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Frénésie du départ

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« Durant la semaine qui précéda le départ pour Arrakis, alors que la frénésie des ultimes préparatifs avait atteint un degré presqu’insupportable, une vieille femme vint rendre visite à la mère du garçon, Paul. »

Dune, Frank HERBERT

 

Hier soir tard écroulé en étoile sur le lit prêt à rejoindre les bras de Morphée à défaut des tiens mon portable vibre. Lola du fin fond de sa banlieue lyonnaise un SMS aux chauds accents d’Amérique latine – j’espère que tu vas bien elle me dit, et je sais que tu vas partir bientôt en voyage (…) et la route est la voie de la vie.

Si tu savais Lola si tu savais…

J’en suis quasiment frénétique je te jure j’ai que ça à la bouche et dans mes yeux lumineux – comme des phares de camions. Morphée veut pas me tendre les bras à la place elle me dit clair et net d’aller me faire foutre. Parce que même Morphée je la saoule avec ça. Parce que ça revient sans cesse. Une valse. Frénétique. Une obsession.

 

Depuis le temps que j’en parle depuis le temps que j’en rêve – sur les ponts au dessus du périph’  ou en voiture la tête penchée à la fenêtre – les bandes blanches qui défilent elles s’espacent elle s’étirent elles m’appellent. Persistance rétinienne c’est ces mêmes bandes blanches qui défilent dans mes rêves – des rêves éveillés parce que Morphée refuse cette nuit encore de m’accueillir – rêves de goudron et de gaz d’échappement.

Rêve réveillé aussi quand je passe en métro au dessus de l’endroit où mon périple va commencer. Dans quatre semaines maintenant. Je me vois à ce spot au petit matin le pouce levé le sourire aux lèvres avec mes godasses mes guenilles mes guêtres mes sacs et mes pancartes. Qu’est-ce que je vais écrire dessus ?

 

BELGIQUE

COLOGNE

BERLIN

ŁÓDŹ

Ou un truc comme ça on verra bien. Ce qui est sûr c’est que cette fois ci c’est à Łódź que je vais – à 1300 Km d’ici. Une invitation et un sourire breton une fois sur place ça se refuse pas – et puis je connais pas encore Łódź c’est l’occasion de découvrir.

Cette fois ci je me la joue cavalier seul et j’irai d’une traite – avaler d’un coup toutes ces bornes sans filet de sécurité je compte bien rester éveillé pendant 48h tenir à coup de café café café café –

au pire dormir sur mes cartons sur le seuil d’une station-service.

 

Si tu savais Lola comme je suis pressé… Dans quatre semaines ! Même du fin fond de ta banlieue lyonnaise tu dois sentir ça tu dois la sentir cette frénésie je le sais. Si tu savais aussi Lola comme j’ai peur comme j’ai les boules. Peur de jamais y arriver – peur surtout de baisser les bras. Tout se joue là Lola je veux savoir si j’en suis capable j’en ai besoin.

 

Et au delà de la route il y a quoi ? La route je commence à la connaître maintenant elle est familière – et je sais que même si c’est les mêmes mauvaises herbes sur le bas-côté les mêmes gaz d’échappement les mêmes bandes blanches qui défilent la route Lola elle est à chaque fois différente. Et si je la refais dans quatre semaines cette route polonaise c’est pour retrouver les sensations que j’ai eues à l’époque – et quelques bouts de moi aussi. Comme si la première fois comme le Petit Poucet j’avais semé des miettes de pain tout au long de l’E42, de l’A4, de l’A2 aussi, et de l’A10 également, mais encore de l’A12 et enfin de l’E30.

 

et de toutes les autres routes et que je devais les récupérer.

Ou plutôt Lola je me vois partir en repérage oui c’est ça un repérage des lieux de tournage d’un GRAND BORDEL – la vie. La vie on est en plein dedans et on y va plein gaz.

 

Si tu savais Lola comme il me tarde de les récupérer ces miettes de vie ces souvenirs en lambeaux comme il me tarde de grimper dans des voitures allez hop pied au plancher recule pas tout droit toujours tout droit – et t’arrêtes surtout pas ZAG ZAG – comme il me tarde de les toucher ses bandes blanches qui défilent comme il me tarde de PUER la sueur les gaz d’échappement le goudron la nuit solitaire le carton mouillé – comme un vieux chat de gouttière on se la refait pas hein Lola ? – un vieux chat de gouttière…

 

Comme il me tarde.

