Je me vois

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Je me vois me lever à l’aube avant même le soleil

Je me vois boire mon café froid fumer mon cigare en contemplant les lueurs du ciel qui s’étiole

Je me vois débarrasser mon bureau – papiers paperasse bouquins cartes postales miettes de pain

Je me vois y poser la machine à écrire et le rouleau que j’ai préparé

Je me vois enfiler une tenue de guerrier Maasaï ou je-ne-sais-quoi

Je me vois taper à la machine plus fort et mieux que ça plus vite plus vite là je me galère un peu pas encore bien réveillé

Je me vois écouter du jazz Dizzy Gillespie Thelonious le grand Monk un peu de jazz manouche aussi et de l’électro-be-bop.

Je me vois boire du maté au coca rouler des cigarettes avec mes doigts noirs et crasseux et en fumer du matin au soir

Je me vois plus regarder les toucher juste taper taper

Je me vois maudire le retour à la ligne pas automatique

Je me vois écrire écrire dessiner des lignes des chemins faire pas mal de digressions mais toujours en moi des idées claires un projet – tout raconter ça va sortir comme c’est venu

Je me vois martyriser le papier qui glisse comme sur un rouleau compresseur

Je me vois écrire et m’amuser de la poésie et des mots des mots que j’aurai inventé comme le mot souverêve

Je me vois écrire écrire dans l’extase la précipitation et les souverêves justement les touches comme des mitraillettes j’ai pas encore dit ma dernière cartouche épuisé mes derniers mots

Je me vois penser à tout ça les yeux dans le vague

Je me vois interconnecté avec la machine mon moi voûté sur la chaise

Je me vois tout dire

Je me vois me servir parfois de mes carnets de voyages journaux intimes déchiffrer tout ce que j’ai pu y puiser y cacher tout ceci doit sortir au grand jour

Je me vois me servir de toute mon énergie sexuelle et tout donner dans cet élan masturbatoire

Je me vois les lettres gicler s’assembler fécondation d’idées étranges mélange de papier et d’encre

Je me vois pas arrêter pas renoncer continuer jusqu’au bout de la feuille de la route

Je me vois me souvenir de nos vies antérieures c’est pas un hasard tu t’appelais Yashan tu étais mon compagnon de voyage là-bas quelque part parmi les yourtes de Mongolie intérieure sur les steppes où nos regards se posaient debout sur nos chevaux arabes parfois quand tu en buvais tu foutais plein de lait de yak partout sur ta moustache

Je me vois tripper ainsi comme sous drogues ou pire possédé

Je me vois les bras en mouvement je danse je danse sur la machine et le jazz le sax dans les oreilles les choses de l’esprit tout est clair clair je trace je trace.

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