’aperçois que l’ukulélé, c’est bien, mais au bout d’un moment, quand on prend pas le temps de rentrer dans les subtilités, c’est assez…limité… En gros pour faire court il y a que quatre accords principaux. À toi de les mélanger pour que ça se fasse passer pour une mélodie connue. Mais un jour, subtil ou pas, c’est la révélation – j’apprends à jouer The House of Rising Sun.

Tu peux pas t’imaginer comment je me reconnais dans cette chanson. Comme si j’étais plongé dans des souvenirs que j’ai pas vécus. Le Rising Sun qui m’éblouit comme m’a ébloui cette vision de l’ukulélé le 13/05/2012 non pas à la Nouvelle Orléans mais dans le Vieux Lille. Et cette mère tailleuse de jean tout comme la mienne rapiéçait mes frocs quand j’étais môme – et mon père un silencieux, un observateur, un gambling man. Et ces vieux cartons dans mes armoires qu’est-ce qu’ils contiennent à part les boulets du passé…

Alors j’emporte mon instrument en tournée en road-trip en autostop en Pologne – comme tu le sais déjà. Prêt à le dégainer n’importe où n’importe quand. Question de survie.

Je me souviens de Gdańsk – Camille et moi. À Stoczna Gdańska. Juste devant les chantiers navals. Devant le monument de commémoration. Un étrange sentiment me submerge – mélange de deuil, de devoir de mémoire et d’espoir. Et l’envie de boire un truc.

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Il est 17h, on se pose au Wydział Remontowy Klub Muzyczny. Le pub est désert, seuls deux gars de l’autre côté du bar.

Déjà bourrés.

Ou encore bourrés.

Des ouvriers des chantiers qui ont fini leur journée. L’un d’eux a une guitare. L’autre pousse la chansonnette. Mmm vu les airs qu’ils jouent, je crois qu’ils vont bientôt se mettre à faire The House of Rising Sun. Mes doigts tremblent. J’ai mon ukulélé à portée de main. Ça manque pas. Ils commencent la mélodie en polonais. Hop je prends mon précieux instrument, je fais les accords. La mineur, do, ré, fa, la mineur, do, mi septième. Soudain ils me regardent, hochent la tête en rythme, s’interrompent et s’approchent de moi. Et on joue la chanson ensemble – moitié en polonais moitié en anglais, polyglottes, Dom Wschodzącego Słońcaà la guitare et à l’uké. Splendide. À tel point qu’une fois la chanson finie ils nous paient des coups à Camille et à moi et on rigole tous ensemble à en avoir la tête qui tourne à force de faire teinter nos verres.

 

Ailleurs, quelques jours plus tard… Toujours Camille et moi, à Cracovie cette fois, et plus exactement à Kazimierz – ancien quartier juif, maintenant néo-bobo, branchouille à la coule. Ça a pas mal changé depuis la première fois que j’y suis allé, il y a huit ans… Au coin de la Stradomska et de la Jósefa Dietla une maison me fascine. Sa couleur d’abord – teintes sombres qui s’accordent avec le ciel mais qui dénotent avec les murs jaunâtres des bâtiments alentours. Et puis sa taille, sa majestuosité, ses colonnes, ses rebords de fenêtres. Je la prends en photo de l’autre côté de la rue tellement elle s’accroche à moi. Et c’est avec regret que je dois me détourner d’elle et continuer mon chemin.

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Cracovie toujours – le jour d’après. Avec Camille on se dore la pilule. C’est le premier jour de l’automne et on est allongés dans l’herbe au beau milieu du parc Jordan, pénards, doigts de pied en éventail, à se la dorloter au soleil. Il doit faire 23°C dehors – un ciel bleu magnifique sans nuages – le jardin d’Eden.

On attend le gars qui nous héberge ce soir. Krzysztof il s’appelle. Il débarque dans la vapeur de la fin d’après-midi. Un petit jeunot tout frêle blond les yeux bleus-blancs aux joues glabres – c’est un artiste je le devine tout de suite – un poète – même si ça a aucun rapport avec ses études d’informatique. Et par le plus grand des hasards, c’est son anniversaire aujourd’hui. On traverse toute la ville. Krzysztof habite à Kazimierz. Avant d’aller poser nos sacs chez lui on dévalise une supérette pour fêter dignement son anniversaire. « Voilà, c’est là », il nous fait en ouvrant la porte d’entrée de son immeuble.