La cosmogonie du vide

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Je me balade dans les rues de Lille la nuit – comme souvent, p’tit père, du côté de Wazemmes. Et là soudain c’est pas une superbe blonde platine qui apparaît devant moi non – mais un titre – dans ma tête en gros plan comme les sous-titres d’un épisode de série Z.

LA COSMOGONIE DU VIDE

Bon, très bien, je dis à moi-même… Mais maintenant que j’ai le titre, il me faut une histoire, p’tit père, non ?

Sauf que je creuse un peu, cette histoire apparaît pas.

Flûte, zut, saperlipopette – poils de camembert.

D’habitude, il m’arrive souvent d’avoir une histoire d’abord, et de trouver un titre après, une fois le point final ajouté.

Schéma : Idée ==> histoire ==> titre.

Classique tu me diras. Et généralement là où ça foire c’est entre l’idée et l’histoire…

Mais là j’ai pas d’histoire, et encore moins d’idée !

J’ai beau prier tous les dieux de l’Olympe, p’tit père, j’étais sorti de la réalité un bref instant – une fraction d’éternité. Et me voici désormais – inexorablement – revenu dans la rue sombre et pluvieuse. D’autant plus sombre et pluvieuse que 1) j’ai ni capuche ni parapluie et 2) il fait nuit et je porte encore mes lunettes de soleil – depuis que mes lunettes de vue sont pétées, le matin même de mon départ pour Freiburg. Bon, OK… je suis jamais parti pour Freiburg. Du moins pas ce jour là. Ni même cette année là. C’est juste une histoire, juste un jeu, juste un mensonge. À quel point ?

Toujours cette frontière poreuse – fragile – entre ce que je vois et ce que j’imagine, ce que j’imagine et ce que je vois… Mais p’tit père compte pas sur moi pour t’indiquer s’il y a des points de passage, et s’ils existent, où ils sont…

J’ai le titre – maintenant je dois me dépatouiller avec. Faire des recherches. Et comme d’habitude, je dois faire avec ce que j’ai et commencer par le commencement.

Au début était le verbe.

COSMOGONIE – qu’est-ce que ça signifie ? Le système de la formation de l’univers. Légendaire évidemment – brassé selon les différentes mythologies.

Mouais… je t’avoue que là, franchement, c’est maigre comme piste pour raconter une histoire.

Et le VIDE. Pourquoi ce mot ? Genre NETTOYAGE PAR LE VIDE ? Comme ces 46000 mots que j’ai perdus une fois ? Ou genre le Vide ? Avec une majuscule. Comme le néant ? Celui vers lequel tous on se dirige ? Poussière tu retourneras à la poussière ? C’est quoi ces conneries ?…

Pourquoi le vide, pourquoi pas le CHAOS – un truc rocambolesque, un truc qui envoie du lourd. Qui pourrait être le titre du prochain Rambo. « RAMBO VII : LA COSMOGONIE DU CHAOS» Ouais ! Ça va chier ! Avec plein de sang et de petits Viets qui se font massacrer à grand renfort de mitraillette !

Plus sérieusement, le chaos… Opposition de l’ordre et du désordre. Un joyeux bordel en somme. Je crois qu’à partir d’un certain point de vue, tout à un ordre. C’est juste que de là où nous sommes on a pas accès à la logique qui donne un SENS à tout ça tu crois pas ? Ici et maintenant dans cette rue pluvieuse et noire de Wazemmes.

Non, p’tit père, ici et maintenant c’est pas le chaos qui m’est venu à l’esprit, c’est le VIDE. Opposition du rien contre tout. Et tout ça c’est pas rien…

Les dieux s’ils existent n’aiment pas le vide, je pense. Ouaip ! La Nature a horreur du Vide. On dit que c’est vide, mais en fait c’est juste des éléments qu’on arrive pas encore à identifier. Comme l’antimatière par exemple. Ou des trucs de ce genre – hyper-compliqués, carrément capilotractés. Méga-glucose.

Tu vois bien maintenant p’tit père que c’est pas du vide là, ce que tu vois. Vide de sens, oui – désordonné, sûrement – mais pas vide-tout-court.

Écrire c’est désassembler le vide qui ne l’est pas, le déconstruire, le déstructurer, le malaxer, l’étirer comme un chewing-gum de manière à ce qu’il tienne dans le texte de cette semaine – le transformer pour en faire ensuite… je sais pas… pour enfanter… un Grand et Luxuriant Bordel. Cet univers en formation que je suis en train d’engendrer. Et que tu rends vivant-presque-palpable puisque tu m/le l/vis.

De toute façon, peu nous importe, p’tit père – peu nous importe…

Du moment que ce vide nous a fait passer un peu le temps ensemble.