Le matin chez les Babacools

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(CASARABONELA, PROVINCE DE MALAGA – ESPAGNE)

Je regarde ma montre : elle indique qu’il est déjà 07h53 du matin. M’estimant suffisamment reposé, je me lève.

Je quitte ma chambre et traverse le couloir qui mène au salon. Mac Fly et Marie-Fernande y ont laissé un bordel innommable : ponchos et couvertures roulés en boules sur le canapé, boulettes de marijuana et emballages de bonbons sur la petite table autour de laquelle ils ont coutume de refaire le monde… Hier, le narguilé trônait fièrement au dessus de la télévision. Ce matin, il gît à terre. Normal… Dans la cuisine, c’est le même scénario : piles d’assiettes et de couverts hautes de trois jours, constellations de miettes de pain sur l’évier… Je quitte l’endroit et vais dehors. J’en profite pour laisser la porte ouverte afin d’aérer la pièce.

J’arrive dans la cour et retrouve les chiens du voisinage qui squattent l’entrée : Bolita, Sierra et Nanouk. Ce sont de vraies peluches. Je n’ai jamais vu de chiens aussi tendres et complices : ils me submergent de câlins et m’accompagnent dans ma marche au milieu des orangers.

Nous sommes à la mi-mars et déjà, leurs fleurs dégagent cet agréable parfum qui leur est propre… Dans le Nord de la France que j’ai quitté il y a deux jours, les routes étaient paralysées par la neige, les arbres morts et mon moral en berne. Ici, les oranges sont déjà juteuses, sucrées et abondantes et le ciel, bleu. Les maisons des alentours de style typiquement andalou, blanchies à la chaux avec leur inimitable patio fleuri, brillent comme des lanternes dans la montagne. Dans cette nature prodigue qui m’offre des oranges à foison, du soleil et de magnifiques paysages à contempler, je me sens renaître et m’épanouir.

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« -Hola Amigooooooo… !

-Tiens, salut Mac Fly ! Bien dormi ?

A ma grande surprise, il est déjà levé. Je me demande quelle mouche l’a piqué. Il me rejoint dans l’orangeraie, joint aux lèvres. Le chiot Bolita l’escorte.

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-Non… J’arrive plus à dormir depuis 8 heures du mat’…

-Tu t’es couché à quelle heure ?

– A 05h00… On a visionné des concerts de reggae une bonne partie d’ la nuit…

-T’es en forme pour aller marcher ?

-Olaaa… Freine mon ami, freine ! J’ vais me recoucher dans peu de temps…

-Ah bon ?

-Bah ouais, j’ai dormi que 3 heures !

Je dissimule ma déception. En effet, je nous imaginais vadrouiller ensemble … Tant pis. J’irai marcher seul. Pendant ce temps, il tire avidement sur son pétard.

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-C’est cool la vie ici, tu sais… Argumente-t-il. On fonctionne différemment tous les deux : toi, t’es du matin, tu marches et tu fais de la photographie, alors que moi j’ suis plutôt de l’après midi, j’ fais de la Zic’ (musique) et la teuf le soir…

Il s’amuse à faire des ronds de fumée et reprend :

-T’inquiète, on va trouver un compromis… Cet aprem, on taille la route en caisse jusqu’ à Ardales… Tu vas aimer, c’est un village tout blanc comme ici avec un grand lac et des roches aux formes bizarres. J’ vais prendre mon cithare, ma guitare et mon pétard… Tu vas voir, on va être peinards… Au passage, tu peux m’ féliciter pour les rimes !

-AH ! AH ! Bien Mac Fly ! J’aime quand tu proposes des trucs ! Au fait, ça te dit que j’te prépare un jus d’oranges ?

-Attends, j’ vais me refaire un bon joint avant.

-Tu viens d’en terminer un !

– (temps de réflexion)… Certes, Amigo, mais un bon joint précède toujours un jus d’oranges…

Quelques minutes plus tard, je reviens avec le fameux breuvage.

-Putain ! C’est bon ! Mac Fly avale son verre d’un trait.

-Ça fait du bien là ou ça passe ! Hein ?

En ce moment, c’est la meilleure période pour les oranges… Ici, on s’ fait pas enculer par les grandes surfaces : les oranges, c’est GRATOS pour todo el mundo! VIVA ESPANA !

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Nous discutons un bon moment tout en admirant le paysage et faisons le tour de la propriété. La végétation est luxuriante: je découvre simultanément sur mon chemin amandiers, citronniers, oliviers et bien sûr une multitude d’autres orangers. Alerté par des bruits de clochettes en provenance des hauteurs, je lève les yeux et aperçois un troupeau de chèvres dans la montagne : je me régale de cette vision de la nature andalouse !

Tout à coup, Mac Fly crie :

-Putain !

-Quoi ?!

-Le pétard commence à me faire effet mec ! (il baille). Vite! J’ vais m’en rouler un troisième pour accentuer l’effet des deux premiers, comme ça j’ serai K.O comme il faut pour bien dormir…

-Dis, Mac-Fly… T’en fumes combien par jour ?

