Archives par étiquette : Camille

Mon prochain voyage

Share Button

Début 2015 – à peine remis du nouvel an, un soir – ou une nuit, comme vous voulez… – avant de tomber dans les bras de Morphée j’erre et je pagaie pénard dans mon lit king-size. Je me dis que ça fait un bail que j’ai pas pris de vacances. Des vraies vacances, je veux dire, ce qui veut dire partir loin – si possible à l’étranger – quitter la routine du quotidien et vagabonder dans les ailleurs aux sonorités différentes.

Bon, d’accord… C’est pas que je commence à tourner en rond, hein, mais… Où aller ? En plus les nuits sont longues, il fait froid – moi j’ai besoin de SOLEIL ! – Histoire de me rafraîchir les idées… Et si je partais, disons en février, disons dans le sud de l’Espagne ? L’Andalousie !

Arf, j’imagine déjà Cordou, Grenade, l’Alhambra – et les doux rayons du soleil qui tapent sur ma peau… – car j’imagine que le soleil pointe le bout de son nez, là-bas, hiver ou pas, contrairement à ce qui s’est passé dans ce putain de désert où je me suis retrouvé, gelé de la tête aux pieds, avec les vêtements d’été que j’avais emportés parce que j’avais cru bien faire.

Et je m’endors, enthousiaste à mort.

Le jour d’après le réveil sonne, j’ouvre les yeux – et alors que mes paupières sont à demi-ouvertes – ou encore à demi-closes, comme vous voulez – une vision m’apparaît. Une vision – un peu comme celle que j’ai eue avec mon ukulélé. Une vision – juste un nom, en neuf lettres majuscules : LJUBLJANA.

Ljubljana, une vision… – il en faut pas beaucoup plus pour me dire que c’est là que le destin veut que je vienne passer mes prochaines vacances.

Ljubljana – la « Petite Venise » : pourquoi ce nom, cette ville m’apparaissent et résonnent en moi de bon matin ? C’est vrai qu’il y a quelques mois, j’ai accueilli chez moi deux nanas, des Slovènes, pendant deux nuits – bien sympa au demeurant – elles m’ont parlé de Ljubljana, bien sûr, elles m’ont parlé de ses charmes et de la nature environnante – mais à part ça, j’ai strictement AUCUNE IDÉE de la raison pour laquelle cette ville m’apparaît en flash ce matin là.

C’est écrit, c’est tout.

Le soir même au café je bois un verre pénard avec Camille. Les voyages, ça nous connaît, avec nos 4000 Km parcourus en stop ! Je lui expose tout de go mon idée de partir pour la Slovénie et de visiter sans savoir trop pourquoi Ljubljana. « Ah c’est super », elle me fait, « tu pourras prendre un vol direct et passer un gros week-end là-bas ! »

Ouais, ouais, c’est super, mais moi, un gros week-end ça suffit pas, j’ai besoin de partir une semaine minimum. Je sais que la ville en elle-même, elle est pas trop grande et deux trois jours suffisent pour y faire le tour et bien l’explorer.

Et là tout s’enchaîne dans ma tête – comme si c’était écrit : les lettres du mot Ljubljana qui sont apparues devant mes yeux matinaux, le fait d’être assis avec Camille, avec qui j’ai partagé tant de lifts…

Ljubljana, c’est en AUTO-STOP que je vais y aller.

L’année dernière, j’étais pourtant parti en stop à Łódź en me disant sincèrement que ce serait ma dernière fois, que je m’étais prouvé ce que j’avais à me prouver, que j’avais désormais tourné la page et qu’il était temps que je passe à autre chose.

Mais à chaque fois que je suis en voiture sur l’autoroute, quand ma tête est collée au carreau embué et que je contemple les paysages qui défilent, ou dès que je passe à côté d’une aire d’autoroute, je peux pas m’empêcher de me souvenir de tout ça, de la route, et je ressens comme un appel.

C’est pas fini.

Alors que je discute avec Camille, cet enchaînement se fait très vite dans mon esprit – bien plus vite que le temps qu’il vous a fallu pour lire les trois derniers paragraphes – ça fuse dans tous les sens, mais l’idée de l’auto-stop est lancée comme une évidence, comme si c’était prévu depuis le début.

Le pire, c’est qu’à l’instant où j’en parle à Camille, je sais même pas la distance qui me sépare de Ljubljana, ni quel chemin prendre pour y arriver.

La réponse à cette question, je l’ai quand je rentre chez moi et que je squatte fiévreusement Google Maps. 1400 Km, même pas. Du gâteau après Łódź. En plus, aucune ville m’intéresse sur le trajet. Une fois que je serai lancé sur l’autoroute, j’irai gaiement de station-service en station-service, et ce sera relativement facile d’accoster les véhicules pour demander à leur conducteur/conductrice s’il/si elle accepte un lift. Car, comme tout auto-stoppeur le sait – ou le découvre, les deux trucs les plus difficiles en stop, c’est 1) sortir d’une ville, et 2) rentrer dans une ville.

Bref, je pense qu’il faudra compter deux jours pour y aller.

Pour des tas de raisons, je dois décaler mes congés. Moi qui pensais prendre une semaine en février pour aller profiter d’un temps clément en Europe du Sud, j’ai finalement la possibilité de partir la première semaine d’avril – et ça m’arrange doublement : les jours rallongent de plus en plus, et il fera de moins en moins froid. Traduire: lever le pouce sera plus facile, et je serai visible plus longtemps.

Les jours passent, et j’imagine la pancarte que je vais fabriquer pour le trajet. Est-ce que je vais faire la liste de tous les endroits par lesquels je vais passer pour atteindre Ljubljana – comme j’avais fait pour Łódź – ou est-ce que je vais seulement afficher SLOVENIJA – LJUBLJANA et ensuite, advienne que pourra et vogue, vogue la galère ?

Il y a quelques jours je discute avec un collègue – je lui raconte mes plans pour Ljubljana – car forcément, plus les jours passent, et plus je suis fébrile à l’approche du départ. Je m’aperçois alors que même si j’y arrive en stop, je passerai là-bas beaucoup plus de temps que les deux trois jours qui seraient selon moi nécessaires pour visiter la ville. Ok, je peux bien sûr explorer Ljubljana en profondeur, aller dans les faubourgs, dans la campagne ou dans la forêt slovènes – et en profiter un peu aussi pour me reposer. Mais je peux aussi – pourquoi pas soyons fous ! – pousser le stop plus loin… 600 Km plus au sud – Jusqu’à SARAJEVO !

J’ai toujours rêvé de poser le pied à Sarajevo. Me demandez pas pourquoi… Simplement, pour moi il y a deux villes en Europe qui symbolisent le XXème ciel : Berlin et Sarajevo. Ces deux villes ont connu la folie et l’horreur des hommes, tous les courants, tous les tourments. Elles ont été bousculées, tiraillées, défigurées, mais aussi unies… l’Europe…

Berlin, j’y suis déjà allé quelques fois.

Alors ce sera Sarajevo.

En passant par Ljubljana.

En auto-stop.

On verra bien.

Berlin Berlin – Partie 2

Share Button

Et 30 minutes plus tard, Camille est parée pour l’aventure. On marche un peu dans Moabit. Le quartier me dit quelque chose… mais quoi… ?

Moabit

Moabit

Surtout cette rue là-bas… Putain ! C’est la rue où habitait Julius ! Cette nuit, j’ai dormi à deux rues d’écart de l’endroit où j’avais passé ma toute première nuit Berlinoise !

Je comprends désormais la raison pour laquelle l’agencement de l’appart’ de Jens me rappelait quelque chose : Julius vivait – vit toujours ? – dans un appart’ semblable…

Berlin Berlin – facétieuse Berlin.

Tu caches bien ton jeu, tu me donnes des frissons et tu joues des tours à ma mémoire – car le problème dans tout ça, tu sais, Berlin Berlin, c’est que j’aimerais bien revoir mon ancien corres, j’aimerais bien savoir ce qu’il devient, ou même s’il habite encore ici, mais je suis incapable de me souvenir du numéro de l’immeuble de Julius – et bien sûr, pour ne rien arranger à l’affaire, dans sa rue, et dans ma mémoire après 13 années, tous les immeubles se ressemblent.

Berlin Berlin – actes manqués qui déchirent mes entrailles.

Ces regrets de ne pas avoir pu me mesurer au passé me collent un air maussade, heureusement Camille me fait changer d’horizon. On empreinte le métro, on descend à Kleistpark par hasard et on finit par arriver au cimetière de Sankt Mathäus – vas savoir ce qu’on fout là… – où les frères Grimm sont enterrés.

"T'es allé voir quoi à Berlin? - Les tombes des frères Grimm..."

« T’es allé voir quoi à Berlin?
– Les tombes des frères Grimm… »

Beau patchwork de couleurs – une palette allant du vert foncé des feuilles au gris-noir du macadam humide – et des raies de soleil qui frappent le sol dans les allées quasi-désertes.

Mais tout va vite, très vite – et peu après, nous voilà dans un Lidl où on fait escale pour faire nos provisions.

Camille : « Les Allemands sont capables de dépenser des millions pour des voitures mais niveau bouffe ils achètent de la merde. » – et les saucisses impérissables enturbannées dans du cellophane qui s’étalent entre les melons et les yaourts lui donnent raison.

La journée est déjà bien avancée – il est 14h – et on doit en profiter à fond, parce que demain on lève déjà le camp direction Poznań

On va à l’ancien aéroport de Tempelhof – créé par les nazis et rendu ensuite célèbre par le pont aérien lors du blocus soviétique de 1948-49. Maintenant c’est un grand parc – les gens ont pris possession du terrain mais on sent que la ville est en train de récupérer tout ça, de le réorganiser pour pas perdre la main dessus.

