Marco quitte la salle des douches et fait ses premiers pas dans la piscine. Il arbore un large sourire et lève les bras au ciel:
-YES ! J’ai franchi la première étape : me foutre à poil, prendre ma douche et arriver jusqu’ ici. Franchement, je l’ai fait les doigts dans le nez ! (Il joint le geste aux mots).
J’aime son sens de l’humour. De tous ses traits de caractère, celui-ci est le plus remarquable. C’est un gai luron qui trouve toujours une occasion de rire.
Il traverse le bassin en apnée avant de refaire surface à son extrémité.
« -Elle est bonne ! J’ me suis plus baigné dans une eau aussi chaude depuis mon excursion aux Thermes de Budapest…
Le thermomètre indique 42 °.
-T’ as été aux Thermes de Budapest ?
–Oui, Monsieur !
-Tu sais qu’ tu fais un bel enfoiré ?
Marco riposte avec une réplique aux accents de vérité universelle :
-Mec… Le monde se divise en deux catégories : ceux qui voyagent pour découvrir la beauté du monde, et ceux qui restent en place. Moi, je voyage…
-Marco, c’est beau comme une citation c’ que tu viens de dire… Tu sais quoi ? J’en n’ai rien à branler !
-Oh !
Dans son regard, je découvre l’étonnement. En fait, je l’ai profondément surpris à jouer son propre jeu : le sarcasme. Je suis d’ habitude respectueux et enclin à prendre les choses à cœur, mais là, j’avais envie de m’amuser…
-Ah ! Ah ! T’es trop fort mec !
Il me tourne le dos, prend appui sur le rebord du bassin et se dirige vers l’extérieur :
-Tu viens ? On va les tester ces saunas ?!
Je lui emboîte le pas.
La Villa Aqua est un établissement réputé à Ostende. C’est un espace entièrement consacré à la tranquillité et au bien-être. Sa particularité est d’accueillir un public exclusivement naturiste.
Quelques jours avant cette virée, Marco m’a passé un coup de fil au cours duquel il m’a proposé de passer un week-end ensemble… Ayant découvert l’existence de la Villa Aqua à la même période, je lui ai suggéré d’y aller. Naturellement ouvert d’esprit et amateur d’expériences « insolites », il m’a suivi.
Nous quittons la surface couverte du complexe et allons dehors, dans le jardin, agréablement dessiné et peuplé de sculptures du style de « L’Homme qui marche » de Giaccometti, auxquelles nous prêtons à peine attention…
Nous longeons un bosquet et découvrons, cachée derrière, une piscine d’eau de mer. Marco profite qu’elle soit inoccupée : il s’élance, pousse un puissant cri et fait une bombe.
Je le rejoins, sans l’imiter pour autant…
L’endroit est vraiment beau et paisible et la sensation de nager nu, très agréable. Je me laisse aller et rêvasse. Je ne suis qu’en Belgique, à 50 kilomètres de chez moi et pourtant, je me sens tellement dépaysé ! En France, nous avons peu de structures naturistes à l’image de celle-ci. Nous fustigeons cette pratique que nous voyons comme le loisir privilégié des pervers et des voyeuristes. En Belgique, rien de tel. Les autres naturistes nous rejoignent dans le bassin et nous saluent cordialement. Il n’y a entre nous aucune attitude malsaine, juste du respect.
Nous quittons le bain et nous dirigeons vers les différents saunas. Nous les essayons tous : le sauna finlandais en bois de bouleau, le sauna infrarouge, le sauna zen, le sauna traditionnel… Après une douche rafraîchissante et revigorante, nous prolongeons notre transpiration en allant dans un hammam aromatisé à l’huile essentielle d’eucalyptus… Que du bonheur !
En quittant les lieux, je me permets un brin d’humour :
-Marco, tu sais que t’as un cul tout rose et salement poilu ? On dirait un postérieur de macaque !
-Non mais… Tu t’es regardé, l’imberbe ? Ah ! Ah !
Entre potes, pas de tabous…
La chaleur du sauna et du hammam nous détend à un tel point qu’après nous être installés dans les transats, nous sombrons dans le sommeil.
Réveillés par la fraîcheur de l’air, nous décidons d’aller manger. Le restaurant de la Villa Aqua est d’allure très contemporaine avec un design épuré et des couleurs froides.
J’avale d’un trait mon verre de thé glacé avant de me jeter sur mes pennes aux tomates séchées et copeaux de parmesan.
Marco engloutit sa portion de moules-frites tout en dégustant une bière brune.
A un moment donné, de la sauce à base de crème fraîche qui accompagne ses moules dégouline sur son torse velu… Il passe son doigt dessus et le lèche goulument en me fixant dans les yeux :
-Mon petit gars… Je parie que cette image de la sauce blanche sur mon torse va rester gravée dans ta mémoire et te faire fantasmer à jamais…
-Ah ! Ah ! Que t’es con !
Le lendemain, au retour, dans le tram qui nous mène d’Ostende à la frontière française, je lui demande quel souvenir il gardera de cette virée.
Il ne me répond pas tout de suite : son regard semble se perdre dans l’immensité des plages que nous longeons.
-… La beauté et la sérénité de l’endroit… Et toi ?
-Moi ? Ta bite qui fait du YO-YO !
-Hein ?!
-Quand tu as couru avant de faire une bombe dans la piscine hier, ta bite rebondissait et donnait l’impression de faire du YO-YO !
-Vicieux ! Tu crois que le fait qu’on soit potes depuis 13 ans t’autorise à contempler ma bite ? J’hallucine ! ».
Il n’empêche qu’après avoir regagné chacun nos pénates, il m’a envoyé ce message sur mon téléphone portable :
« Super Week end en ta compani ! A refair ! T’inkiète, Cé San rancune pour « la bite qui fait du YoYO ». J’t’embras sur la fesse gauch ! A+ ».
De quoi m’endormir rassuré…