Elle entre la première et s’avance dans l’église comme si elle savait depuis longtemps ce qu’elle venait y chercher. Je ne fais que la suivre, ombre passagère parmi les arcs, je me faufile vers elle, à travers le damier de pierre.
Vu de loin, de dos, avec son long manteau noir en vison synthétique, elle ressemble à une veuve pleurant son amant perdu.
Le sac plastique qui luit étrangement dans sa main et qui fait tache sur la photo, c’est le reste de notre pique-nique au parc. Summum d’une rayonnante journée d’hiver. Allégorie du bonheur.
Je revois l’herbe encore mouillée, sa bouche s’ouvrant un peu, entre deux rasades de coca light, pour gober un peu de bouffe végétarienne, et notre cul tout froid et tout sale quand il a fallu se résigner et quitter ce petit coin de paradis.
La lumière m’éclaire violemment, je suis obligé de plisser les yeux pour capter la scène.
Le lieu est gigantesque, son poids nous écrase mais le silence qui y règne nous apaise. Et la chaleur que les vitraux étincelants dégagent nous invite au voyage.
C’est ce genre de voyage qui l’a amené ici.
C’est ce genre de voyage qui l’a transporté aux Amériques, quelques temps – une éternité, plus tôt.
Son premier amour.
Son premier fiancé.
Et le volte-face, au jour J, juste devant l’autel.
Je l’imagine, sa robe blanche traînant derrière elle, faire demi-tour, tout balayer sur son passage, fuir une vie dont elle ne voulait pas, renier son destin et se précipiter vers un autre chose qu’elle seule devrait définir.
Toutes les photos du monde ne pourront jamais rendre cette image et expliquer ce choix.
Je le comprends. Je la connais.
Dans ma tête, les orgues grondent.
Je contemple les vitraux, la lumière qui vient, larme par larme, s’y désassembler , j’ai envie de crier mais je me tais.
Je souris.