Tempelhof

Tempelhof

Tempelhof

Tempelhof

Berlin Berlin je soupire – j’ai l’impression que tu es encore cool pour quelques années mais ça a déjà atteint son Hauptpunkt (1) et son déclin est déjà amorcé niveau fuck it up et dynamisme. Tes squatts – enfin ceux qui ont pas fermé – ne sont plus que des vieilles reliques et ta contre-culture bouillonnante qu’on trouvait à chaque coin de rue il y a 12 ans est plus qu’un souvenir – pas si lointain, OK, mais un souvenir quand même.

Les boîtes de nuit alternatives – Jens me l’a dit ce matin – la GEMA, cette pute, elle a augmenté les taxes que ces discothèques peuvent plus se permettre de payer – du coup elles ferment une après l’autre et les clubbers se cassent à Tel Aviv.

Kreuzberg

Kreuzberg

À Kreuzberg on se mange un kebab-dürüm fait maison on a de la farine plein les doigts.  Et ensuite c’est reparti – on marche, on marche, on arrête pas de marcher entre usines bizarres et quartier boboïsé. On se fait tirer nos portraits en noir et blanc dans un photomaton de hipsters.

Photoausgabe in 5 Minuten

Photoausgabe in 5 Minuten

Plus tard, quand on aura fini tout notre périple, je me dis que ces portraits de nous, ils seront aussi cultes que celui de Marty Mc Fly et du Doc dans Retour Vers le Futur III.

On passe sur un pont de la Spree – L’Oberbaumbrücke – où des scènes du film Lola rennt ont été tournées.

U-Bahn und Oberbaumbrücke

U-Bahn und Oberbaumbrücke

Lola Rennt!

Lola Rennt!

Et on arpente le Mur du côté de la East-Side Gallery – Mur coloré, peint, tellement vu et revu qu’il est inutile de décrire – mais désormais, les œuvres d’art sont presque toutes taguées et dégueulasses.

On culpabilise un peu que Jens soit pas avec nous. Mais il révise, ou il est au lac et il est désormais trop tard pour qu’on puisse le rejoindre. On prend le tram à Ostbahnhof, direction Alexanderplatz où on pose en panoramique devant l’horloge universelle Urania et autour de la Fernsehturm.

Du haut de la Fernsehturm, j’ai la preuve que tout a changé. Les grues – celles dont le nombre il y a 12 ans symbolisait la vitalité de la ville – sont beaucoup plus clairsemées.

Berlin, Berlin…

Où est ta frénésie ?

Elle est partie

À Tel-Aviv ou ailleurs ?

On marche vers le Rotes Rathaus, puis vers la Gedächtniskirche.

Usé, hein, sale rouge à lèvres de catin qui a perdu ses attraits flamboyants !

On prend le métro jusqu’à Rosa Luxemburg Platz. Prenzlauer Berg est très bourgeois – on se perd dans un cour d’anciennes usines reconverties en bar et boîtes. On boit quelques bières – de la Hefe Weissen et je ne me souviens plus si on prend un Jägermeister – Bah quoi ? Faut bien me consoler, Berlin – cette fois ci, tu m’as pas transcendé ! J’irai la trouver ailleurs, la leçon de vie que j’attendais ! Sur des routes craquelées ou entre les jambes charnues ou félines d’une belle de nuit – peu importe, Berlin, je peux partir ou te tromper – ton charme est rompu.

Fini de diverger, le métro Berlinois nous dépose à Turmstraße – sans rancune et au plaisir ! – de là on rentre chez Jens et ses colocs, et le sommeil me happe – Berlin, à quoi bon rester éveillé des nuits entières si tu proposes rien ?

Quand je me réveille, pareil qu’hier, Jens est en train de se préparer le petit déj. Plus précisément, il découpe en lamelle des kiwis et des bananes et se les verse dans un bol qui remplit avec du fromage blanc et du Müsli.

Son iPod est branché sur les enceintes.

Dans deux heures Camille et moi on lève le camp.

Dans deux heures on se casse, Berlin. Mais écoute, Berlin, écoute : dans les enceintes de la cuisine de chez Jens la chanson qui passe c’est la même qu’hier et c’est celle-là :

Jeunesse disparate.

Je pensais que tu allais me déflorer une deuxième fois, Berlin, comme tu l’avais fait dans ma jeunesse.

Jeunesse disparate, ouais.

Mais pour me déflorer une seconde fois, faudra que je parte faire mon éducation

ailleurs.

________________________________________

(1) paroxysme

Berlin Berlin – Partie 1

Share Button

Berlin, Berlin

J’ai été amoureux de toi,

j’en été amoureux en toi –

Berlin Berlin

plusieurs fois…

Et désormais je suis perdu.

Berlin Berlin tu m’as ouvert les yeux cette fois là, et j’ai compris à 13 ans le corps et l’âme – bouleversés – que je ratais l’essentiel, je me défilais face à la vie qui défilait devant moi, qui s’étalait, et j’étais trop con pour la croquer, cette putain.

Berlin Berlin où tout courait, vrombissait, tournoyait, craquait, s’élevait, se bousculait aux sons méta-jazziques des cadors d’antan.

Berlin Berlin, qu’es-tu devenue ?

Que suis-je devenu ?

Pourquoi ton charme n’agit plus ?

Berlin Berlin…

On déboule Camille et moi à Berlin Berlin dans une nuit sans étoiles de mi-septembre. C’est un déménageur Breton – je te jure ! – Michel, qui nous prend en lift à l’entrée du Ring et pour les 20 derniers kilomètres, dans un camion Hertz qu’il a loué.

Berlin Berlin première escale de notre périple en auto-stop jusqu’en Pologne. Je te raconte pas l’état dans lequel on est : ça fait 36h qu’on a pas dormi – ou si peu – 2h dans un abri-bus entre 3 et 5h du mat’ la veille à Dortmund, puis une heure au bord d’un champ entre Dortmund et Unna entre 9 et 10h.

En tout donc, même pas 1000km, 15 chauffeurs et 36h de route dont 12h à tournoyer à la sortie de Dortmund pour finir par revenir au même spot – et des rencontres et situations bien zarbos – notamment Roman, l’Ukrainien qui transporte des trucs un peu chelous entre l’Italie et son pays, des Turcs qui nous prennent sur quelques kilomètres à 5h du mat’ à la fin de leur soirée et qui trouvent rien de mieux à faire que de nous filer des baklavas pour nous donner du courage, et un gars totalement ravagé qui a pas hésité à faire demi-tour au milieu d’une route nationale – heureusement à ce moment là peu fréquentée – pour nous prendre alors qu’on était coincés à un spot pourri où on pensait qu’aucune voiture ne pourrait s’arrêter. Le mec en question, musique techno à fond de balle, nous dit que Unna, sa ville, « c’est pas dangereux, parce qu’il y a pas beaucoup d’étrangers », envisage de nous déposer sur l’autoroute, puis finit par nous dropper dans un coin louche de la zone industrielle de Unna qui se trouve – par chance – se situer juste derrière une aire d’autoroute.

Dans son camion Hertz, Michel nous raconte qu’il déménage, il retourne en France parce qu’il vivait à Berlin Berlin avec sa copine, mais depuis qu’elle l’a quitté, il a plus rien à foutre ici.

C’est sur ces paroles que, même si je suis submergé par le sommeil, je fronce les sourcils : dans mon souverêve, Berlin, il y avait tellement de trucs à faire, à découvrir, que tu étais obligé d’y rester, même seul et abandonné de tous.

Il est minuit quand Michel nous dépose à Moabit, juste en face de là où habite Jens, le gars qui nous héberge Camille et moi pour les deux nuits qu’on reste sur place, avant de reprendre la route et de s’attaquer à la Pologne.

On lui fait signe, mais le camion Hertz est déjà loin sur la Turmstraße – demain, Michel doit être en forme pour entasser ses dernières affaires dans le camion Hertz et conclure ainsi sa trépidante et délicate vie Berlinoise.

On perd pas le nord et on sonne chez Jens. Il est là, il nous attend : « Montez ! » il nous dit à l’interphone dans un français assez maîtrisé. En arrivant chez lui, on lui offre le reste des baklavas plus très frais, on se fait une vieille soupe en sachet qui traînait au fond de nos sacs et on discute un peu. Après ses exams, Jens part à Tel Aviv : « C’est là que la fête a lieu !

– Quoi ? » je fais, « et Berlin alors ?

– Quatsch… » (1)

Berlin, la place numéro un de la fête, remplacée par une ville israélienne sans prétention ? OK, autre signe que pas mal de choses ont changé depuis 12 ans…

Il est tard, Jens est déjà en pyjama et il semble aussi crevé que nous, alors Camille et moi on se décrasse un peu – on pue quand même l’essence, le macadam et l’air pas très vivifiant des autoroutes – et on va se coucher.

Berlin Berlin

Ma première nuit Berlinoise depuis 12 ans.

Ma première nuit Berlinoise est courte – je me réveille à 4h – le bruit désagréable des bagnoles et du chemin qu’on a parcouru jusque là comme un Ohrwurm (2) dans les oreilles.

Ma nuit Berlinoise est courte et j’observe la ville depuis la fenêtre de la chambre. Berlin Berlin à l’aube d’un nouveau jour.

Je contemple l’appartement – son agencement me rappelle quelque chose. Mais quoi ?

Je pousse un soupir et je me rendors tant bien que mal.

À 9h, j’entends Jens qui se réveille et se dirige vers la cuisine. Je sors des draps et je viens à sa rencontre. Il se fait un petit déj’ et en prépare un pour ses colocs. On discute un peu des choses qu’il y a à faire dans le coin, des trucs à visiter que j’aurais pas déjà vus ou faits il y a 12 ans.