-Une p’tite dizaine…

-LA VACHE !

-Quoi ? Je fais des efforts, tu sais… L’an dernier, j’ comptais pas… En plus, je finquais des spliffs gros comme des barreaux de chaise et ils étaient sacrément chargés !

-Sérieusement, quand tu dis qu’tu comptais pas, t’en fumais combien ? A peu près ?

-J’ viens d’te l’ dire : j’comptais pas…

-J’ termine mon jus et j’y vais mec… Ton p’tit village a l’air foutrement photogénique, j’ai hâte d’en faire quelques clichés.

-Fais à ta guise ! Au fait, i’ s’ peut que j’sois pas réveillé à 11h00 : j’entends pas toujours mon réveil… Si j’suis encore dans mon plumard à ton retour, réveille-moi.

-Vale, Chaval ! (d’accord mon gars).Tu penseras à laisser la porte ouverte pour moi ?

-Elle l’est toujours… Même quand on part… On n’a plus la clef ! Un de ces quatre, j’en demanderai une autre à Antonio le proprio…

-T’as jamais pensé à en faire un double ?

– Ca m’est jamais venu à l’esprit… Peut-être une prochaine fois… Ma foi…

-Sacré Mac Fly ! Allez… A tout à l’heure !

-Si ! Hasta luego !

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Je descends de l’orangeraie et arrive sur la route sinueuse qui mène au centre du village. Chemin faisant, je songe au duo Max / Marie Fernande et à leur vie de bohèmes. Ils me font penser aux hippies de la chanson «  San Francisco » de Maxime Le Forestier.

Ainsi, je me mets à chanter par bribes cette même chanson :

« C’est une maison bleu adossée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clef…………………………Peuplée de cheveux longs, de grands lits et de musique, peuplée de lumière et peuplée de fous, elle sera dernière à rester debout…………………. ».

46000 mots

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« Perdre 46000 mots c’est comme éjaculer dans un mouchoir – c’est contre-productif » Anne Onyme.

 

Cette semaine juste quelques mots pour vous dire que je viens d’en perdre 46000, justement, des mots.

Quarante-six mille. Un peu plus même.

La retranscription du carnet de voyages de mes vacances en Irlande cet été.

J’étais tranquillement installé à la table de ma cuisine – ma table d’écriture – en calbute, juste après le réveil une douche et un café-clope au rebord de ma fenêtre – encore dans le cake alors que l’aube pointait à peine le bout du nez – j’écoutais Neil Young – une de mes chansons préférées.

QUAND SOUDAIN…

Mon ordi a freezé – le son s’est figé, plus moyen de bouger le curseur, écran paralysé. Pas eu d’autre choix que de redémarrer le salaud.

« C’est bon » je me suis dit « de toute façon j’utilise un traitement de texte spécial qui enregistre automatiquement et régulièrement mon texte. » – si on veut il compte les mots, il donne le pourcentage de l’objectif du jour à atteindre – il imite même le bruit de la frappe à la machine à écrire – c’est vous dire…

La machine redémarre, je lance le logiciel. Et là

PLUS RIEN.

J’ouvre mon document avec un autre traitement de texte – un programme plus normal – WYSIWYG on appelle ça – et on trouve que c’est normal…

Ouf, tout est là – il manque juste deux ou trois lignes – la sauvegarde automatique les a pas prises en compte – pas grave ça ira vite pour rattraper tout ça.

Je ferme le premier logiciel. Je ferme le second sans rien modifier. Et je relance le premier.

PLUS RIEN – bis.

Je relance le second. Et là

PLUS RIEN LÀ NON PLUS.

Mon texte s’est envolé.

46000 mots.

Des mois de travail. Des soirées entières avachi sur mon tabouret avec Blur en fond sonore

Pas le temps de paniquer je dois me préparer fissa pour aller bosser.

Allez bordel, restons positifs !

Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien

 

J’ai compris la leçon – c’est pas grave c’est le destin le hasard la – triste – fortune – de mes deux.

Ça veut simplement dire qu’il est peut-être temps de passer à autre chose.

J’ai d’autres carnets de voyages qui attendent d’être retranscrits. J’ai d’autres projets, d’autres choses à raconter. Beaucoup plus intéressantes.

Et ensuite – plus tard – quand j’aurai le temps et quand j’aurai plus ce bordel coincé dans la gorge comme un vieux crachat dans une glotte – PEUT-ÊTRE que je me replongerai à nouveau dans mes souvenirs et que je re-retranscrirai mes vacances.

D’ailleurs, il se pourrait même que ce soit mieux.

Parce que là, honnêtement, ces 46000 mots –

Quarante-six mille. Un peu plus même –

c’est absolument pas montrable. Pas romançable.

C’est nul, ça part dans tous les sens, ça concerne que moi moi MOI et personne pourrait les lire.

De la matière brute.

Toute bonne à être malaxée broyée chiée mélangée transformée incorporée dans un texte qui – LUI – le sera – romancé.