Son immeuble – incroyable – c’est cette immense baraque que j’ai prise en photo hier – la baraque qui avait rien à faire dans cette rue – qui écrase tous les autres bâtiments du coin. Krzysztof explique qu’il vient d’emménager, qu’il est obligé de s’éclairer à la bougie et qu’il a presque pas de meubles. Au deuxième étage on entre et on débarque dans un large couloir. En plein milieu dans l’obscurité se dresse un frigo – au fond un caddie. La chambre de Krzysztof : une frêle penderie en métal, deux matelas, un fauteuil presque disloqué, une table d’appoint Ikea modèle Lack sur laquelle est posée une bouteille de bière vide qui fait office de chandelier. Règne ici une ambiance glauque, quasi-sordide – mais pourtant tout à fait chaleureuse. Autour d’un café-clope on fait connaissance. Le soir s’amorce quand on sort pour essayer la junk food typiquement polonaise – on va à Nowy Plac et on mange des Zapiekanki – des sortes de demi-baguettes nappées gratinées de plein d’ingrédients au choix et à la tête du client dévoreur. Là Kasia nous rejoint – une jolie petite bouille blonde – la meilleure amie de Krzysztof – très attentionnée – une fois revenus dans son appart’ elle sort des bouteilles et aussi un petit gâteau avec une bougie. Krzysztof souffle dessus en faisant un vœu. On chante « Sto lat! » en chœur. Krzysztof nous raconte que la semaine prochaine un de ses postes artistes va exposer dans sa chambre – une sorte de vernissage – alors on discute art contemporain, voyages et poésies. Au bout d’un moment je joue Joyeux Anniversaire à l’Ukulélé puis j’enchaîne sur The House of Rising Sun évidemment. Alors Krzysztof me tient par la main « Viens voir » il me dit et il me fait sortir dans le couloir. « The House of Rising Sun, c’est chez moi ! » En effet c’est écrit sur la porte. L’appart’ de Krzysztof, un ancien lupanar…

Kasia doit s’en aller – prendre le dernier train pour rentrer chez elle – et c’est Sonia qui la relaie au chevet des dix-neuf ans de Krzysztof. Un ou deux verres de vodka – c’est bon, ils sont morts et enterrés et on est sûr qu’ils ne reviendront plus. Krzysztof a 20 ans et on est quatre à se boire des vodka-bières dans sa piaule presque nue.

Deux heures du mat’ – Sonia repart chez elle, Camille va se coucher. Krzysztof et moi on termine nos verres et on refait nos mondes jusqu’à pas d’heure, jusqu’à ce que Morphée ait pitié de nous.

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Au réveil scène de ruines et de désolation. Cire froide sur le sol jonché de mégots bouteilles de bières et de vodka plus ou moins vides cendriers remplis matelas sans dessus-dessous – chambre de camés chambre de damnés – mais dieu qu’elle a du charme, cette House of rising Sun !

Le Festival de Jazz de Montreux

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Rouge.

Sang.

Rouge sang.

Rouge sang rouge sang sang rouge

Ça se voit ça se fige dans la rétine et dans la tête et ça résonne comme une horloge.

Cet été là j’ai vingt ans je suis en stage pendant quelques mois en Suisse dans une asso – pas la peine de rentrer dans les détails ici. Je touche une gratification, même pas un salaire – une misère. Je vis dans une coloc hallucinante et géniale – il faudrait que je touche deux trois mots là dessus  – peut-être, un jour, une autre fois… Mes papilles se délectent de la bouffe du coin – des Rösti ! – et j’y capte rien au dialecte local, le suisse-allemand, « Schweizer-deutsch » – ici ça se dit « Schwiizedüütsch », « salut » se dit « Grüezi » alors imagine des mots différents, des mots de tous les jours – je nage dans le pâté. Mais c’est pas grave.

C’est con, mais le premier réflexe que j’ai eu en arrivant ici c’est de chercher s’il y avait des Français dans les parages – je sais pas d’où vient cette idée de vouloir trouver, en ses quelques compatriotes plus ou moins paumés comme toi à l’étranger – des « expat’ », une sorte de foyer merveilleux. Je suis tombé sur un forum sur le site de la Maison des Français à l’Étranger. Et sur des gens qui – comme moi – se demandaient ce qu’ils foutaient là de l’autre côté du Lac Léman.

On s’est rencontrés, un soir, on a bu quelques verres, on a fait les présentations. On vient tous d’horizons, de milieux sociaux différents. Il y a Luc qui bosse à la Bourse, Nathan qui est chez Microsoft, Fred qui est dans le nucléaire, Élise qui fait un stage chez Ernst & Young, et Catherine qui… qui fait quoi d’ailleurs ?

