Étiquette : Jules

  • Un séjour parisien

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    Dans le nord de Paris

    chez Candy Sweet et Marla

    je fais genre

    le gendre idéal –

    la vaisselle et je laisse tout

    tout propre derrière moi.

    Balade aux airs du soir

    autour du lac d’Enghien

    des bières dans la main.

    La vie ici

    si loin si proche

    du stress parisien.

    Candy va à Lille l’an prochain.

    Je l’attends de pied ferme.

    Ça va être la java

    ça va être le souk.

    On va brûler, brûler, brûler

    pareils aux fabuleux feux jaunes des chandelles romaines.

     

    Plus tard à la campagne

    chez Sophie et Jules

    le ciel est dégagé

    loin des lumières

    de la ville-lumière

    tout va à vau l’eau à Vaux le Vicomte.

    La légende raconte qu’ils vont bientôt se marier.

    La même légende que celle des contes de fées

    que Sophie finissait par ne plus croire

    et à laquelle elle a toujours aspiré.

    Je suis crevé

    je rêve de Marlène

    ses yeux de tigre

    ses lèvres douces –

    Elle et moi courons main dans la main dans les herbes vertes de la prairie.

    Le matin quand je lève les volets

    en calbute

    je me vois ma bite

    comme la grosse aiguille d’une horloge grandiloquente

    genre hôtel de ville.

    Tic tac tic tac tic

    L’horloge baudelairienne –

    Memento mori

    et toutes ces conneries car moi

    je revis.

     

    Je réapparais à Paris

    du côté de chez Sam

    qui m’a laissé les clés avant de partir.

    Je squatte chez lui

    je saccage tout –

    Attila – là où il passe même l’herbe trépasse.

    Je range tout derrière moi

    mais ma venue laisse quelques traces

    un DVD laissé en plan

    et une multiprise démantibulée.

     

    Paris Gare du Nord

    je suis cerné.

    Contrôle de police

    rien à déclarer

    je me fais tâter

    de la tête aux pieds.

     

    Dans le train qui me ramène

    sur le siège d’à côté

    une fille se met à pleurer

    « Peine de cœur ? »

    je demande pas

    et la fille répond pas non plus

    même quand je lui propose un mouchoir.

     

    Et c’est la fin.

    La nuit tombe.

    Je suis rentré.

    Dehors des pétards claquent.

    C’est le 14 juillet.

  • Le monde a changé

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    Il fut une époque où je sortais pas les poubelles. À la place, je foutais tous les sacs plastiques plein de déchets dans le vide-ordures, je les compressais au max et je bourrinais sur le vide-ordures jusqu’à ce qu’ils tombent cinq étages plus bas. Autant vous dire que ça faisait un raffut du tonnerre. Surtout quand je faisais ça le matin dès le réveil.

    Maintenant le monde a changé et toutes les semaines je descends mes poubelles – bon petit citoyen propret et respectueux de ses voisins.

     

    Il fut une époque où pour la douche je ne jurais que par le savon de Marseille – même pour les cheveux. Un jour je suis allé chez le coiffeur et qu’il a vu ça, il a dû mettre des gants. À force, une fine couche de savon s’était amassé sur mon crâne et étouffait mon cuir chevelu.

    Maintenant le monde a changé et je suis pas réveillé tant que j’ai pas pris ma petite douche – avec gel douche shampoing et tout le toutim – faut que ça frotte, faut que ça mousse.

     

    Il fut une époque où j’avais l’impression de squatter chez des gens – tant bien même je payais ma part du loyer. Des bobos-écolos – les pires – du genre à éteindre le chauffage en plein hiver – du genre ère glacière. Du coup je me réveillais souvent vers quatre heures du mat’ – peau transie, tremblante, bleutée – des stalactites de morve gelée qui me pendent au nez.

    Maintenant le monde a changé et ici dans ma chambre le soleil me tape sur la gueule tous les matins, je contemple ébloui le ciel qui se drape de couleurs magnifiques pour me saluer et me presser de me bouger le cul, et le soir la lune et sa mer de la tranquillité qui dit qu’elle veillera toujours sur moi.

     

    Il fut une époque où j’aimais bien monter à Paname pour le week-end – rien que pour squatter chez Sophie dans son appart’ haussmannien vers Saint Germain les Près – et écumer avec elle – plus ou moins célibataires, plus ou moins fauchés – les sushis-bars flamboyants et les boîtes de jazz feutrées – à la recherche de gens pour nous payer à boire, ou plus si affinités.

    Maintenant le monde a changé et quand je veux rendre visite à Sophie au fin fond de sa campagne, je dois monter à Paris, descendre à Montparnasse, ensuite prendre le RER puis le bus et enfin son jules doit venir en caisse me récupérer au terminus.

     

    Il fut une époque où, deux fois par an, Marcelline et Diya prenaient possession de ma balustrade et y faisaient leur nid. J’avais l’honneur d’être le premier être humain à assister aux premiers battements d’ailes – bruyants – de leur progéniture. Jules et Verne, Marco et Polo, et Ken – le survivant. Et toute la troupe se cassait de là – du jour au lendemain, sans prévenir, en laissant derrière eux tout leur bordel, toutes leurs merdes de sales pigeons voyageurs.

    Maintenant le monde a changé et Marcelline et Diya ne font que passer mais ne se posent plus. Elles ont sans doute peur de Pat’ et Séb’, mes deux poissons noirs qui du fond de leur bocal les toisent de leurs yeux globuleux.

     

    Il fut une époque où je bourlinguais avec Camille – 3600 kilomètres sur la route, le pouce levé, le sourire aux lèvres – faire le tour de la Pologne dans la frivolité la plus débridée.

    Maintenant le monde a changé et Camille ne m’accompagne plus. La vie, ses routes, ses déviations et ses détours ont eu raison de nous.

     

    Maintenant je regarde la lune immense et pâle qui me sourit, je regarde les horaires du prochain bus direction chez Sophie, je regarde Marcelline et Diya roucouler au loin sur les toits, je regarde mes pancartes – vestiges de la Route Polonaise – érigées au rang d’objet d’art ou de collection, je regarde mon gel douche à la pomme, je regarde la poubelle presque pleine – je regarde tout ça par le prisme des souverêves.

    Alors j’enfile mes charentaises et je descends mes déchets dans le local poubelles de l’immeuble.

     

    Paraît qu’on appelle ça l’évolution.