Son iPod branché sur les enceintes passe une musique. Mais j’ai pas le temps de dégainer mon carnet et un stylo pour me souvenir de hein quoi qu’est-ce ? – qu’il a déjà repris son iBidule et s’apprête à partir à la fac pour réviser ses exams. « Peut-être que ce soir, on ira nager dans un lac si ça vous dit ?

– Peut-être, j’en parlerai à Camille et on te tiendra au courant par téléphone.

– Ça marche. Bonne journée. Profitez bien. »

Je me douche, je profite encore de la cafetière Senseo de Jens puis je retourne dans la chambre.

Berlin Berlin– un nouveau jour et Camille qui dort à poings fermés, je sens qu’elle est partie pour nous faire une grasse mat’. J’essaie tant bien que mal de la secouer. Au bout de cinq minutes d’une bataille d’oreillers farouche avec son corps inerte, elle commence enfin a lever les paupières.

« Alleeeeez Camille, Yalla!, on a d’autres chats à fouetter. Et à Berlin, de jour comme de nuit, les chats sont multicolores.

Enfin, je crois…

Enfin, il y a 12 ans, il étaient multicolores… »

À suivre…

__________________________________________________________

1) Ici, pourrait se traduire par « Sornette! » ou « N’importe quoi! »

2) littéralement, « ver d’oreille », quand on a une musique qui reste en tête

Walden Pond

Share Button

What you get by achieving your goals is not as important as what you become by achieving your goals.
Henry David Thoreau

La première fois que j’ai entendu parler de Walden, ou plutôt que j’ai vu ce nom inscrit, c’était dans On the Road, de Jack Kerouac – le manuscrit original – dans l’un des innombrables textes en préface je crois. Une phrase du genre « Jack Kerouac poursuit la quête du retour à un état sauvage/naturel/de liberté totale, des grands écrivains américains au premier rang desquels figurent Jack London et son Martin Eden ou David Henry Thoreau et son Walden »
À moins que ce soit dans un bouquin de survie – comme « L’apocalypse sans douleurs – mon guide pratique pour réussir sa fin du monde », qui cite Thoreau, j’imagine, pour montrer comment on peut survivre plus de deux ans dans les bois.
Ça peut être, aussi et sans doute, une découverte fortuite, faite en sautant d’hyperlien en hyperlien au fils de mes pérégrinations dans la toile d’araignée mondiale.

 

Walden… J’ai acheté le bouquin. Il était destiné à être mon livre de chevet quand j’ai voulu faire l’expérience de jeûner et de méditer pendant trois jours. Je voulais évacuer les mauvaises ondes, éliminer les toxines, partir loin, faire un voyage intérieur. Le problème c’est que je me suis mal préparé. J’ai bien jeûné, mais j’ai pas vraiment réussi à trouver la paix ou peu importe ce que je pensais chercher. Et je me suis servi du bouquin pour rompre le jeûne et faire mon premier repas. À un moment Thoreau décrit comment il fait son propre pain. J’ai voulu faire pareil – j’avais de la farine et de l’eau, le problème c’était que j’avais pas de levure et que mon four marchait pas. Du coup j’ai mangé une sorte de pâte à sel pas cuite saupoudrée de sucre et de cannelle. Man VS Wild – je crois que Thoreau se serait retourné dans sa tombe.

 

Walden… Quand, quelques semaines après mon expérience de jeûne, Emilia m’a invité chez elle, sur la côte Est des États-Unis, ni une ni deux, sans hésiter, j’ai dit banco.
« Qu’est-ce que tu veux visiter pendant ton séjour ici ? » Emilia m’a demandé. Je savais qu’on allait passer la moitié du temps à New-York, l’autre moitié à Boston. « Je sais pas… À New-York j’aimerais visiter la chambre de Kerouac quand il était étudiant à Columbia…
– … La chambre de… Mais elle existe plus, mon pauvre !
– Ah… Ok. Tant pis… Dans ce cas j’aimerais aller à Columbia, et traîner dans Bowery et dans le Village.
– Oui, si tu veux, ça peut être chouette. Même si, tu sais, ça a beaucoup changé depuis son époque…
– Et à Boston… J’aimerais que tu m’emmènes voir Walden Pond.
– Walden Pond ?
– Oui. L’endroit où Thoreau a construit une cabane dans les années 1840.
– Oui, Ben, je sais ce que c’est. J’y allais parfois, l’été, avec mes parents, quand j’étais gosse. Ça fait un bail que j’y suis pas allée, ça pourrait être cool.
– Oui. Cool. »

Alors j’ai pris un grand avion à réaction, j’ai débarqué à JFK, j’ai vu New-York pour la première fois, suivi les pas de Kerouac, Ginsberg, Burroughs et toute la bande à travers Times Square, Bowery, Washington Square, de Columbia au Village, j’ai pris un bus jusqu’à Boston. Mais pas un bus Greyhound – trop cher… Oui, ça a beaucoup changé depuis l’époque de Kerouac.

Boston m’a parue calme après l’intensité, la frénésie New-Yorkaise – à taille humaine. Avec Emilia on s’est promenés dans un immense parc avant de prendre le train – free riders, sans billet – direction Concord. De la gare on a marché, le long d’une route sans trottoir, pour finalement débouler devant l’étang de Walden.

On est rentrés dans la cabane de Thoreau – enfin une reproduction, à l’identique, déplacée à un autre endroit pour d’obscures raisons. Dedans, une table, une chaise, un lit, le strict nécessaire pour mener une vie d’écrivain ermite pendant quelques années. Et Thoreau lui-même ! – enfin son clone, un gars habillé en tenue d’époque, qui ressemblait quasi à 100 % à ses portraits.

Emilia a un peu parlé avec lui pendant que j’examinais les lieux.

Thoreau dans sa cabane

Thoreau dans sa cabane

 

La cabane de Thoreau - réplique

La cabane de Thoreau – réplique

Puis on est descendus vers l’étang. On a contourné la plage qui abritait quelques touristes ou des gens qui faisaient bronzette – c’était le début du mois de mai et il faisait particulièrement beau. Le ciel était dégagé, d’un bleu azuréen, et le soleil tapait assez fort. On a pris un chemin de terre entre les arbres pour arriver sur une crique.

Walden Pond

Walden Pond

« La baignade est autorisée ? » j’ai demandé à Emilia.
« Oui. Pour… Ben qu’est-ce que tu fais ? Arrête ! »
J’avais pas attendu la fin de sa phrase pour commencer à me dessaper.
« Mais tu fais quoi là ?
– Bah, j’me baigne !
– Mais… Mais tu n’as même pas de slip de bain.
– Pas grave, j’ai un boxer
– Ni de serviette !
– Pas besoin de serviette. Avec le soleil qu’il y a, je serai sec en deux minutes.
– Arrête Ben…
– Écoute Emilia… Ok, j’ai pas de serviette, j’ai pas de slip de bain. Et alors ? Avoir l’occasion de me baigner dans l’étang de Walden, c’est quelque chose qui se reproduira jamais dans ma vie. Je DOIS le faire, tu comprends ? »

La crique

La crique

Et voilà comment je suis rentré dans l’eau. J’ai pas fait le malin, j’ai pas crié Odiiiiiiiiiiiiiin, je me suis un peu gelé au début, j’ai fait gaffe à rentrer progressivement, et puis j’ai piqué un plongeon, j’ai fait quelques brasses et enfin quelques pirouettes avant de revenir au bord où m’attendait Emilia avec les sandwichs qu’elle avait préparés. Le temps qu’on les mange, j’étais sec.

Promenade autour de l'étang

Promenade autour de l’étang

Ensuite j’ai remis mon futal et ma chemise et on a continué notre balade. J’ai observé Emilia tremper son doigt dans la sève d’un érable et le lécher avec délice. Je l’ai écoutée me parler de toutes les fois où elle allait à Walden avec ses parents et son frère, je l’ai entendue discuter des Blue Laws, ces lois puritaines qui avaient été promulguées dans les anciennes colonies de l’Est des États-Unis. Bien qu’abrogées, Emilia les évoquait pour montrer que bon nombre de ses concitoyens étaient encore très puritains – et après l’épisode de la serviette et du slip de bain je me demandais un peu si ce puritanisme ne l’avait pas un peu contaminée elle aussi.

I went to the woods...

« I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life, and see if I could not learn what it had to teach, and not, when I came to die, discover that I had not lived. »

Une fois qu’on a fait le tour de l’étang on est passés dans la boutique des souvenirs. Le clone de Thoreau a fait sa réapparition – il s’était débarrassé de son accoutrement mode 1840 et avait enfilé un t-shirt et un pantalon en lin – tout ce qu’il y a de plus classique – sauf que des citations de Thoreau étaient imprimées partout sur ses vêtements, et pas seulement ! Le mec avait plein de tatouages le long des bras – d’autres citations de Thoreau et même son portrait et la cabane. Voyant que je l’observais avec attention, il m’a dit : « J’ai trente ans, ça fait vingt ans que je vis avec Thoreau. » Le type connaissait tout de sa vie, et toute son existence tournait autour de son Maître. C’est la première fois que je croisais un fan de ce genre. Avec lui et la caissière du magasin de souvenirs, on a parlé justement de Thoreau, de sa vie, de ce qu’il a laissé en héritage, j’ai acheté quelques cartes postales – entre autres pour Simon, pour Camille, et il a fallu qu’on mette les voiles.

On est monté dans un train – pareil qu’à l’aller, free riders, sauf que là on s’est fait contrôler. On risquait une amende, mais je m’en foutais.

J’avais nagé à Walden Pond, j’avais atteint mon but, le reste n’avait plus aucune importance.

Hannover Garbsen – Partie 2

Share Button

Toujours 3h du mat’, toujours bloqué dans la nuit encre de Chine sur cette putain d’aire d’autoroute Hannover-Garbsen, et avant de me faire interrompre par Monsieur H. et son texte – qui est, de vous à moi, le fruit d’un travail d’orfèvre – j’étais en train de vous raconter comment j’en étais arrivé là.

