Archives de l’auteur : Ben Howl

À propos Ben Howl

Né en 17 à Leidenstadt, de parents nains connus.

Vitraux

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My Lady s'avance vers l'autel

Elle entre la première et s’avance dans l’église comme si elle savait depuis longtemps ce qu’elle venait y chercher. Je ne fais que la suivre, ombre passagère parmi les arcs, je me faufile vers elle, à travers le damier de pierre.

Vu de loin, de dos, avec son long manteau noir en vison synthétique, elle ressemble à une veuve pleurant son amant perdu.

Le sac plastique qui luit étrangement dans sa main et qui fait tache sur la photo, c’est le reste de notre pique-nique au parc. Summum d’une rayonnante journée d’hiver. Allégorie du bonheur.

Je revois l’herbe encore mouillée, sa bouche s’ouvrant un peu, entre deux rasades de coca light, pour gober un peu de bouffe végétarienne, et notre cul tout froid et tout sale quand il a fallu se résigner et quitter ce petit coin de paradis.

La lumière m’éclaire violemment, je suis obligé de plisser les yeux pour capter la scène.

Le lieu est gigantesque, son poids nous écrase mais le silence qui y règne nous apaise. Et la chaleur que les vitraux étincelants dégagent nous invite au voyage.

C’est ce genre de voyage qui l’a amené ici.

C’est ce genre de voyage qui l’a transporté aux Amériques, quelques temps – une éternité, plus tôt.

Son premier amour.

Son premier fiancé.

Et le volte-face, au jour J, juste devant l’autel.

Je l’imagine, sa robe blanche traînant derrière elle, faire demi-tour, tout balayer sur son passage, fuir une vie dont elle ne voulait pas, renier son destin et se précipiter vers un autre chose qu’elle seule devrait définir.

Toutes les photos du monde ne pourront jamais rendre cette image et expliquer ce choix.

Je le comprends. Je la connais.

Dans ma tête, les orgues grondent.

Je contemple les vitraux, la lumière qui vient, larme par larme, s’y désassembler , j’ai envie de crier mais je me tais.

Je souris.

Parfums d’alcôve

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Morcheeba. Big Calm en boucle.

Ad libidum.

Mes yeux s’ouvrent et se ferment au rythme des basses. Dans l’air tiède, nu sous la couette, j’émerge d’une nuit sans rêves. Trop courte pour ça.

L’aube s’agite. Le ciel est chaud, chaleureux.

Cotonneux, caverneux, brûlant.

L’enfer sur Terre.

Reflets de napalm, paupières fragiles. Odeur de souffre et de transpiration, mêlée à celle des parfums d’alcôve.

Elle se réveille. Discrètement, je disparais du lieu du drame. Elle se redresse un peu sur l’oreiller. Je me glisse, fantôme de feu et de lumière, désintégré, vers la fenêtre.

« Tu fais quoi? »

Avant que ces couleurs, si particulières, ces saveurs orientales, ne s’évanouissent, je saisis l’instant.

On sait que ça ne durera pas.

Un autre morceau passe. Prémisse de la catastrophe annoncée.

Morcheeba toujours. Fragments of Freedom.

Ad libidum. Decrescendo.

On sait que ça ne durera pas.

Ça fait partie du jeu, de la beauté de la chose.

Pour conjurer le sort, on fait l’amour.

Deux fois.

La première pour la forme.

La seconde pour le souvenir.

Bientôt il fera jour, totalement, on s’abandonne l’un l’autre avant de tout abandonner.

Et on partira, chacun de son côté.

 

Tout seul

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Personne sur Facebook.

Aucune réponse aux SMS que j’essaime. Pourtant j’insiste, j’harcèle, deséspérement. Mon téléphone portable ne vibre pas.

J’appelle des soi-disant potes, au hasard de l’ordre d’apparence des contacts de mon répertoire. Personne ne décroche. Je ne me laisse pas la peine de laisser un message sur les répondeurs.