Je crois qu’elle même ne sait pas. Elle nous raconte qu’elle est en dernière année d’école de commerce. Genre le truc où elle a dû sortir de sa campagne et s’endetter sur trente ans pour pouvoir y rentrer et assumer financièrement chaque année universitaire. À Zürich elle avait commencé un stage – dans la Finance what else ? – et elle a dû rentrer chez ses parents en urgence. Puis elle est revenue ici je sais pas pour quelles raisons. Ce qui est sûr c’est que son stage est pas validé – son stage de fin d’études – donc son année est pas validée, donc si elle arrête c’est ses études qui sont pas validées – et que sa timidité – un handicap – cache une bonne grosse remise en question.

Je sais pas qui a proposé cette idée de tous s’embarquer ce soir pour Montreux où se déroule actuellement le festival de jazz.

Moi, du haut de mes vingt piges, j’y connais foutrement rien au jazz – tu noteras d’ailleurs que pour l’instant, j’y mets même pas une majuscule – alors le festival de jazz de Montreux, ça me passe carrément au dessus de la tête. Par contre tu sais que quand une occasion se présente de vagabonder n’importe où, je suis le premier à sauter dessus.

Et nous voilà dans la voiture de fonction de Nathan. Mercedes classe E. Qui vient tout juste de sortir de l’usine. Un rêve de gosse pour des gens comme lui. Sa boîte lui paie l’essence et tous les six mois il a une bagnole toute neuve – de cette même trempe, évidemment.

Élise a pas pu nous accompagner ce samedi soir. Elle est repartie à Lyon rejoindre son copain pour le week-end. Fred Luc et Nathan discutent boulot et projets. Catherine reste silencieuse – comme absente, éteinte. Et je me tais, je contemple la route comme d’habitude quand je suis en voiture. Les enceintes Dolby Surround Digital 5.1 Méga-stereo-de-la-mort-qui-tue diffusent Macy Gray – I try – et je pense à ma copine de l’époque – à des milliers de kilomètres de cette petite route vallonnée qui nous amène à Montreux.

Des embouteillages à l’entrée de la ville, et un calvaire pour se garer. Mais on y est arrivé. On est là dans un parc. Autour de nous des belles gens – toutes endimanchées, en costard chemises ou robes de soirées. Avec mon accoutrement je suis le seul zoulou du coin. Il fait bon ce soir. Une douce chaleur d’un soir de juillet nous enveloppe. Ciel rosé du début d’une courte nuit d’été. On entend au loin quelques concerts. Mais ils sont payants, et les entrées sont chères. Ou ils sont gratuits, mais complets depuis belle lurette.

Luc nous offre un verre de vin glacé. J’apprécie ce noble geste de sa part. Il sait que je suis ric-rac niveau thunes, que je peux pas me permettre d’avoir le même niveau de vie que lui – qui habite dans un appart’ de 120m² avec terrasse juste au dessus de la bourse – mais il fait tout pour me mettre à l’aise avec ça – il me traite comme si j’étais l’égal d’eux. Catherine nous suit, la bouche définitivement close, refuse d’un petit geste le verre que Nathan lui propose – son regard est désespérément vide.

On s’approche d’une scène. Il est vingt-deux heures. Il y aura un concert bien – et on est aux premières loges.

Rouge.

Rouge sang.

J’entends le son rouge sang des saxos, des cymbales qui sont pas encore arrivés.

Les belles gens commencent à arriver, on s’agglutine autour de nous pour pouvoir assister à la performance musicale qui aura lieu bientôt.

Je termine mon gobelet de vin d’un trait.

Rouge sang. Aux premières loges.

Les dernières lueurs du soir.

Et soudain…

Juste devant nous, à même pas deux mètres rouge sang un homme sort une lame la lame fend l’air et fend son voisin au ventre et au visage.

Rouge sang sang rouge qui jaillit de l’arcade sourcilière du type comme l’eau d’un geyser et qui gicle sur nos têtes et nos chemises. Et une grosse ligne sanguinolente, droite, tracée sur son torse de manière quasi-chirugicale.

Rouge sang et sans attendre l’auteur des faits comme dirait la police court s’enfuit s’échappe disparaît dans la foule doggy doggy dog qui s’amasse qui panique. Pssschh – volatilisé.

Quant à l’autre gars, le blessé, il ne l’est que légèrement. Ses jours ne sont pas en danger comme dirait la police.

On se regarde tous. Choqués. Le regard aussi vide que celui de Catherine. Puis on reprend nos esprits. Peu à peu. On veut plus traîner là. Tant pis pour le concert – que le jazz l’emporte. On veut rentrer. C’est tout ce qui nous importe.

Routes sinueuses.

Les phares de la merco dans la nuit rouge sang.

Courbes de l’asphalte giclées de sang plein les vêtements.