Inch’Allah.

 

46000 mots envolés.

Mais au moins ça m’a fait les dents.

Je chantais ? Eh bien, je danse maintenant.

Nus à la Villa Aqua d’Ostende

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Marco quitte la salle des douches et fait ses premiers pas dans la piscine. Il arbore un large sourire et lève les bras au ciel:

-YES ! J’ai franchi la première étape : me foutre à poil, prendre ma douche et arriver jusqu’ ici. Franchement, je l’ai fait les doigts dans le nez ! (Il joint le geste aux mots).

J’aime son sens de l’humour. De tous ses traits de caractère, celui-ci est le plus remarquable. C’est un gai luron qui trouve toujours une occasion de rire.

Il traverse le bassin en apnée avant de refaire surface à son extrémité.

« -Elle est bonne ! J’ me suis plus baigné dans une eau aussi chaude depuis mon excursion aux Thermes de Budapest…

Le thermomètre indique 42 °.

-T’ as été aux Thermes de Budapest ?

Oui, Monsieur !

-Tu sais qu’ tu fais un bel enfoiré ?

Marco riposte avec une réplique aux accents de vérité universelle :

-Mec… Le monde se divise en deux catégories : ceux qui voyagent pour découvrir la beauté du monde, et ceux qui restent en place. Moi, je voyage…

-Marco, c’est beau comme une citation c’ que tu viens de dire… Tu sais quoi ? J’en n’ai rien à branler !

-Oh !

Dans son regard, je découvre l’étonnement. En fait, je l’ai profondément surpris à jouer son propre jeu : le sarcasme. Je suis d’ habitude respectueux et enclin à prendre les choses à cœur, mais là, j’avais envie de m’amuser…

-Ah ! Ah ! T’es trop fort mec !

Il me tourne le dos, prend appui sur le rebord du bassin et se dirige vers l’extérieur :

-Tu viens ? On va les tester ces saunas ?!

Je lui emboîte le pas.

La Villa Aqua est un établissement réputé à Ostende. C’est un espace entièrement consacré à la tranquillité et au bien-être. Sa particularité est d’accueillir un public exclusivement naturiste.

Quelques jours avant cette virée, Marco m’a passé un coup de fil au cours duquel il m’a proposé de passer un week-end ensemble… Ayant découvert l’existence de la Villa Aqua à la même période, je lui ai suggéré d’y aller. Naturellement ouvert d’esprit et amateur d’expériences « insolites », il m’a suivi.

Nous quittons la surface couverte du complexe et allons dehors, dans le jardin, agréablement dessiné et peuplé de sculptures du style de « L’Homme qui marche » de Giaccometti, auxquelles nous prêtons à peine attention…

Nous longeons un bosquet et découvrons, cachée derrière, une piscine d’eau de mer. Marco profite qu’elle soit inoccupée : il s’élance, pousse un puissant cri et fait une bombe.

Je le rejoins, sans l’imiter pour autant…

L’endroit est vraiment beau et paisible et la sensation de nager nu, très agréable. Je me laisse aller et rêvasse. Je ne suis qu’en Belgique, à 50 kilomètres de chez moi et pourtant, je me sens tellement dépaysé ! En France, nous avons peu de structures naturistes à l’image de celle-ci. Nous fustigeons cette pratique que nous voyons comme le loisir privilégié des pervers et des voyeuristes. En Belgique, rien de tel. Les autres naturistes nous rejoignent dans le bassin et nous saluent cordialement. Il n’y a entre nous aucune attitude malsaine, juste du respect.

Nous quittons le bain et nous dirigeons vers les différents saunas. Nous les essayons tous : le sauna finlandais en bois de bouleau, le sauna infrarouge, le sauna zen, le sauna traditionnel… Après une douche rafraîchissante et revigorante, nous prolongeons notre transpiration en allant dans un hammam aromatisé à l’huile essentielle d’eucalyptus… Que du bonheur !

En quittant les lieux, je me permets un brin d’humour :

-Marco, tu sais que t’as un cul tout rose et salement poilu ? On dirait un postérieur de macaque !

-Non mais… Tu t’es regardé, l’imberbe ? Ah ! Ah !

Entre potes, pas de tabous…

La chaleur du sauna et du hammam nous détend à un tel point qu’après nous être installés dans les transats, nous sombrons dans le sommeil.

Réveillés par la fraîcheur de l’air, nous décidons d’aller manger. Le restaurant de la Villa Aqua est d’allure très contemporaine avec un design épuré et des couleurs froides.

J’avale d’un trait mon verre de thé glacé avant de me jeter sur mes pennes aux tomates séchées et copeaux de parmesan.

Marco engloutit sa portion de moules-frites tout en dégustant une bière brune.

A un moment donné, de la sauce à base de crème fraîche qui accompagne ses moules dégouline sur son torse velu… Il passe son doigt dessus et le lèche goulument en me fixant dans les yeux :

-Mon petit gars… Je parie que cette image de la sauce blanche sur mon torse va rester gravée dans ta mémoire et te faire fantasmer à jamais…

-Ah ! Ah ! Que t’es con !