On fait le mort ?

Silence glaçant.

On a coupé les réseaux ou quoi?

Un doute. De mon lit, je me précipite à la fenêtre.

Personne dans la rue. Pas un cri, pas un bruit. Même le vent se tait. Pas une lumière ne défie la nuit d’hiver. Pas de phare, pas de vie à l’horizon.

Je suis seul.

Après le déluge.

Comment j’ai rencontré ta mère

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Années 80.

Une boom chez Isa. Elle me tient, dès le premier regard. Je l’évite toute la soirée. Pour la faire languir, bien lui faire comprendre que ce ne sera pas facile.

Une autre soirée, puis une autre encore. On se tourne autour comme deux chats en chaleur. Des après-midis au café avec la bande. Un slow, Joe Dassin sur une vieille cassette. Au flipper je fais le malin. Un Charleston. The Cure – Lullaby. Moi et ma coupe mi-Forbans mi-Robert Smith. Elle et ses socquettes Benetton et son foulard, le même que Renaud, en plus propret.

M’asseoir cinq minutes sur un banc avec elle. Lui tenir la main. L’embrasser furtivement, lui montrer comment c’est chez mes parents, regarder sous sa jupe dans les escaliers et la prendre dans leur lit. Se dépêcher de se rhabiller, d’arranger sa coiff’ à la Jeanne Mas et la présenter aux darrons quand ils rentrent du boulot.

S’embrasser encore le lendemain, langoureux baiser devant le lycée. On ne se quittera pas. On ira à New York ensemble. On franchira le rideau de fer. Ce jour là, nos yeux se disent: tout est possible.

 

 

Années 2010.

Une des 561 friends d’Isa. Je checke son profil sur Facebook. Je like:

– des photos d’elle en zombie durant une soirée Fin du Monde (bientôt),

– le lien vers le dernier épisode de sa websérie préférée (je partage).

On se retweete l’un l’autre. On s’échange des mails, puis nos 07.

Je capte pas la 3G mais j’arrive à la rejoindre au cinéma.

On veut s’embrasser, epic fail, j’arrive pas à choper sa langue avec nos binocles 3D.

On se retrouve dans un lieu neutre et lumineux, sans lunettes. Au McDo, sur son iPhone elle me montre son année Erasmus à Tampere, je lui montre mon stage à Shenzen.

Un Sundae plus tard, on est dans ma chambre.

Je noue la capote et lui demande de partir avant que mon père rentre. Il sera encore grognon et vidé. N-ième entretien à Pôle Emploi.

Je la rassure: oui, on va se revoir.

Pus tard.

Session webcam sur Skype?

 

Souvent je me réveille

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Souvent je me réveille avec :

  1. un puissant mal de crâne, une haleine fétide et un estomac retourné ;
  2. une groupie éphémère dont je ne me souviens ni du nom, ni de celui du parfum qui émane de son bas-ventre, ni de la façon dont elle arrivée là, et qui me sussure à l’oreille « Encore une fois ? Mais vite, parce qu’après je dois aller au bahut. » ;
  3. des idées plein la tête, éparpillées sur les kilomètres cubes d’un esprit anéanti-bulé.

Et quand j’ouvre les yeux et que je me prends ce connard de soleil dans la gueule, elles se sont déjà évaporées.

La journée commence bien.

Chrysler Building

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Une main.

Mi-rouge mi-bleue, figée, vibrant un peu tellement elle est serrée.

Contre ma carotide.

Une main qui tremble.

Si elle lâche, je meurs.

Si elle serre plus fort, je meurs.

Je suis dans le vide.

Enfin, pas exactement.

Je suis un peu en dessous du soixante-deuxième étage du Chrysler Building. Mes pieds ne touchent plus terre. Je suis suspendu.

À la place de la moquette des bureaux, le bitume. Les rues. Les voitures. Deux cents mètres en dessous de moi. Les trottoirs. Les passants. La vie qui s écoule, parfaitement planifiable, quadrillée, New York City. En plein dans le mille si ma main lâche.