Tous les cinq dans la caisse. I try qui repasse. Odeur de cuir trop propre de l’habitacle. Odeur de soufre/sang séché aussi – coincé dans les narines. Pas un pet, pas une mouche qui passe – un silence assourdissant. Et à côté de moi Catherine que je sens trembler.

Soudain elle panique le visage blême elle se met à se tortiller fouille dans sa poche et en ressort un flacon de gélules. Des gélules rouge sang. Vite elle en avale une – ou deux ou trois ou tout ce qu’elle peut gober le flacon qu’elle secoue fait des bruits de shaker – ensuite elle me regarde elle sait que je l’observe « Pour pouvoir dormir » elle dit comme pour clore le débat. Je me tais je détourne le regard et à travers la vitre je me prends les phares des voitures d’en face dans la gueule ils éclairent mon front moite et quelques gouttelettes brunes de sang séché qui n’est pas le mien.

Nathan nous dépose tous à la gare centrale de Zürich. On se dit des « Bonne nuit » fragiles et chacun part dans sa direction – l’air le plus normal possible comme s’il s’était rien passé.

Il se trouve que je retrouve Catherine sur le quai. Je suis juste à côté d’elle mais elle me voit pas. Elle regarde en l’air vers les néons – visage inexpressif, sang séché sur les cheveux qui les colle et les entremêle.

Je la vois monter dans un train rouge sang.

Je vois le train s’éloigner. J’attends le mien de train. J’ai besoin d’une bière, d’un alcool fort ou d’une douche au minimum pour m’enlever de la bouche ce putain de goût de sang rouge sang amer et dégueulasse. Et dans le maelström de mes pensées il est clair à présent que le train qui vient de s’éloigner – le train dans lequel Catherine est montée – légère comme une ombre – presqu’invisible –

 

ce train ne va pas dans la direction de chez elle.

 

Le Bunker

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J’entre dans le bunker.

Attends attends pourquoi tu me parles de bunker ? Tu vas trop vite mec c’est pas comme ça qu’on débute une histoire – ben c’est comment alors ? – il est où le contexte ?

OK voilà le contexte : je rends visite à ma pote Katrin pour le week-end. On s’est connus au lycée, ça commence à remonter maintenant, depuis on s’est revus quelques fois mais c’est surtout par lettres qu’on garde le contact. Elle écrit les siennes sur du papier fleuri, au stylo-plume, écriture précise soignée et aérée. J’aime beaucoup recevoir des lettres de sa part. Maintenant Katrin habite Freiburg. Je profite de ces quelques jours de vacances pour lui rendre visite. C’est bon maintenant t’es content tu l’as ton contexte ?

Freiburg… la ville est jolie mais je m’en cale un peu. Je suis pas venu là pour faire du tourisme mais pour revoir Katrin. J’arrête pas de la regarder discrètement depuis qu’elle m’a cueilli à l’arrivée de mon train – qu’est-ce qu’elle a changé c’est fou… Je la trouve grandie, c’est sûr – grandiose… mais un peu fatiguée aussi, des cernes sous les yeux – une Apache.

On arrive chez elle. Katrin vit dans une coloc à deux pas de la fac, avec quatre étudiants comme elle. L’appart’ est grand et un peu en bordel. Je pose mes affaires dans sa chambre, Katrin m’annonce qu’il y a des gens qui vont passer ici pour l’apéro et qu’ensuite on va aller à une fête. « OK » je dis – même si je visualise pas encore l’immensité de la soirée qui s’offre à moi.

L’appart’ se remplit peu à peu – le stock de boissons lui ne désemplit pas. Un des colocs de Katrin s’est barricadé dans sa chambre. C’est à peine s’il m’a salué tout à l’heure quand je me suis présenté à lui : « J’ai trop fêté hier, mec » – il a lâché – les yeux dans le vague, la langue encore pâteuse. Je peux comprendre…

Dans la salle de bain – tapis de bain en pilou-pilou faux gazon vert pomme. Une pancarte « Only for Quickies ». Je trouve ça fun et le savon sent bon. Je fais des allers-retours balcon/cuisine. Clopes et p’tit punchs dans ma gueule. Je discute avec des gens – les prénoms m’échappent dès qu’ils sont prononcés. Katrin me lance parfois des regards veut savoir si je m’intègre bien si je passe une bonne soirée. Ouais ouais te fais pas de soucis. Souvent les gens viennent vers moi et me demandent : « Mais d’où tu viens petit Français ? Comment tu as connu Katrin ? » Les gobelets en plastique s’entrechoquent et je leur raconte à chaque fois une version différente… Dehors la nuit s’étiole et les gens refont leurs mondes dans les vapeurs alcoolisées. À l’intérieur ça gueule et ça se la joue en musique. Je plains les voisins et le coloc de Katrin qui voudrait juste pioncer bordel.