Le lendemain, au retour, dans le tram qui nous mène d’Ostende à la frontière française, je lui demande quel souvenir il gardera de cette virée.

Il ne me répond pas tout de suite : son regard semble se perdre dans l’immensité des plages que nous longeons.

-… La beauté et la sérénité de l’endroit… Et toi ?

-Moi ? Ta bite qui fait du YO-YO !

-Hein ?!

-Quand tu as couru avant de faire une bombe dans la piscine hier, ta bite rebondissait et donnait l’impression de faire du YO-YO !

-Vicieux ! Tu crois que le fait qu’on soit potes depuis 13 ans t’autorise à contempler ma bite ? J’hallucine ! ».

Il n’empêche qu’après avoir regagné chacun nos pénates, il m’a envoyé ce message sur mon téléphone portable :

«  Super Week end en ta compani ! A refair ! T’inkiète, Cé San rancune pour « la bite qui fait du YoYO ». J’t’embras sur la fesse gauch ! A+ ».

De quoi m’endormir rassuré…

Parmi les Fellaheen

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Cracovie, Amsterdam, Luxembourg, Louvain, New-York, Lille ou Paris –

ou ailleurs

peu importe où.

Je me souviens de ces parcs

grandes étendues d’herbe plus ou moins verte

odeur de gazon tondu ou de merde de chien écrasée.

Un appel à s’allonger.

À faire comme eux, là –

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Nobles clochards le cul posé sur les journaux dépliés qu’ils viennent de lire.

On y parle de retraites, de tsunamis nucléaires, de Syrie et eux mangent sagement leurs raviolis froids à même la boîte de conserve.

Je les contemple dans la lumière rasante d’un après-midi d’automne.

Barbes de trois mois cheveux crépus

vêtements qui puent

Peaux rouges qui scintillent parmi les feuilles qui tombent et glissent sur eux.

Je pose mon manteau sur l’herbe encore humide

enlève mes veilles Dr Martens – usées par la pluie la neige la bière et les milliers de kilomètres qu’elle et moi on a faits ensemble –

pour sentir l’herbe le vent le froid sur chacun de mes orteils.

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Ils font ce qui vient dans leur tête

au moment où ça vient

pas besoin d’explication – wham wham.

Des Beats. Des Fellaheen.

Loin de chez eux.

Tous des dézingués de l’Interzone

Interlopes déshérités dépossédés de tout sauf du Grand Air

qu’ils ne sentent déjà plus

dans les vapeurs alcoolisées

Fantômes doublés de pochtrons.

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Ce mec là ne doit même plus savoir si dans sa bouteille

c’est de la piquette ou de l’eau de pluie.

Il reste là figé

par tous temps.

Il y en a deux là-bas qui sortent du lot

comme s’il n’avaient rien à foutre là

Le mec fume un cigare, la fille est allongée

son regard se pose sur moi.

Ils se lèvent et viennent à ma rencontre.

Présentations rapides

Martin et Moïra

enchantés.

B.Howl.

Idem.

Ce qu’on va faire demain ? Aucune idée. Attends de voir ce qui va se passer ce soir.

Ils s’éloignent et me laissent la tête dans l’herbe et les yeux dans les nuages.

Martin et Moïra…

J’imagine leur vie.

En cavale.

Travailleuse sociale

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Il voulait changer de vie.

Je suis là pour ça.

« Il »: Martin Morin – pas encore trente ans – les yeux déjà fatigués les traits tirés les cheveux grisonnants et les narines dévastées – rongé par le stress de la vie qu’il menait. Bossait comme trader ou un truc de ce genre. Alignait les zéros à la fin du mois et signait toujours de ses initiales.

M.M

Pas de femme pas de gosse pas de temps pour ça mais un beau canapé en cuir brossé et une belle bagnole – pas le temps de la conduire évidemment.

 

Le scénario est simple.

Comme toujours le début doit être fracassant. Rentrer par effraction dans sa chambre d’hôtel – quatre étoiles, champagne offert par la réception – le surprendre au pieu avec son escort en toc, les menacer avec une arme – factice – demander gentiment à la nana d’arrêter de couiner, de prendre ses cliques et ses claques et qu’on la revoit plus traîner ici.

Et commencer à entrer dans le vif.

Du sujet.

D’observation.

 

Martin s’est vite pris au jeu.

Sans même s’en s’apercevoir.

Mon charme y a été pour beaucoup.

Je lui ai fait faire une erreur de frappe.

Qui a eu pour fâcheuse conséquence un léger traficotage des comptes de sa boîte

la veille du jour de sa démission.

De quoi voir l’avenir tranquillement loin de tout ça.

Et depuis… Deux ans de vagabondages, de fuites à travers les villes et les champs.

Libres.

Des bagnoles qui défilent – des panneaux indicateurs – à contre-sens –

on roule on roule à toute berzingue – pied au plancher – le cœur chaviré.