Donc, il y a tout d’abord Louis et mon « covoiturage spontané », concept que j’ai inventé pour dire que j’ai foiré l’autostop en beauté en acceptant lâchement de me faire véhiculer moyennant finances. Je sais que Camille aurait pas du tout approuvé ça – pour elle le stop c’est « Si tu me fais payer, je monte pas avec toi. » Heureusement, béni soit Kerouac, qui, quand il a sillonné les routes américaines en large et en travers, a dû, parfois, filer quelques dollars pour faire quelques miles.

Louis me dépose sur l’aire de Lipperland Süd sur les coups de 23h. De là il va à Minden, puis il retourne à Essen. Et demain, et les jours suivants, il fera pareil, ce saint impitoyable.

Adios l’ami ! – je lui fais signe quand il démarre – mais il s’en fout. Les bandes blanches et la vitesse l’attendent.

Pause pipi de nouveau – ce serait dommage de me faire dessus sur la route en salissant le cuir d’un siège passager. Pause bouffe – bananes et petits-beurre, et pause café également – jusqu’à Łódź, ça peut être long.

Si je fais le calcul rapidos, je dirais que j’ai déjà encaissé un tiers des 1600 Km qui me séparent de ma destination. Hanovre est à 100 Km, Berlin à 400 Km. Et ensuite Poznań et la Pologne, enfin…

Pancarte

Pancarte

Je stationne devant la station-service Aral. Je réarrange ma pancarte, la réduis de moitié en retirant tous les endroits que j’ai déjà franchi.

 Pas le temps de finir ma clope, un camion rouge s’arrête devant moi. Le chauffeur descend et s’approche : « I can drive you to Hannover.

– Let’s do that ! »

Avec des signes il m’explique que je dois abandonner ma « pancarte de rechange », un carton sur lequel j’ai rien écrit, histoire d’avoir quelque chose sous la main au cas où j’aurais dévié de ma route. Je suis d’abord réticent, puis je me dis que si je dévie, je ferai avec les moyens du bord. Alors il m’aide à mettre mes sacs dans la cabine et on embarque.

Wow un camion – ça faisait un bail

Mon chauffeur, Carshie (?) me propose du Red Bull et du café – sa glacière est à portée de main et la machine à espresso sur le tableau de bord. Il laisse son paquet de clopes à proximité et me fait comprendre que je peux me servir comme je veux. Un ange ! – un ange qui écoute de la musique pop Bulgare – quand je lui pose des questions il baisse le son pour me répondre.

« Ça fait combien de temps que tu es chauffeur routier ?

– 25 ans.

– Qu’est-ce que ton camion transporte ?

– En général, du courrier et des colis. Je bosse pour Fedex. Mais pour l’instant, rien du tout. Je dois récupérer une cargaison à Berlin et la déposer à l’aéroport d’Hanovre, d’où je viens de partir.

– Tu as de la famille, des enfants ?…

– Ouais, j’ai deux filles. L’aînée a 22 ans. Elle fait des études de droit en Bulgarie. La plus jeune a 17 ans, elle est au lycée à Cologne. »

Dans le camion on domine la route en fonçant dans la nuit. C’est très calme, j’ai pas l’impression qu’on dépasse les 100 Km/h. Mais je suis en forme, enthousiaste et bien confortable sur mon siège. Dans la direction opposée, on aperçoit trois accidents – et les embouteillages qui les accompagnent.

Carshie a les muscles saillants, sa peau est parsemée de tatouages. Je l’observe du coin de l’œil – sa route est encore longue mais il sourit. Après ma série de questions il remet la musique à fond. Première fois de ma vie que j’écoute ces airs traditionnels remixés à la sauce électro – de la Tchalga – et figurez vous que je trouve ça génial…

Vers 1h du mat’ Carshie me dépose sur l’aire d’Hannover-Garbsen. Il a l’air vraiment désolé quand il me dit qu’il peut pas m’amener plus loin. Un grand signe, et c’est un autre ange de la route qui s’obscurcit en s’éloignant.

Voilà, je vous ai raconté comment j’en suis arrivé là. Maintenant ça fait deux heures que je poirote comme un con ici. Il fait un peu froid, adossé aux vitres de la station-service, j’enfile mon sweat-shirt. Le mec de la station-service me fixe des yeux – il s’est d’abord méfié de moi, maintenant il me regarde d’un air attendrissant.

Vue de la station-service

Vue de la station-service

Au niveau des pompes, je roule ma bosse et ma clope – oui, on fait avec l’humour qu’on a – seul à 3h du mat’ sur une aire d’autoroute paumée dans un pays qui n’est pas le sien.

L’aire d’autoroute est immense, pourtant aucune voiture s’arrête pour mettre de l’essence – aucune voiture sauf des « microbus » – des espèces de fourgonnettes sans fenêtres qui traversent l’Allemagne et la Pologne, remplies de passagers entassés dedans. Je les vois sortir des véhicules, hagards, fumer des clopes et se dégourdir les jambes pendant que les chauffeurs font le plein. À chaque fois, leur regard se pose sur moi, rempli de regrets – ils pourront pas me véhiculer.

Tant pis… Mon attention – enfin… toute l’attention que je suis capable d’avoir à cette heure avancée de la nuit – s’est reportée ailleurs. Vers une voiture solitaire qui traîne en plein milieu du parking devant le restoroute. Une voiture immatriculée en Pologne – et dedans, qui dort : mon sauveur.

mon sauveur?

mon sauveur?

J’attends qu’une chose, c’est qu’il se réveille. Quand ce sera le cas, il me verra, et là, c’est obligé, il va me prendre et m’emmener direct jusqu’à Łódź. Je le sais, c’est comme ça que ça va se passer.

En attendant, je fais des rondes dans le coin des camions, où je vois les chauffeurs se garer comme ils peuvent, sortir quelques instants pour vérifier leur cargaison, puis rentrer et tirer les rideaux de leur cabine – avant de se reposer quelques heures pour reprendre la route de nouveau.

Ronde de nuit

Ronde de nuit

Je commence à broyer du noir – sévère. Je me sens comme au milieu de nulle part, comme cette fois à Dolna Grupa. Sauf que cette fois pas de Camille, pas de Candy Sweet, pas de Lola, pas de Marlène non plus – je suis seul – désespérément seul. Et traîner là au milieu de ses mastodontes d’acier, ça commence à me faire flipper grave.

Je regarde leur plaque d’immatriculation, à mes camions, et j’essaie de deviner d’où ils viennent et quelles routes les a menés jusqu’ici. Mais ce jeu dure pas bien longtemps – j’angoisse et je commence à avoir sommeil.

Énième pause clope à la station-service à côté des microbus compatissants qui défilent à la chaîne, puis j’entame une énième ronde dans le coin des camions. Mon sauveur là-bas seul dans sa caisse est toujours pas réveillé.

Tout à coup, alors que je suis au bout de la troisième rangée de camions, près de la sortie de l’aire d’autoroute, un vrombissement. Soudain, rapide et violent. Et je vois sa voiture filer à toute berzingue. Putain, mon sauveur vient de se casser !

Le chien !

Je misais tout sur lui.

Qu’est-ce que je vais foutre maintenant bordel ?

Je maugrée toute ma misère en traînant des pieds jusqu’à la station-service, où je m’écoule sur le béton, froid et qui pue l’essence. Faut que j’en fasse mon refuge – parce que si ça se trouve, je partirais pas d’ici avant l’aube.

Mais une bagnole déboule. Une vieille merco-benz blanche – début des années 80 je dirais. Immatriculée 75. Paris ! Un Français ! Alors que je me remets debout, son conducteur se pointe vers moi. Et il me dit un truc – un charabia incompréhensible – du polonais ? « Nie mówię po polsku… » je fais. Alors, dans un français sans faille, il me dit : « Je m’appelle Michał. Je vais jusqu’à Poznań. Si ça te dit, je te dépose par là… »

Bien sûr que ça me dit !

Hop, je grimpe et je fous tout mon barda à l’arrière.

Les sauveurs sont jamais ceux qu’on croit et Michał l’ange met les gaz trace la route direction la Pologne.

Commandante

Share Button

Ce soir c’est mardi et comme tous les mardis, c’est soirée Karaoké au resto Soleil – un bar populo sympa qui fait des pizzas et des bières pas cher. J’ai une histoire particulière avec cet endroit. C’est là où il y a un peu plus d’un an je me suis pété le pied en dansant du rock avec Camille. Je sais pas ce qui nous a pris ce soir là, on a commencé à se trémousser pendant que deux filles braillaient au micro Rock around the Clock – elles chantaient complètement faux mais on s’en foutait nous ce qu’on voulait c’était bouger peu importe comment. Alors on a dansé – j’ai pris Camille par la taille, je l’ai faite tournoyer, l’ai récupérée au bond – hop, déhanché du feu de dieu et je m’apprêtais à la mener vers moi pour la faire valser encore une fois quand je me suis appuyé de tout mon poids sur le côté du pied – et là ça s’est passé très vite, j’ai entendu un craquement suivi d’une vive douleur. J’étais incapable de poser le pied à terre et je me suis écroulé comme une merde sur le sol dégueulasse en plein milieu des gens. Camille m’a regardé chuter lamentablement, elle m’a aidé à me relever et d’un air dont je me souviendrais toute ma vie – genre « Allez, une petite chute c’est pas bien grave B.Howl tu as connu pire ! » – elle m’a lancé « Je te prends une bière ? ». J’ai acquiescé évidemment, je lui ai même souri alors que les traits de mon visages se tordaient de douleur et je l’ai attendue debout le pied en l’air accoudé à un tabouret. Une fois nos bières bues on est sortis dehors pour s’en fumer une. C’est dans le froid de la rue que la douleur s’est renforcée – une douleur ancrée, permanente – c’est là que j’ai compris que je pourrai pas marcher de sitôt. Alors Camille a appelé un taxi et on est rentrés chez elle. Le lendemain, la douleur avait toujours pas disparue alors je suis allé aux urgences et quelques heures plus tard le verdict est tombé – pied foulé – trois semaines de béquilles à la Docteur House et une démarche encore plus chaloupée.