Minuit passé. Je sais pas qui émet l’idée fumeuse furieuse de « Et si on bougeait ? » C’est vrai – l’apéro aurait dû être fini depuis longtemps – mais là les saladiers – sangria et p’tit punch – sont vides et les bouteilles de Pils des cadavres empilés en vrac dans le couloir. Donc – allez on se bouge !

Et on marche dans les rues de Freiburg la nuit. En chantant à tue-tête pour certains. En marchant à pas chassés ou à cloche-pied pour d’autres. À côte de nous sur la grand-route des voitures filent vers d’autres soirées – peut-être moins tumultueuses que la nôtre mais je peux pas encore l’imaginer.

« C’est là…

– Quoi ? »

On vient de s’arrêter à une intersection paumée et un gars me dit que la suite, c’est là que ça se passe. Je veux bien mais… y’a que dalle… Katrin me fixe des yeux, comme pour dire : ta gueule et suis nous.

Caché derrière des arbres, un chemin. Des gens sur les côtés, à terre, assis ou couchés même pour certains, blousons de cuir et guenilles dans la boue, packs de bières ou vodkas Lidl jamais bien loin. Forte odeur de beuh enivrante. Et déjà des caissons de basse qui doucement font trembler la terre. Et devant nous, dressé contre vents et marées – un bunker. Le lieu de notre perdition.

Voilà. Merde. Ça commence.

On pénètre dans l’endroit. Escalier fendu, humide et ruisselant parfois. Du genre à te casser la gueule au moindre pas que tu fais. Rien à voir avec une boîte de nuit bling-bling. Du lichen sur l’amer béton. Dans la pénombre un mec à crête avec un énorme anneau à l’arcade droite prêt à envoyer valser les boulets et les opportunistes. J’ai l’impression que le groupe se disperse. Je sais pas où sont les autres je crois que j’ai perdu Katrin. Je contemple seul cette nana en face qui le regard suave et scintillant se fait piercer à l’arrache le bas de la nuque. Guerrière rebelle. Sons de marteaux piqueurs. Scies à métaux. Traces de sang sur les murs. Perceuses éclectiques. Grincements de dents. Giclements non-identifiés. Tags à gogo. Le vaste couloir se sépare en deux salles. Ambiance plutôt reggae à droite, plutôt punk à gauche. Ou vice et versa.

Bam Bam.

La déchéance sur la piste de danse. Plus de rêves plus de rêves nous sommes ce que nous faisons.

¡Madre mía! J’ai l’impression de me retrouver dans le générique de Tracks. Wow des gens tout bleus à six heures. Bleu flashy. Joyeux lurons – ils ont dû manger des schtroumpfs. Un semblant de bar là-bas – où tu te sers toi-même de la pression en fût. Aime ton prochain jusqu’à la dernière goutte rampe sur ton prochain comme y’en a deux qui le font en se frottant mutuellement. Décadence virevoltante. Lumière tamisée au fond – des couples s’enlacent – rythmes ralentis, éloge de la chair. Un gars derrière moi – visiteur du soir : « Mais pourquoi tu portes des lunettes de soleil ? » Réponse : « Mes lunettes de vue sont pétées alors je me la pète. » Petit souci en effet ce matin au réveil. Un de mes verre correcteurs a fugué le con, mes lunettes sont inutilisables et les seules lunettes à ma vue sont des lunettes de soleil.

Les chiottes. Odeur de souffre. Passage obligé. Et quand j’y passe ça me fait penser à ça :

Les WC les plus pourris d’Allemagne. On est que des tas de merde, au fond… des crottes qui flottent qui perdent pas espoir. Je les asperge d’urine jusqu’à se qu’elles coulent une à une. Bataille navale du stade anal. Et pendant que j’essaie désespérément de me laver les mains après la petite commission des mecs penchés sur le sèche-mains qui a rendu l’âme dans les années 1970 – l’un d’eux relève la tête, renifle, ses yeux éberlués me fixent à travers mes verres sombres : « Tu veux essayer ?

– C’est quoi ? » je fais.

« Du speed. »

Je refuse.  Pas besoin de ça. Je suis déjà suffisamment à la (ra)masse comme ça. Et comme un prince je sors de ces chiottes caverneuses de ce bunker glauque et étincelant et je retrouve le grand air.

Au seuil du bunker nuit brumeuse cette nuit encore pas d’étoiles dans le ciel.

On est définitivement perdus.