Une sorte de longue lune de miel.

Et parfois comme maintenant on s’arrête.

Dans un parc parmi les clodos.

Dans une ville qui ne nous connaît pas.

 

Martin je le contemple

il se la coule douce

caché dans l’herbe étendu jambes et bras écartés

il fume un bon gros Davidoff 3000 comme au bon vieux temps où il tordait les cordons de la bourse et ne vivait pas encore la vie qu’il rêvait –

avant qu’il ne plaque tout et que je l’embarque avec moi là dedans.

Il était promis à de grandes choses.

Il l’est toujours – simplement pas de ces choses auxquelles ses aînés voulaient qu’il tienne.

De ces GRANDES choses – de celles qui ont toujours coulé dans son sang, de celles qui battent sous sa tempe.

J’en suis le révélateur, le catalyseur –

et l’accompagnateur –

 

Martin s’amuse à saisir l’avenir dans ces volutes qui se dispersent dans le ciel dégagé.

Il tourne la tête vers moi. Je fais semblant de me prélasser pieds nus les yeux clos mâchonne un épi de blé un livre écorné sur la poitrine.

Il me voit respirer calmement – mes petits seins montent et descendent au fur et à mesure de ma respiration.

 

On est tous les deux crevés

après avoir fait l’amour tout à l’heure

sur les murs d’une usine désaffectée.

Semer les fruits de la renaissance parmi les ruines et les mauvaises herbes.

J’avais envie et mes envies deviennent toujours réalité.

C’est ça la leçon que je veux enseigner à Martin.

Enveloppé dans son blouson de cuir écaillé par toutes ces nuits pluvieuses –

Martin repense à tous nos périples.

Depuis quand ça dure ? Quand il m’a suivi il a dit qu’il finirait perdu.

Au contraire maintenant il a jamais autant eu l’impression de s’être retrouvé.

Il veut changer de vie.

Je suis là pour ça.

Un versement automatique tous les mois.

Une somme rondelette.

Sur un compte en banque.

Aux îles Fidji.

Je suis travailleuse sociale.

Pour bourgeois.

Friqués.

En manque de sensations.

Fortes.

Le concert des Pixies au Paradiso

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Amsterdam la cité des anges…

Ah ! On me dit dans l’oreillette que c’est pas exactement ça…

Le long des berges mortes on est venus des quatre coins du monde – Candy, Marla et moi – pour se retrouver à Amsterdam où les Pixies se donnent en concert CE SOIR.

Marla a pas réussi à choper une place pour elle – mais au moins elle peut passer un week-end avec sa sœur – ce qui est, par les temps qui courent, un événement en soi inestimable.

Le Paradiso – certainement une ancienne église réformiste ou un truc de ce genre – transformée en salle de concert. L’acoustique doit être pas mal je suppose.

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Ça me fait penser à la fois où je suis rentré dans une église à Amsterdam – la dernière fois que j’y suis allé, avec Élodie. À l’entrée il y avait écrit « Café gratuit à la fin de l’office » alors on a débarqué sans prévenir – un culte anglican, tout le monde chantait des airs gospel, tout le monde joyeux et accueillant et le prêtre en kilt. Quand tout a été terminé, on nous a filé des tasses de café – pas fameux mais j’en ai pris deux ou trois fois – attends, normal : il était gratuit. On nous a même demandé si on voulait manger avec les gens de la paroisse mais quand même, fallait pas pousser le bouchon…

Candy et moi on attend une heure sur les marches du parvis – à mâcher des Malabar en rigolant. Un gars nous tient compagnie – il nous parle des précédents concerts auxquels il a assisté au Paradiso.

On se place dans la fosse au premier rang pour tout voir du concert. On est même devant les photographes qui essaient de nous piétiner pour avoir leur plus beau cliché.

Le stand de bières est pas loin non plus – un peu en retrait sur la gauche.

En première partie – un groupe dont on sait pas le nom. Ça passe… mais on s’extasie pas devant eux on est pas venus pour ça. On est venus pour voir les PIXIES

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Et les voilà justement qui débarquent sur scène.

Hell Yeah !

Sans Kim Deal qui est passée au Paradiso il y a pas longtemps avec son propre groupe – les Breeders.

Mais toujours avec l’amour vache du public qui les caractérise.

Pas de bonjour, aucun mot entre les morceaux. Ils les alternent presque sans aucune pause.

Des vitraux derrière la scène. Des prêcheurs, des envoyés de Dieu.

Des envoyés du Dieu du rock alternatif.

L’acoustique ? Le seul regret : du premier rang on entend pas trop la voix de Black Francis.

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Au niveau de la bière, le seul regret : c’est de la Heineken et puis c’est tout.

Les chansons défilent sous nos yeux ébahis – putain on est juste devant Joey Santiago quoi !

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La salle affiche complet. Du premier rang je me retourne et je vois la foule en délire – dans tous les sens les gens sont déchaînés ils sautent partout. Des pogos en pagaille. Pour nous le but consiste à pas se faire écraser contre le bord de l’estrade. Planet of Sound.