Ce soir c’est mardi et c’est la première fois que je retourne au Resto Soleil depuis ces événements, accompagné de Candy la sweet Candy et de ses potes. À l’entrée on se commande des pizzas et des bières et on se dirige dans l’arrière salle où le karaoké à lieu. L’animateur fait les derniers réglages. Il est marrant et aime bien titiller les gens qui osent chanter. Premier arrivé premier servi alors on indique vite nos noms sur la feuille de l’ordre de passage avec les chansons qu’on va faire. Les lieux se remplissent peu à peu, nos pizzas arrivent on les déguste en écoutant les têtes brûlées qui inaugurent la soirée. On se marre beaucoup en entendant les voix qui crient de façon insupportable dans les micros. Candy me dit que ça fait longtemps qu’elle a pas fait de karaoké. Elle est née et a vécu une grande partie de sa vie en Équateur, « Là-bas j’en faisais souvent » elle me dit et j’ai du mal à discerner le soupçon de nostalgie qu’il y a dans ses yeux.

Des filles braillent de la variété française – les mêmes filles que l’année dernière – elles chantent toujours aussi faux et squattent le micro trop souvent à mon goût – je soupire la salle désemplie pas et je comprends pas pourquoi les gens restent dans ces moments là – ils devraient fuir, se barrer le plus loin possible pour plus les entendre et préserver leur santé auditive. Peut-être qu’ils sont comme nous – le bien-être de leurs oreilles peut bien être sacrifié ce soir sur l’autel du spectacle que les brailleuses nous offrent. Je termine ma bière c’est mon tour. « B.Howl va vous interpréter Le Chanteur » lance l’animateur en me filant le micro. Le Chanteur… un rituel, histoire de bien échauffer la voix.

Après j’enchaîne sur Comme elle vient et Where did you sleep last night – entrecoupé par les brailleuses qui font leur show. Puis vient le tour de Candy. Elle termine son mojito et s’apprête à prendre le micro. Mais elle est interrompu dans son geste – car soudain quelqu’un déboule dans la salle et gueule : « HUGO CHÁVEZ VIENT DE MOURIR ! HUGO CHÁVEZ VIENT DE MOURIR !! » Et là des murmures des cris des discussions à foison – on savait que le dirigeant Vénézuelien était à l’hôpital, mais personne semblait s’y attendre. « D’où tu sais ça ? » on demande ici et là – « La radio », « La télé », « Sur le téléphone » – ça va très vite – Caracas est à 8000 Km pourtant l’info a déjà fait le tour du monde et le tour du resto soleil – une info brute de décoffrage et je récolte les réactions à chaud – certains ici comme un seul homme se lèvent dans la masse, le poing levé. On dirait que pour eux – plus que pour le Venezuela peut-être – une page se tourne. « ¡Viva la revolución! » on entend.

L’animateur veut reprendre la main sur sa soirée karaoké. « Et maintenant Candy va vous interpréter Hasta Siempre ! » – bon ben c’est raté…

Alors que des gens scandent encore ¡Viva la revolución! Candy se met à chanter – la salle est en feu l’ambiance est électrique Hugo Chávez vient de mourir et la chanson vient à point nommé on dirait – comme si c’était prémédité comme si Candy savait comme si elle avait eu l’info avant tout le monde – mais non c’est impossible – « Je voulais juste chanter un truc en espagnol, un truc pas trop relou. » Alors elle entame le refrain c’est la première fois que je l’entends parler espagnol, Candy, je suis surpris par le timbre de sa voix – tellement différent – c’est aussi la première fois que je l’entends chanter aussi je crois bien. Et elle envoie du lourd :

 

Aquí se queda la clara
La entrañable transparencia
De tu querida presencia
Comandante Che Guevara

 

Même celles et ceux qui s’en calent de la mort de Chávez sont touchés par la voix de Candy… Même moi. Surtout moi. J’en reste scotché, à la fixer des yeux, cette grâce équatorienne – à m’en retourner les tripes. Du moins, jusqu’à ce qu’une meuf totalement bourrée pire que bourrée même s’empare du deuxième micro et décide de chanter avec elle. Là, ça devient terrible. Catastrophique.

Ce soir c’est mardi. Mardi 5 mars 2013 et Hugo Chávez est mort et Candy vient de chanter Hasta Siempre. Ça fait déjà beaucoup pour une seule soirée.

 

Ton désert, Simon…

Share Button

« Le vrai voyage, ce n’est pas de chercher de nouveaux paysages, mais un nouveau regard »

– Marcel Proust

Teraz jest teraz…

Maintenant c’est maintenant

Ahora es ahora comme on dit ici,

sur la route.

La route jusqu'aux Bardenas

La route espagnole

Ahora es ahora, Simon,

et c’est dans ton désert qu’on arrive.

Nous revoilà en escapade Camille et moi quelques mois après notre périple polonais – téléportés en Espagne cette fois-ci – tenter de trouver un peu de chaleur en plein hiver.

J’y ai cru moi ! J’ai pris mon blouson de mi-saison – mon blouson noir totalement délavé décoloré à force de passer mes nuits dehors – mon blouson de bourlingueur. J’ai aussi pris mes lunettes de soleil et j’ai même hésité à embarquer de la crème solaire –  complètement givré, olé !

Du coup le bilan est laconique. Sans appel. Je me les gèle grave.

Destination l’Espagne donc, et plus précisément les Bardenas Reales.

Ton désert Simon – celui où tu es déjà allé pas mal de fois.

Celui dont tu me parles souvent.

Tu m’as envoyé une flopée de cartes postales. Tu m’as montré des dizaines et des dizaines de – très belles – photos.

Ahora es ahora – et on y va – là, maintenant.

On est parti vers 13h de Tudela. Si on est parti si tard, c’est parce qu’on a fait la java hier soir jusqu’à pas d’heure avec les gens qui nous ont hébergés. On a eu du mal à se lever ce matin, on a beaucoup traîné – du coup on a raté les rares bus qui font la route jusqu’aux Bardenas mais nos hôtes nous ont filé leurs vélos.

Un des vélos a pas de vitesse, la selle de l’autre défonce l’entrejambe – tu devrais nous voir commencer à pédaler sur les hauteurs de Tudela Simon, tu te serais marré – des amateurs, je te dis !

Après le petit pont à l’entrée de Tudela, on sent vraiment le vent. Le vent glacial, 50-60 Km/h, en pleine face. Et ça sur toute la route, 15 Km jusqu’à l’entrée du désert, près d’Arguedas. Tu m’as pas vendu les choses comme ça Simon, tu m’as jamais dit qu’on pouvait se les peler autant. Et crois moi Cow-Boy, on en chie déjà. Surtout Camille, qui est obligée de pédaler comme un rat avec ses vitesses pétées. Je passe devant – j’essaie tant bien que mal de la couvrir du vent.

On parle pas, tout occupés à lutter contre les forces de la nature. Je cogite pas mal – et la question qui me reste en mémoire c’est « Qu’est-ce que je fous là ? ».

Il pleut et je pleure je sais pas pourquoi.

Bardenas

Bardenas

Autour de nous déjà les paysages du déserts, les collines, les plateaux et les inselbergs. On arrive à distinguer les différentes couches de roches superposées l’une sur l’autre, des sédiments. C’était quoi avant ? Une mer ? Une forêt ou une jungle ? On est rien par rapport au passage du Temps.

Éoliennes. Falaises. Panneaux solaires – et plus loin, à une distance en trompe-l’œil, vagues chemins seules traces de l’Homme ici.

En face la route continue jusqu’à Arguedas – on bifurque sur la droite, un petit sentier qui sent le bousin – des champs où les taureaux paissent – en suivant le chemin on tombe sur le panneau « Bardenas Reales » – et j’ai l’impression de rentrer chez toi par effraction.

Tu m’en as tellement parlé Simon que j’ai fini par m’y voir dans ton désert – avec Camille – tous deux néophytes de ces paysages – à dos de cheval – oui je nous ai vu à l’aventure, au trot, matant ces inselbergs de front et galopant sur les sentiers d’argile.

Bardenas

Bardenas

C’est pas encore fini. Il nous reste une forte montée à attaquer et ensuite, ensuite c’est l’entrée du désert. On pédale on pédale on pédale il pleut il pleut il fait froid froid. Il est 15h30, on est seulement aux portes du désert. En haut de la montée, enfin. Je pose mon vélo et je m’assois par terre, il est temps d’entamer nos sandwichs. Le froid. La pluie. Le vent – le Cierzo qu’on connaissait pas, maintenant on en a plein la gueule. Sec et glacé.

Bardenas Reales

Mes mains sont passées par toutes les couleurs de l’arc en ciel, maintenant elles sont vert pale et je commence à ne plus les sentir. Et ce paysage magnifique de désolation qui nous enterrera tous… Et si on rebroussait chemin ? Camille : « On aura roulé deux heures pour rien. »…

Elle a raison. Yalla !

Je pleure de froid et mes larmes secouées par le vent glacent mes joues. Je lève la tête – les nuages déchiquettent le ciel de façon quasi-chirurgicale. Je comprends que ça sert à rien à de pleurer – les garçons pleurent pas et surtout pas les Cow-boys comme nous pas vrai ?

On enfourche nos vélos à nouveau. On monte encore un peu, puis la descente – faible et venteuse – s’amorce. En bas on prend à gauche – un petit chemin en argile trempé et boueux. Nos vélos s’engluent par endroits, on en est presque aspirés – poussière tu retourneras à la poussière.