Je commence à avoir froid. À voir double. À ne plus rien sentir. À perdre les pédales.

Enfin, pas exactement.

À m’évanouir.

Donc, ma vue s’embrouille, mon champ de vision se rétrécie. Strangulation. Étouffement. Dans une demi-inconscience, la main, je perçois les va-et-vient de ce sang qui inondent ces veines.

Mes seuls repères.

Ça s’en va et ça revient. Cette valse, ç’en est presque amical, affectueux. Comique.

Mon cerveau n’est plus irrigué correctement. Le manque d’air, le manque d’afflux sanguin, le manque de sensations, tout ça me rend fou.

Enfin, pas exactement.

Mon cerveau flotte sur les gens qui vaquent à leurs occupations quotidiennes, il flotte parmi les buildings qui domptent la ville. Je dérive dans le vent, léger, hyper-conscient. Libre à 2000%.

Le contraste est saisissant.

Et juste avant de m’enfoncer dans les limbes de ce qui ressemble fort à une syncope apnéique, ou juste avant de toucher le fond, de tomber face contre terre, entre Lexington Avenue et la 42ème rue, après un piqué vertigineux, la main m’emporte, me soulève, évanescent, vers l’autre côté de la fenêtre, et me relâche doucement.

Je reprends mes esprits en haletant, et je dis :

« C’est ton tour, maintenant. »

avec les lumières éteintes, c’est moins dangereux

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Un brouillard glacé s’étale sur la ville. Je marche le long des quais, les feuilles mortes crissent sous mes pas. L’automne, la nuit. Direction chez-moi. Dans mes oreilles, Nirvana, Smell like Teen Spirit. Je brandis mon MP3, je veux passer à une autre chanson, celle-là me lasse trop, je respire profondément et j’abandonne l’idée. Je fais un effort, j’essaie d’écouter jusqu’à la fin. Kurt Cobain qui gueule, il ne l’aimait pas trop non plus. Une suite d’accords soi-disant trop simple, que je ne suis même pas capable d’assurer après deux mois de guitare, dix minutes par jour ( en comptant les cinq minutes que je passe à la contempler et à essayer de retrouver mon médiator dans mon bordel ).

 

With the lights out, it’s less dangerous
Here we are now, entertain us
I feel stupid and contagious
Here we are now, entertain us

Le rythme me berce jusque dans le métro, jusqu’à mon appart’ où je pose lourdement mon sac sur le canap’.

J’allume l’ordi. Les reflets de l’écran se diluent dans la noirceur de la pièce.

With the lights out, it’s less dangerous

 

Je dois faire quelque chose.

Je dois faire quelque chose. Mais quoi ?

Me trouver un défouloir.

Here we are now, entertain us.

 

C’était quand, la dernière fois ?

Un jour de printemps. Depuis, tout , à peu près tout, plus ou moins part en lambeaux.

À l’époque, mes textes sont publiés tous les jeudis sur un blog créé par des gars que je ne connais pas, que je n’ai jamais vus, une « armée d’écrivains ». Mes textes ? Mauvais, merdiques pour la plupart, je m’étonne de les voir encore en ligne aujourd’hui.

I feel stupid and contagious

En quelque sorte, avec le recul, ça me stimulait, ça me maintenait en vie intellectuellement.

Le projet est tombé à l’eau. Fractures, divergences entre grandes gueules. Pas la mienne, moi je n’ai pas eu mon mot à dire, je me suis retrouvé devant le fait accompli. Depuis, calme plat sur le clavier, brouillard dans la tête.

Je dois faire quelque chose.

Un blog.

Reprendre là où ça s’est arrêté.

Un blog. Faut lui trouver un nom.

Un blog. C’est nul, ça sert à rien.

C’est stupide.

Un blog, son essence réside uniquement dans sa diffusion. Sa propagation. Effets viraux.

C’est contagieux.

Un blog.

Un défouloir.