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Les Pixies ont vieilli – et leur public aussi. Les pogos sont finalement tout timides comme si les gens avaient peur de se casser un ongle ou de se froisser un muscle. Allez du nerf les enfants !

Here comes your Man . Il fait chaud très chaud des jets de transpiration des corps qui se mélangent. Au bout d’un moment je fixe Candy des yeux. Je vais sombrer alleeeez ouais je sombre c’est pas tout les jours que l’occasion se présente et je me jette en arrière je me fais absorber par ces rangées ces armées de bras emporté par la foule je nage nage et je ressors la tête de cette masse humaine qui sent la Heineken en gueulant YOU NEVER WAIIIIT SO LOOOOONG !!!!

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Puis une chanson plus calme et on relâche la pression.

Avant d’attaquer la foule de nouveau. Debaser

Et pour l’instant, aucune de mes chansons préférées – Gouge Away, Caribou et surtout, évidemment, Where is my Mind.

Rappel.

Du premier rang on voit la songlist aux pieds de Black Francis et de Joey Santiago.

Ils vont faire un deuxième rappel. C’est obligé. Et ils vont clore le concert par Where is my Mind.

C’est écrit.

C’est écrit WHERE en majuscules tout comme c’était écrit WAVE pour Wave of Mutilation.

Voilà. Les Pixies se cassent. Ils vont revenir interpréter l’hymne de toute une génération.

Les techs font à nouveau les balances.

Puis soudain l’un d’eux fait un geste de décapitation. C’est fini.

Les bâtards vont partir comme des voleurs alors qu’il leur reste LA chanson à jouer.

Dans le public des gens déchaînés s’emparent du micro pour le péter. L’ingé intervient ! « C’est eux bordel ! C’est pas nous ! Laissez le matos tranquille, c’est sur eux qu’il faut taper. »

Candy et moi on finit notre bière tiède et on repart bredouille – rejoindre Marla quelque part dans le Quartier Rouge. Les Pixies vont peut-être aller se coucher – notre nuit à nous ne fait que commencer.

Dans la Vie

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La Vie

comme on dit

c’est comme une boîte de chocolats :

on sait jamais sur quoi on va tomber.

Et hier c’est sur Lydia que je suis tombé.

Ses cheveux, son show – tout en elle m’a scotché.

La charmante, la coquine Lydia…

Qui ferait taire toutes les bombes du monde

qui ferait baisser tous les fusils d’assaut

en dandinant du cul.

Dans la Vie il fait très chaud –

toujours.

Et humide.

Saleté de clim de merde

qui marche une nuit sur deux.

Dans la Vie la boîte de chocolat

que j’ai ramenée pour Lydia

fond. Inexorablement.

Comme une merde.

Dans la Vie Lydia aurait voulu être prof.

Ou infirmière.

Dans la Vie dans le fond dans le noir

tout le monde est pareil

on a que nos yeux pour voir

et nos mains pour toucher.

Dans la Vie dans la nuit

toutes les chattes ne sont pas grises.

Celle de Lydia est délicieuse.

Elle crépite sous les projecteurs

stroboscopiques

et inonde nos yeux

à en pleurer.

Dans la Vie

néons lumières brutales

ombres fatales

barres en métal

Dans la Vie

spectacle tour à tour

lascif

lancinant

vrombissant

modeste

enjoué

flamboyant.

Dans la Vie

je caresse le Divin

et la boîte de chocolats fond sur mes genoux.

Dans la Vie

au petit jour

la fête est finie

on remballe tout

Lydia est partie depuis longtemps

avec un client

dans l’arrière salle.

Cabines privées

mieux climatisées

aux spots tamisés

Dans la Vie

c’est pas aujourd’hui encore

que je pourrai lui offrir

ma boîte de chocolats

Dans la Vie – le Stripclub de la Warmoesstraat.

Warmoesstraat - Amsterdam

Warmoesstraat – Amsterdam

Un vendredi soir au Dynamo

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« Allez on y va Ben ! » lance la sweet Candy Sweet.

OK – Quand faut y aller faut y aller ! – je lève mes fesses du lit où je me suis vautré je me prépare fissa et on court dans les couloirs de l’immeuble. On essaie de chopper le bus de nuit mais quand on arrive à l’arrêt on le voit s’échapper. Sans nous. La lose. Alors on s’embarque à deux sur le vélo – sans lumières, sans réflecteurs – dans la nuit finlandaise on trace. Montées descentes on traverse la nationale à toute berzingue. Destination : le Dynamo. Une boîtes de nuit alternative ici – à Turku.

TurkuÅbo, son ancien nom suédois.

On est des Åborigènes et on a peur de rien.

Le Dynamo – un ancien cinéma de quartier – quatre salles – reconverti en discothèque.

Ce soir comme tous les troisièmes vendredis du mois – concert.

Un ancien cinéma et l’entrée coûte aussi cher qu’une place de ciné justement.

