Le jour où la nuit brûle – partie 1

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Bill squatte chez moi depuis quelques jours. Ce matin petit-déj’ fissa fissa et métro pour aller au boulot. Dans les souterrains je pense à ce soir – la fin de la journée, la fin de la semaine et sa dernière soirée ici. Faudra bien se la faire – vivre à fond la nuit la ville sans fond. Cette perspective me réjouit – hop je dégaine mon portable et lui envoie un SMS : « Ugh ! Comment ça se passe en la casa ? Beatbox ce soir au bord du canal ? Avec harmonica ukulélé et deux illustres troubadours distingués à l’air vespéral ? ». Ouais du beatbox – comme la fois où on en a improvisé sur le belvédère qui dominait la ville et ça a duré des heures des heures on savait parler toutes les langues de Babel après la tour et d’outre-Quiévrain. Anglais-Français-Allemand-Russe-Esperanto- des « Mmmm » et de « Tsss » et des « Bop » aussi. Et la fois où on en a fait aussi – en plein jour cette fois – et en public parmi les hautes herbes pas folles dans les jardins de ce château.

Bill – sa réponse : « Hell yeah ! » – rock’n’roll.

Je suis de bonne humeur énergique et joyeux toute la journée. En rentrant chez moi Bill a déjà fait les courses. Repas simple frugal mais bon – du pain de la sauce provençale qu’on tartine dessus et qu’on saupoudre de comté râpé. Une idée de recette qui vient de Mina, la copine de Bill – Serbe, pianiste, belle comme une déesse et intelligente en plus. Comme dessert des yaourts à la rhubarbe délicieux – Bill en est devenu fan.

On prend nos affaires Bill prend ma guitare qui me sert pas je compte la revendre bientôt je pense et peut-être m’en prendre une autre.

J’embarque:

– mon ukulélé fruit d’une de mes visions il y a plus d’un an qui m’a happé alors que je rentrais chez moi après une soirée sous le soleil au zénith

– mon harmonica qui date de mon séjour assez récent en Bretagne fruit de ma frustration de pas avoir pu embarquer le uké – pas assez de place dans mon sac de bidasse

– un « tssi-tssi » vu que je sais pas comment ça s’appelle fruit de mon week-end à Hambourg en décembre dernier rejoindre dans le froid Anna la Russe – quelle beauté – qui m’avait invité à voir un concert – mais moi c’était pour la voir elle que je me tapais dix-neuf heures de trajet – l’aller ! – et une nuit dehors.

Et c’est bon on part.

Deux grands dadais dadaïstes en bermuda pantalon japonais sandales Converses chemise en lin – ou c’est du chanvre, Bill ? – t-shirt rock’n’roll et chapeau à plume – des pèlerins le regard qui se perd au loin tellement il est à l’affût. B.Howl votre bien dévoué serviteur ici présent – et Bill Burroughs/Graham/ce-que-tu-veux. C’est toi qui voit mec ! B.Howl et Bill. J’en suis particulièrement fier, de celle là…

Et ce parc dans lequel on arrive et qu’on a tellement vu – la dernière fois déguisés intérieurement en peaux-rouges ou en Sioux. Ou en Navajos hi ho hi ho. On pose nos culs et notre attirail sur l’herbe humide. « Tu verras », Bill me dit « les gens vont venir ! ». Devant moi on voit Camille assise à flan d’arbre qui lit je crois – son vélo posé près d’elle. On s’approche d’elle – ça fait un bail qu’on s’est pas vus je suis ravi de la voir. Elle me regarde « Je suis en train de t’écrire une lettre B.Howl » elle me fait. Elle a reconnu Bill – elle l’a vu une ou deux fois – mais pas moi. J’ai tant changé que ça depuis la dernière fois ? On lui propose de se joindre à nous mais elle vient pas c’est pas le moment. Je comprends et on retourne s’asseoir dans notre coin. Les lumières tournoient autour de nous le soir tombe maintenant c’est les dompteurs de feu qui jouent à la flamme des dompteurs de feu des tournicoteurs. Plus loin des zombies aussi des allumés des gens à la coule. Pour s’échauffer on se fait à deux « Le lion est mort ce soir » puis Bill m’apprend « Little Boxes » la chanson du générique de Weeds. Mais c’est pas évident et ça finit par me gonfler.

Je lève la tête – les feux barbares bardent dardent dans la nuit – chantent s’envolent et crépitent. Ne s’épuisent jamais. Là-bas auprès de son arbre Camille écrit – jeux d’ombre et de lumière je me souviens de ses yeux de ses yeux de ses yeux – oniriques – à la lumière des bougies. Me demande si la lettre qu’elle est en train d’écrire je la lirai un jour… Bref j’essaie de pas y penser. J’attrape mon ukulélé et montre à l’habille Bill – je l’assume moins celle là – « Take a walk on the wild side ». Ensuite on se la refait – comme il y a deux ans quasiment jour pour jour. « Mais le matou revient ». Et puis on se tape un délire sur « Mais non mais non ce n’est pas une chanson monotone » – je te la ferai quand tu veux si on se voit un jour, mec. Puis Bill à la gratte accompagné par moi au tssi-tssi enchaîne sur des chants en espéranto en sanskrit en beatbox en n’importe quoi qui monte dans la nuit et disperse et brûle les ombres du ciel – qui finit comme au commencement par un « om »

OOOOOmmmmmmmmmMMMMMmmmmmmm

omni-tout.

Allez on se reprend sur « Armstrong je ne suis pas noir » et je me dis que c’est con que j’ai pas pris mon kazoo au cas où… – qui vient de Hambourg aussi pour ceux que ça intéresse, le magasin de musique presqu’en en face du musée des Beatles qui a fermé pour de bon genre quatre mois avant que dans cette ville je débarque tonitruant.

Un groupe deux filles deux gars passent : « Jouez nous quelque chose » Ah ouais Bill ça marche. On distingue pas trop leur visage il fait sombre maintenant. Une des nanas a sur son t-shirt la même photo que moi – les quatre garçons dans le vent traversant le passage piéton d’Abbey Road.

J’ai traversé ce même passage piéton il y a quatre ans. Comme la plupart des touristes qui passent par cet endroit je suppose. Sauf que j’ai aucune photo qui fête l’événement – y’avait personne d’autre que moi et je pouvais pas me prendre en photo tout seul – par contre j’ai signé sur le mur du studio – là aussi comme pas mal de touriste – les murs ont dû être repeints depuis – plusieurs fois.

Bill nous joue un truc qui selon lui « mettra tout le monde d’accord : « Les amants de Saint-Jean » et il se tape même une envolée lyrique à la fin. Le groupe nous quitte. Je sens que pour nous aussi il est temps de bouger. On s’ankylose à force de rester au même endroit. On remballe nos instruments – un dernier regard sur Camille et on prend congé de ce parc on disparaît on s’enveloppe dans le manteau de la nuit.

 

La suite la semaine prochaine…

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