Sillons

Sillons

Des ruisseaux vides creusent des sillons. La pluie fine glaciale et pénétrante laisse la place au soleil – bien maigre, le soleil, mais il fait soudain dix degrés de plus, malgré le Cierzo. On s’arrête à côté d’une baraque désertée au beau milieu de nulle part.

Vélo

Vélo

Devant nous s’élève le fameux rocher – celui dont Simon m’a tant parlé – celui qui figure sur les cartes postales qu’il m’a envoyées, les photos qu’il m’a montrées. J’arrive pas à évaluer la distance qui nous sépare de lui. Camille veut rebrousser chemin : « C’est à cinq minutes d’ici. Tu peux y aller, moi je t’attends ici.

– Jamais de la vie. Pas sûr que ce soit si proche, et puis je ne te laisse pas là. Soit on y va ensemble, soit on y va pas. »

Le vent laisse le champ libre aux grandes déclarations. Yalla – Camille reprend son vélo en main et part devant. Putain sans elle je serais même pas arrivé là, et maintenant elle veut baisser les bras ?

Cinq minutes plus tard, on y est. Devant le rocher. Le Castildetierra. La Cheminée de fée. Le truc du désert, ce qu’on doit obligatoirement prendre en photo. Une pancarte explique comment ce rocher si particulier s’est formé au cours du temps. Et elle nous montre son futur : avec l’érosion le haut du rocher va un jour dégringoler et se désintégrer. Poussière… On se prend en photo devant le Castildetierra et on admire le panorama qui s’offre à nous. Aucun bruit sauf celui de la nature, quasiment aucun signe de l’activité humaine.

Castildetierra

Castildetierra

Maintenant qu’on a fini de faire nos touristes on range nos appareils photo et on fait demi-tour.

17h30. Je suis très branché sur l’heure, là, j’ai peur que la nuit s’abatte sur nous tout à coup. Dès que le chemin monte un peu, on descend de nos bécanes et on les pousse à pied. « On sera à Tudela à 19h », je fais à Camille. Pour la motiver. Je ne sais pas si je dois croire ou non à ce que je dis. Et on se remet en selle – une intersection – une montée tortueuse – et à partir de là réjouissance gracieuse – une descente vertigineuse. Et sans vent de face.

C’est parti ! Sur mon vélo je suis un apache, j’existe et j’exulte, je crie à pleins poumons, à 35 Km/Heure

« Waaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaoooooooooooooooooooooooooooooooooooooooouuuuuuuuuuuuuuuuuuuu » et mon cri fait écho – ultime trace dans ce désert qu’on quitte. Puis le panneau « Bardenas Reales » qu’on dépasse dans l’autre sens, et la route qui sent le bousin.

Ahora es ahora et maintenant il est 18h à peine – on arrive à la bifurcation de la grande route. Si tout va bien si on trace on trace on sera de retour à Tudela avant la nuit. Je me retourne et jette un dernier regard sur ces paysages magnifiquement désolés.

Tes paysages Simon – les paysages que tu magnifies et dans lesquels toi tu te perds pas.

W drodze

Share Button

Teraz jest teraz et ni une ni deux Camille et moi on monte dans le camion d’un inconnu de la nuit. Les chiens errants se détournent de nous et reprennent leurs vagabondages autour de la station-service EKO TANK. On attend au chaud dans le camion – Camille sur le siège passager, moi sur la banquette – on scrute l’intérieur et on se familiarise avec cet environnement cloisonné – le lieu de travail et de vie de notre chauffeur-sauveur – pendant qu’il met du gasoil et qu’il nettoie ses pare-chocs. Des porte-clés, des grigris accrochés sur le rétro intérieur. Un cendar de fortune plein à craquer près du levier de vitesses et une forte odeur de clope froide mais c’est pas dérangeant parce que ça sent la vie ça sent la route qui s’annonce.

Dans le camion de Czesław

Dans le camion

Je scrute Camille du coin de l’œil en me demandant encore ce qui nous a pris – comment on a fait pour être arrivés là tous les deux. Camille… on partage les 400 coups, les 1001 nuits, les 10 puissance 12 expériences, des parsecs de voyages.

Camille… Je me vois me souvenir de nos vies antérieures c’est pas un hasard tu t’appelais Yashan tu étais mon compagnon de voyage là-bas quelque part parmi les yourtes de Mongolie intérieure sur les steppes où nos regards se posaient debout sur nos chevaux arabes parfois quand tu en buvais tu foutais plein de lait de yak partout sur ta moustache… Il y a des choses qui ne s’expliquent pas.

C’est bon, yalla ! Le chauffeur monte dans la cabine – on fait les présentations il nous dit qu’il s’appelle Czesław – j’aime bien ce prénom polonais qui se prononce comme « J’ai soif »

Un tour de clés, frein à main levé, levier de vitesse poussé – et c’est parti dans la nuit calme et fraîche. Czesław conduit des camions depuis douze ans, il transporte du courrier.

C’est pas la première fois qu’on monte dans un camion mais ça fait toujours un léger choc. En effet de la cabine on a un panorama imprenable sur la route qui défile au gré de ses phares – la nuit nous appartient.

Camille et moi on contemple sans mot dire Czesław. Il conduit, calme et silencieux, parfois une clope au bec, parfois les deux mains serrées sur le volant. Et parfois il se tourne vers nous. Cheveux roux en pétard, yeux bleus-verts fatigués injectés de sang à force d’avoir trop roulé. Camille : « Il est possédé ce gars »

C‘est dans ce camion – avec Czesław aux yeux de fou – ses tonnes de lettres d’amour qui attendent leurs destinataires et Amy McDonald sur Radio Zet en fond sonore – que minuit ronronne.

Sur cet air .

Césure d’un jour à l’autre – la musique ringard est pour nous imperceptible – la nuit est la même – on trace plein gaz.

Les lampadaires défilent sur le macadam et se reflètent sur nos vitres – guirlandes de Noël qui nous montrent le chemin qui reste à parcourir – 80, 60, 45 puis 30 km –

Nowe Gniew et ses lumières rouges qui scintillent dans nos yeux fatigués – Cyndi Lauper –Time after time.

Rudno Tczew où Michael Jackson chante Billie Jean

Czesław est équipé d’une CB. On a beau pas comprendre le polonais – on devine ce qu’il fait quand il prend le micro – il lance des appels aux autres conducteurs aux environs

On arrive à Pruszcz Gdański – à une vingtaine de kilomètres de Gdańsk. Czesław lance un appel pour savoir si quelqu’un peut nous déposer dans le centre de Gdańsk. Mais personne répond et Czesław a l’air vraiment désolé quand il nous dépose dans une station-service aux abords de Pruszcz Gdański.

Pruszcz Gdański

Pruszcz Gdański

1h du mat’ – on fait le piquet. Il y a bien des gens qui vont à Gdańsk – des mecs bourrés et relous – on a pas envie de monter avec eux. En face de la station-service il y a un hôtel deux étoiles – on traverse la route on entre on se renseigne à la réception afin de connaître le prix des chambres – pas dans notre budget. On apprend qu’il y a des bus ici qui vont jusqu’au centre-ville de Gdańsk – une heure de trajet. Le premier est à 4h du mat’.

On attend encore un peu. « Peut-être que la meilleure solution est d’avancer avec la pancarte », je fais. Camille hoche la tête. Yalla !

Sacs sur nos épaules, un derrière l’autre devant, un pied devant l’autre – on marche sur le trottoir de lampadaire en lampadaire nos ombres se profilent s’étendent s’éteignent. 19 Km jusqu’à Gdańsk. – Camille et la pancarte – tournée dans la direction de nos éventuels improbables futurs chauffeurs.

18,5 km, 18,4 – on approche. Tant qu’il y a un trottoir, toujours le suivre. Voyage au bout de la route. On laisse derrière nous au loin des barres d’immeubles ternes vestiges du réalisme socialiste. « Mais qu’est-ce qu’on fout là ? » je demande – comme souvent quand on traîne comme ça à une heure avancée de la nuit. « … On devrait faire la tournée des bars de Gdańsk, aller en boîte…– et au lieu de ça on se retrouve à Pétaouchnok avec une pancarte de merde en carton ! » Et Camille de répondre : « C’est toi qui es en carton ! » Bien envoyé. Je contemple Camille qui brandit la pancarte – et je me dis que tous les deux, on aurait jamais fait ça tout seul, et que ce qu’on vit, c’est magique. Allez, du courage ! Yalla yalla !

Les camions à côté de nous rugissent à notre passage – rois de la nuit. Yalla Yal…-

Nos cris intérieurs pour se donner du courage sont interrompus par une voiture rouge qui passe devant nous – ralentit. S’arrête. On s’active derrière pour nous faire de la place. Lucie Kasia et Andy dans une Toyota Yaris. Des étudiants qui rentrent chez eux à Gdańsk après avoir bossé toute la soirée On grimpe on est serrés comme des sardines. « Vous avez un endroit où dormir cette nuit ?

– Non. » dit Camille.

– OK. » On voit Andy bidouiller sur son iPhone. Kasia : « Il essaie de vous trouver un endroit où dormir pour cette nuit… » et peu après, Andy : « C’est bon, je vous ai trouvé une auberge de jeunesse près de chez nous.

– Wow ! » Rapide et efficace ! Des sauveurs de la route, encore ! Alors qu’une fois de plus on a rien demandé…

Serrés dans la Yaris, on voit la route défiler – la banlieue de Gdańsk, la zone industrielle – plus de trottoirs ici – à pied on aurait pas pu aller bien loin. Puis l’entrée dans la ville – les grandes avenues, le centre. On s’y attarde pas, on va un peu plus loin, à Oliwa.