Hors de question de mettre mon manteau aux vestiaires – le prix est dissuasif. Mon manteau je vais le poser là sur le canap’ personne pensera à le voler. Une doudoune de mémé en faux poils trouvée dans une boutique de seconde main – achetée moins cher que l’entrée au Dynamo – qui fait parfois office de manteau de pirate sur le retour – et qui tient chaud surtout – parce que moi comme un con j’ai emporté mes vêtements d’été en oubliant qu’en règle générale plus tu t’approches du Pôle Nord et de l’Hiver plus tu te gèles les miches – réchauffement climatique mon cul !

Avec ma doudoune et ma démarche… chaloupée je ressemble à un mac.

Les bières aussi sont hors de prix – heureusement la mémé maquerelle a de grandes poches et dedans quelques canettes en rab pour nous ravitailler quand il se fera soif. Faut juste savoir s’y prendre pour faire ça discretos.

Le concert – y’a pas foule autour de la scène – Whaou ! Ça s’est du rock fort ! Ça bouge ça pulse ça sature ça larsen ça bat bat bat dans tous les sens. Pourtant le public reste stoïque. Des statuts. Hey les gars faut se réveiller là ! Hop hop hop la semaine est finie c’est le week-end alleeeeeez on se sort les doigts du cul, là, et plus vite que ça !

Le temps de décapsuler ma bière et je suis à toi sweety – viens rapproche toi qu’on se fasse un pogo survolté. Chocs frontaux jambes pliées PRENDS GAAAARDE !!! Coups d’épaule et dommages collatéraux « Fais gaffe ! » fait Candy. « Ouais sweetheart t’inquiète j’ai pas oublié je vais pas le fracturer une seconde fois, ton bras! »

Lumières nordiques. Bleues nuit puis rouges carmin – soleil incandescent. Crépustulaire.

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Le groupe : « We’re Hell’s Horses and we are from New-York !

– Ah bah ! New-York » je chuchote à l’oreille maintes fois piercée de la Candy, « Tu m’étonnes qu’y soient dézingués comme ça ! »

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Le mec, là, qui chante et qui gueule – chemise pâle à motifs. Jean noir slim un peu poussiéreux sous les genoux. Il ressemble au Professeur Rogue dans Harry Potter.

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La bassiste – toutes de flammes vêtue. Et un corset pour tenir ses poumons qu’on dirait sorti tout droit de Beate Uhse. Je la soupçonne d’avoir la même coiffeuse-maquilleuse que Blondie.

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Mais quand elle tient les cordes – crispées – quand elles rugissent – je comprends qu’il faut éviter les remarques désobligeantes.

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Je bloque un temps sur leurs godasses. Des talons hauts pour Madame, des Creepers en damiers pour Monsieur.

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Et Blondie et Rogue seraient rien sans leur batteur qui se déchaîne là sur ses cymbales et sa grosse caisse – il ressemble à mon ami Bill. C’est frappant. Tiens du coup je l’appelle, Bill. Je veux lui faire partager ce son – parfois haché à la Led Zeppelin, parfois criant à la AC/DC – et parfois même planant-flottant, atmosphérique à la Pink Floyd. Mais soit pas de réseau ici, soit Bill le salaud me raccroche au nez – de toute façon il doit rien entendre ici – avec le tumulte ambiant…

Même pas une demie-heure qu’on est arrivés au Dynamo et déjà les dernières notes. Candy : « C’est nul y’a même pas de rappel.

– Bah généralement y’a pas de rappel pour les premières parties.

– Mais c’est pas la première partie… »

Ah merde… Les Hell’s Horses remballent leur matos on se console en rejoignant les statues qui bougent enfin pour s’accouder sur le zinc.

« Tiens, goûte moi ça ! » Candy sweety m’invite à boire un verre.

« C’est quoi ? » je demande – sans méfiance : ce soir je serais même capable de boire la cigüe.

« Du Salmiakki – une spécialité d’ici. »

Une sorte de liqueur de réglisse trop bizarre et écœurante. « Kippis ! » – Hop – cul sec – une grimace de dégoût, un petit cri de victoire – et on repart danser on continue notre folle épopée dans la longue nuit Turku-oise.

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Tombé dans ma tombe

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C’est comme ça que l’histoire commence. C’est le Père Lachaise qui rencontre la Mère Lefauteuil.

Soupir.

Non – blague nulle. J’y peux rien, j’essaie toujours de détendre l’atmosphère – surtout dans les moments pas faciles comme celui-là.

Soupir.

En vrai je sais pas trop comment l’histoire commence. Mais je sais où elle se finit. Ici, sous cette pierre grise, perdue au milieu de toutes les allées du Père Lachaise par un matin de printemps pluvieux comme Paris sait si bien les cracher. La procession vient de s’achever. Je vois de mon maigre piédestal des tas de gueules tristes emmitouflées dans leurs mouchoirs détrempés. Musique d’ambiance – morbide et vaine – ça se prête à l’occasion, OK – mais c’est pas celle que j’avais prévue. Je voyais plus un truc de ce genre – mais bon, on choisit pas sa musique d’enterrement – on choisit pas de mourir non plus, tu me diras. Surtout à notre âge. Enterré là à l’ombre de nos 17 ans.

Soupir.

Des oiseaux piaillent dans les cimes des bouleaux. J’ai envie de leur clouer le bec. Il vont pas me gonfler éternellement j’espère.

Soupir.

J’aurais aimé qu’on disperse mes cendres aux quatre vents. Il paraît qu’on a plus le droit – enfin c’est vachement réglementé. Je me demande si des lois aussi connes existent là où je sombre petit à petit.

Soupir.

Impression d’être enterré vivant – il fait chaud ici – et ça grouille de vers – odeur putride. Rien ne se perd rien ne crée tout se transforme – j’étouffe un cri munchien.

Soupir.

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Pas mal, l’épitaphe, hein ? Ça en bouche un coin… C’est ma mère qui a eu l’idée – inconsolable, ma mère – j’ai failli ne pas la reconnaître parmi la foule – le visage défiguré – une vraie fontaine Wallace – j’aurais jamais cru de ma vie qu’on pouvait pleurer à en faire déborder des fleuves comme ça…

Souupir.

Bon, pareil… J’ai pas eu mon mot à dire. À vrai dire, le texte, je trouve ça un peu gnan-gnan, limite cucul. J’aurais bien aimé un truc un peu plus rock. Du genre ΚΑΤΑ ΤΟΝ ΔΑΙΜΟΝΑ ΕΑΥΤΟΥ – « fidèle à son propre démon » – une épitaphe apposée sur la tombe de Jim Morrison à quelques petites dizaines de mètres de moi.

Soupir.

Ou bien DON’T TRY – ah elle est pas mal celle là – sur la pierre tombale de Bukowski – pour retirer toute intention à ses visiteurs admirateurs de venir pisser dessus.

Soupir.

Bon… c’est pas que je me fais chier, mais faut que j’y aille. On m’appelle, là haut.

« Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. »

Dernier soupir.

Dans les métros

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Tous les matins

TOUS les matins

TOUS LES MATINS

de la semaine

(après avoir fermé la porte)

je prends le métro

pour aller au boulot

et je sais que

quand je prends ce métro

à cette heure précise

pas le prochain pas celui d’avant

je vais être en retard au boulot

je le sais mais je prends

quand même ce métro parce que

je vois cette fille

les lundi mardi jeudi

assise toujours à la même place

cette fille aux cheveux rasés

qui ressemble à Linda Hardy

ouais ouais la Miss France

dans Immortel Ad Vitam

– elle a les yeux bleus

bleus bien profond

et la peau tannée

j’aimerais bien l’inviter à boire un verre

mais j’ai jamais osé

sauf une fois

un vendredi

j’ai préparé un papier

et un stylo

pour lui filer

mon numéro

drague à deux balles

mais des fois ça marche…

Forcément elle était pas là.

Aujourd’hui comme d’habitude

elle descend à la gare

je poursuis quelques stations

en rêvassant

ma vie avec elle un chien et un jardin

et je retourne à ma lecture.

J’ai pas mon MP3

– ça se dit encore, ça – « MP3 » ? –

écouteurs pétés.

Seuls les bruits des moteurs du rail

– accélération – décélération –

la petite voix automatique

de femme qui annonce les arrêts

– le bruit des gens qui vont et qui viennent

– qui parlent – les bruits de la vie toute rassemblée

dans cette boîte à sardines.

Aujourd’hui les voix se sont tues

et le métro est affreusement désert.

À un endroit le métro sort de sous la terre

ciel du matin

lumières aveuglantes qui éclatent sur ma gueule

et cristallisent ma rétine

au dessus du périph’

je pense aux métros surélevés

de Berlin – U-Bahnlinie 1

Oberbaumbrücke

le pont où l’Ouest et l’Est se rejoignent

le pont – où « Lola rennt »

Uberlin

Le métro de Paris – ligne 2

Stalingrad vers le bassin de la Villette

de New-York – The J line

où on a parlé de désir et d’amour

face au Salem Fields Cemetery.

New-York encore line 7

vue de dessous sur Jackson Avenue

Le subway, un building et un Diner

Image typiquement new-yorkaise

près de Five Pointz

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Au dessus du périph’

je regardais la route

la ligne droite je sens

l’odeur du macadam

et mes semelles qui collent au bitume.

Depuis quelques temps c’est là haut que ça se passe

c’est ce ciel que je fixe

« Qu’est ce que tu veux faire plus tard ? »

j’avais demandé à Moéa

– rencontre feutrée dans les

lumières tamisées d’un bar à rhum

Et elle a bien compris, Moéa

ce que j’entendais par « plus tard »

Car elle tout de go de répondre

« Avant de mourir je voudrais faire du parachute. »

Wow ! Du parachute.

Je m’imagine

parachuté dans ce ciel qui m’éblouit.