1h30, Terminus devant l’auberge Wolna Chata – un hostel cossu, rustique, à prix modique. Lucie, Kasia et Andy nous font un signe et ils repartent chez eux.

Camille et moi on est reçus comme des rois à la réception. Et on découvre qu’on a une chambre de cinq pour nous deux. Une chambre avec des lits ! Des matelas. Des couvertures ! Et de quoi se laver demain.

Parce que qu’est-ce qui nous attend demain ? Où on sera ?

On sait pas.

Et on s’en cogne.

L’essentiel, c’est pas la destination, l’essentiel c’est la route !

 

l'auberge Wolna Chata au petit matin

l’auberge Wolna Chata au petit matin

Comme des Chiens errants au milieu de nulle part

Share Button

On the Road, which I keep thinking about : [is] about two guys hitch-hiking to California in search of something they don’t really find, and losing themselves on the road, and coming all the way back hopefull of something else.

– Jack Kerouac, journal, 23/08/1948, première mention de « Sur la Route »

Lille-Berlin : à vol d’oiseau 900 Km – 37 heures, 15 chauffeurs (!)

Berlin-Poznań : 300 Km – 4 heures, 1 chauffeur

Poznan-Toruń : 200 Km – 7 heures, 2 chauffeurs

Toruń-… Presque 6 heures, 2 chauffeurs…

Teraz jest teraz.

Maintenant c’est maintenant.

C’était écrit sur la porte des chiottes d’un bar de Poznań.

Maintenant c’est maintenant. Ici c’est ici et voilà où on est…

Jeudi… Le 13 septembre 2012. Camille et moi on vient de se faire dropper là par un gars de Chełmno. Il nous a pris en lift le temps d’aller ramener sa fille du poney-club et de faire un tour de la ville – nous montrer la vraie ville des amoureux, là où aurait vécu le vrai Saint Valentin.

Teraz jest teraz et maintenant le plan c’est d’aller à Gdańsk.

Teraz jest teraz et maintenant on est sur le parking d’une sorte de restaurant Buffalo Grill au bord de la route. Le gars de Chełmno a voulait nous déposer au péage de l’Autostrada 1 qui mène droit à Gdańsk mais ça lui aurait fait un trop grand détour donc il a préféré nous laisser là.

19h45 – ça fait dix minutes qu’on attend sur le parking. Ciel vespéral, traînées orangées, le soleil est sur le point de se coucher. Il y a quelques voitures en stationnement. Sans doute des gens qui se ravitaillent avant de reprendre la route. Peut-être que parmi eux il y en a qui vont à Gdańsk? Croisons les doigts…

Un mec sort du resto. Il nous regarde, allume une clope et s’avance vers nous. On comprend qu’il nous propose de nous dropper à dix minutes de là sur la route 1. Si on le suit, do widzenia l’autoroute et la pensée agréable de rejoindre Gdańsk en une heure et demi. On hausse les épaules. Tant pis. On lui dit tak tak bardzo dobrze et on le suit jusqu’à sa caisse.

Tadeusz alias Teddy dispose d’un 4×4 avec son chien derrière – il transporte des bateaux et rentre chez lui près d’Ostróda, dans la région des mille lacs. Gentil comme tout, le bougre. Il nous propose même de l’accompagner là-bas, il peut nous offrir le gîte et le couvert. On hésite mais on refuse. Ça nous éloignerait trop de notre route. Et en plus on a pas de ceinture de sécurité. Et Camille a un peu de mal avec les clebs. Teddy nous jarte à une station-service EKO TANK. On est à moins de 100km de Gdańsk – le panneau qu’on vient de croiser, je crois bien qu’il indique « Dolna Grupa » mais ça figure pas sur ma carte Michelin.

EKO TANK

EKO TANK

Alors je crois surtout que je sais pas où on est.

Teraz jest teraz et à Gdańsk, on a pas d’hébergement pour ce soir.

Mais ça sert à rien de penser à ça.

Gdańsk, on y est même pas.

La station-service est plus ou moins déserte.

Les rares voitures qui s’arrêtent prendre de l’essence ici vont pas jusqu’à Gdańsk– ou ont pas l’intention de nous prendre. Mais on s’en fout. Je suis d’humeur positive – à défaut d’être vraiment optimiste – et il fait pas encore trop froid.

Je regarde tout autour de moi. À droite, la route 1 qui passe par Gniew pour aller jusqu’à Gdańsk. Devant, la forêt. Et derrière la station-service, ce qui doit être Dolna Grupa. Quelques maisons. Un hameau. Pas de lampadaires. Pas de trottoir.

Que dalle.

Je soupire.

Faut que je m’habitue à cet environnement. Peut-être que c’est là où on va passer la nuit.

Je me roule une clope.

Camille a faim. Elle va se chercher un truc dans la boutique de la station-service.

De derrière la vitre je la regarde prendre un paquet de chips et expliquer par geste à la caissière qu’elle voudrait bien aussi un hot-dog prosze ! La nana derrière son comptoir mâchouille son chewing-gum et commence à préparer son hot-dog. Je suis subjugué. Elle enfourche la saucisse dans une sorte de baguette, puis elle fout plein de ketchup dessus. On appelle ça Parówki par ici et je trouve le geste de la nana vachement sensuel, quasi-érotique.

Après 1600 Km d’autostop, un rien peut nous faire fantasmer.

 

Teraz jest teraz et la nuit nous enveloppe désormais. Les minutes, les heures passent, et il fait de plus en plus froid. Camille et moi on alterne : parfois on se met au bord de la route et on fait des signes, des trucs comme ça pour se faire remarquer quand des voitures passent – pour qu’on monte dans l’une d’entre elles et qu’on arrive à Gdańsk si possible avant demain. Mais bien souvent on attend dans la station-service, devant la boutique, là où il y a un peu de lumière.

Camille lit son Bescherelle pour parfaire son allemand. On est en Pologne et elle se met à apprendre son allemand. Alors qu’elle a pas ouvert le bouquin une seule fois quand on a traversé l’Allemagne. Normal…

Le Bescherelle

Le Bescherelle

Je sors mon ukulélé et je gratte quelques accords. Mais le cœur y est pas.

Je fais le tour de la station-service – une énième fois.

Je me roule une clope – une énième fois. Bientôt paquet vide. Et à sec niveau eau. À sec niveau bouffe. À sec niveau argent liquide.

Kurwa masz !

DSC00450

Un chien s’approche de moi. Un chien errant. Je le contemple. Lui aussi me fixe du regard. Je vois très bien ce qu’il est en train de se dire. On est pareils que lui. Tous seuls au milieu de nulle part. C’est pas demain la veille que Dolna Grupa deviendra un lieu touristique.

Le chien errant

Le chien errant

« Désolé bonhomme » je fais au chien. « J’ai rien pour toi. Et moi aussi j’ai les crocs… »

La station-service, quasi-morte depuis plus d’une heure, commence à s’agiter. Des camions se garent pour passer la nuit ici. Une moto stationne devant la boutique. L’enfourneuse de Parówki sort d’un pas rapide. C’est son copain qui vient la chercher. Il lui file un casque, elle monte derrière lui et la moto démarre de façon tonitruante.

Allez ! Puisque même la Parówki-girl est partie, Camille et moi on se donne un peu d’énergie, on se dit que ça va le faire, on peut y arriver, teraz jest teraz, faut juste se bouger le cul et croire en notre bonne étoile. On se place devant la station-service et comme il fait noir, notre seul moyen de se faire remarquer c’est de chanter. Alors c’est tous nos classiques qui y passent – genre Radio Nostalgie.

Joe Dassin – Siffler sur la Colline et Aux Champs Élysées – pour garder la pêche.

 

22h30 – teraz jest teraz et dans la nuit froide je suis en train de chanter Le Chanteur quand un camion s’arrête et s’engouffre dans la station-service. Jusque là c’est plutôt classique – sauf que le camion en question nous klaxonne alors qu’il fait sa manœuvre. Encore un sauveur ! Il descend du véhicule, on coure vers lui, comme à chaque fois il baragouine un truc, on répond automatiquement « Nie mówię po polsku » – alors il nous montre sa carte. Il va pas à Gdańsk directement mais nous en approche grandement. On le regarde, on hoche la tête et on lui dit « OK ». Il nous fait signe de monter.

C’est parti !

Yalla !

À suivre…

Quelques conseils pour l’autostop

Share Button

On va tâter de la route, Jack!

Quelques conseils, après 5000 Km d’autostop…

Avec quelques souvenirs en prime…

et vos propres règles/conseils/témoignages!

 

la route - floue

la route – floue et lumineuse. Elle t’appelle.

1) Être poli et avenant.

Bien se présenter. Quoique… Voir point 7) .

En tout cas, se donner l’air d’être un déchet, ça va pas forcément marcher.

Faut les comprendre, les chauffeurs potentiels, qui te voient surgir du fond des bois ou des hautes herbes, avec tous tes sacs, tout ton attirail, et en plus en guenilles… Malheureusement, bien souvent quand on fait du stop on crapahute, et les vêtements qu’on porte finissent par plus sentir la rose et s’usent assez vite. C’est le jeu quand on bourlingue.

Faut être aimable, comme je viens de le dire. Souriant. Toujours, dans n’importe quelle condition. Qu’il pleuve qu’il vente qu’il neige, qu’il fasse nuit, qu’il tempête, que ça fasse une trentaine d’heures qu’on a pas fermé l’œil.

Une aire d'autoroute aux alentours de Namur

Une aire d’autoroute aux alentours de Namur – dans le froid et la neige

 

Faut sourire, faut que tes yeux soient aussi vifs qu’au petit matin après l’amour, faut que ton visage respire le bonheur, éclaire sa route, au chauffeur.

Sur ton « spot » – la place que tu as choisie pour stationner dans l’attente d’un chauffeur – faut lui donner envie de te prendre en stop.

Faut montrer patte blanche. Rien dans les mains, rien sur la tête, rien que tu puisses cacher. J’ai appris cette leçon en lisant Le Monde en Stop , de Ludovic Hubler.

Et même si les gens te prennent pas, il y en a plein qui te font un signe – tu as du mal à comprendre ce que ça signifie. C’est pour t’encourager dans ton périple ou te dire que tu es pas dans la bonne direction ? – en tout cas, renvoie leur toujours un sourire en retour.

 

2) Prenons notre temps…

[Ouais… J’ai osé…]

Si tu fais du stop, c’est que tu as le temps, et que tu as déjà dans la tête cette idée cette construction mentale que peu importe QUAND tu vas arriver, tu VAS y arriver – tu le sais et c’est tout ce qui compte. Condamné(e) à faire abstraction du temps.

Il m’a fallu quelque temps justement pour arriver à ça : attendre au bord d’une route sans te demander tout le temps : « Quand est-ce que je vais me faire prendre ? » [sic !] – dans le jargon on appelle ça un « lift ».

Le Temps est précieux, et vu que tu bouges pas comme tu voudrais, tu dois le prendre pour observer ce qu’il y a autour de toi.

Le macadam.

Les lignes blanches qui se rejoignent au point de fuite et disparaissent à l’horizon.

Les herbes folles au bord des routes.

Les fougères.

Les détritus.

Les merdes.

Même ça c’est beau. Baudelairien.

« Tu m’as donné de la merde et j’en ai fait de l’or. »

– ou quelque chose comme ça…

 

3) Ne prévois pas (trop) par où tu vas passer.

Voilà. Tu connais ta destination. Elle est inscrite sur ta pancarte. Les étapes avant d’y arriver… oublie les !

La route te réserve bien des surprises. Il se peut même que tu y arrives jamais, à ta destination. Et alors ? Tu sais qu’un jour, tu arriveras quelque part.

Pour aller à Berlin, j’envisageais de passer par Hanovre.

Couper la distance en deux, passer la nuit à Hanovre pour pouvoir, le lendemain, frais et dispo, lever le pouce au bord de la Bundesautobahn A2 – le chemin qui mène tout droit à Berlin.

Hanovre on l’a jamais vu, même de loin. À la place on a pu voir des moulins à la frontière belge, un Burger King sur une aire d’autoroute entre Aix-la-Chapelle et Cologne, une station de tram à Dortmund dans laquelle on a essayé de dormir – Glückaufstrasse… et on est quand même arrivés à Berlin – et Dieu sait que c’était loin d’être gagné d’avance tellement on s’était fourvoyés.

Dortmund - Glückaufstrasse

Dortmund – Glückaufstrasse

La brume sur la route au petit matin

La brume sur la route près d’Unna au petit matin

 

Une autre fois Paris-Rennes – sans que ce soit prévu, on est passé par la forêt de Rambouillet, on s’est arrêtés à Chartres visiter la cathédrale, on a mangé une banane dans une station-service abandonnée à la Ferté Bernard – et j’en passe…

En train on serait montés à Montparnasse, on serait descendu à Rennes – ça aurait été plus rapide, mais on aurait jamais vu tous ces endroits.

 4) Éloigne toi de la ville autant que tu le peux…

Selon moi le plus difficile quand tu fais du stop, c’est de sortir de la ville et d’y entrer. Une fois que tu lèves le pouce sur les aires de repos, tu suis juste la cadence, c’est pas très compliqué.

Pour sortir de la ville, il faut te rendre à ton premier spot. Cherche le toujours en périphérie, le plus loin possible de la ville, le plus près possible d’un axe routier important comme une rocade ou un truc de ce genre.

Si tu lèves le pouce en pleine ville, les chances de trouver un lift sont assez minces. La majorités des gens qui prennent le volant en ville le font pour aller d’un point A à un point B… tous deux situés à l’intérieur de la ville.

L’un des échecs les plus retentissants de ma jeune et précaire carrière d’autostoppeur est le jour où on a voulu faire Londres-Stonehenge en stop. Sûre de lui, mon acolyte me dit « Oui oui, je sais quelle direction on prend. Oui oui, je connais un bon spot éloigné de la ville. » Naïf, je l’ai suivi, sans me renseigner.

Et voilà où il a voulu commencer à lever le pouce:

Hyde Park - pas un bon spot

Hyde Park – pas un bon spot

HYDE PARK, bordel! En plein centre de Londres… Un super spot pour les concerts  mais pas du tout pour chopper un lift!

On a quand même essayé… une heure…. et puis on s’est promenés de ce côté là de Londres, à courir après les écureuils.

 

5) Tant qu’il y a encore un trottoir, marche !

Une des règles apprises au cours du temps : quand tu es à un endroit et que tu t’apprêtes à lever le pouce, attends et zieute un peu : il y a un trottoir ? Qui va dans la direction de la route que tu veux prendre ? Suis le aussi loin que tu peux !

Pourquoi ?

Un bon spot - Aire de Villaine la Gonais

Un bon spot – Aire de Villaine la Gonais

Parce que d’une, ça va « faire le tri » : tu vas continuer dans la direction que tu veux prendre alors que parmi les voitures beaucoup vont emprunter d’autres routes. À la fin de ton trottoir, tu as plus de chance de tomber sur un chauffeur qui va dans la même direction que toi.

Et de deux… Tu fais du stop, t’es pas avachi devant ta télé. Reste pas stoïque. Te mouvoir. C’est ça la clé. C’est con à comprendre mais en te voyant marcher au bord de la route, les chauffeurs vont accorder plus de crédit à ta démarche. Tu auras plus de chance de chopper un lift.

Bon… tu marches, mais ça t’empêche pas de lever le pouce quand même. Et de coincer ta pancarte à l’arrière de ton sac à dos de manière à ce qu’elle soit bien visible.

 

6) Les chauffeurs.

C’est dangereux de se faire prendre en stop par des inconnus. C’est vrai, bien sûr, et je vais pas nier ça ou prouver le contraire. En même temps, c’est un peu l’essence de l’autostop, non ?

Simplement, je vais tenter de recontextualiser. Si monter dans une voiture d’un inconnu est flippant – et j’ai flippé de nombreuses fois… – prendre un inconnu en stop l’est tout autant.

Tu es à ton spot, une voiture s’est arrêtée, tu dois faire un choix rapidement… il s’agit d’une question de CONFIANCE mais oublie pas qu’en tant qu’autostoppeur, c’est TOI qui choisis si tu acceptes le lift qu’on te propose ou si tu attends une prochaine chance.

 

7) Le storytelling

… Ou l’art de raconter une histoire…

J’ai appris cette règle en Belgique. Gijs, un couch-surfeur de Gand adepte de l’autostop nous a raconté qu’il existe un concours où le but est d’aller en stop de Bruxelles à Barcelone et d’arriver là-bas le plus vite possible – un peu comme ce concours là. Les gagnants de l’édition 2011 s’étaient déguisés en mariés !

Ouaip… Leurs vêtements, leurs attitudes racontaient une histoire, et comme ça transparaissaient au travers d’eux, la chance qu’une voiture s’arrête sur leur chemin se trouvait amplifiée.

[Je me demande s’ils se sont vraiment mariés, depuis…]

Sur ton spot, vends du rêve.

Une fois, j’avais pris quelques instruments de musique avec moi, dont mon ukulélé qui dépassait de mon sac de bidasse. Et dans la voiture qui nous prend, le gamin à l’arrière lâche sa PSP sur laquelle il avait les yeux rivés et me demande : « C’est pour quoi faire ? ». Je lui ai raconté qu’on faisait un atelier musical dans une école d’un quartier défavorisé de Lublin… Bon, c’est un mensonge… mais c’était mon premier essai de storytelling…

Si tu n’as pas de costume de marié(e) à portée de main, tu peux personnaliser ta pancarte. Faire péter les couleurs.

La rendre flashy, attractive, sensuelle, bonasse…

De cette faon aussi tu peux (bien) te faire remarquer.

Un bon spot - entre Nogent le Rotrou et la Ferté Bernard

Un bon spot – entre Nogent le Rotrou et la Ferté Bernard

 

8) « Peut importe la destination, l’essentiel c’est la Route. »

– avec un R majuscule, parfaitement.

C’est ce que je dis tout le temps. Pour me porter chance avant de lever le pouce. Pour me donner du courage dans les moments où je doute et où je veux renoncer…. Parce que c’est vrai, surtout !

Un exemple magistral : une fois, paumés en Silésie. Presque 20h. Déposés à un péage, la nuit commence à tomber, les phares aveuglants des voitures dans les yeux – le trafic, le trafic, mais rien pour poser les sacs, s’asseoir, se reposer…

Un péage en Silésie

Un péage en Silésie

Le genre de moment où tu te dis : « Mais qu’est-ce que je fous là ? ». Et là, pile à ce moment, au moment où tu désespères, au moment où tu craques… Une Limousine Rolls Royce. Qui passe sous nos yeux. On se regarde, on hausse les épaules : « Allez, yalla, on tente, advienne que pourra ! » on lève notre pancarte – POZNAN – à 300 Km de là. Et à la surprise générale… La porte de la Limousine s’ouvre, et le chauffeur nous fait signe de monter.

Trois heures dans une Rolls Royce.

La surprise de la route.

L’essentiel.

La Limousine

La Limousine

 

Mais j’apprends… Et je commence à comprendre, en lisant Sur la Route Again, de Guillaume Chérel – que la destination aussi… elle est peut-être importante finalement…

 

Maintenant, à vous de jouer ! Si vous avez des remarques, des conseils, des témoignages, des points à ajouter ou à améliorer, ça se passe dans les commentaires, sur Facebook ou sur ce blog !

 

Quelques liens :

 hitch-wiki

Le pouceux